Être sensible ne veut pas dire être faible. Bien au contraire. C’est avoir
les sens aiguisés et prêts à bondir. Voilà ce qui caractérise Skia, ce qui
fait d’elle une artiste humaine et totalement à part. Son rap est frontal,
ne passe pas par quatre chemins, raconte une vie faite de revanches et
de détermination sans faille. Avec son premier EP intitulé « Sensible »,
elle dévoile une musique où la modernité des thèmes et des productions
côtoient la technique des anciens et leur rage de vaincre. « C’est avec la
new school que j’ai découvert le rap, mais c’est avec la old-school que
j’ai parfait mon savoir-faire », assène-t-elle.
Il est vrai que l’on marche plus droit lorsqu’on sait d’où on vient. D’où elle
vient, c’est d’un milieu qui ne la prédestinait ni au rap, ni à ses codes. Et
pourtant. Lorsqu’elle tombe nez-à-nez avec cette musique il y a de cela
dix ans, Skia comprend tout de suite qu’elle vient de trouver l’exutoire
qui manquait à sa vie. « J’ai instantanément écrit mon premier texte, d’une traite.
Depuis ce jour, je n’ai plus lâché.
Le rap m’a permis d’accepter les difficultés que j’ai rencontrées, de les comprendre. »
Et de lesaffronter dans ses paroles. « Combien de fois j’ai failli finir mal / Echec
scolaire depuis que le viol est normal », scande-t-elle sur «Chercher Loin», l’un de ses premiers morceaux.
Le décor est planté. A 25 ans, Skia sait désormais ce qu’elle veut : parler
sans détour de ce qui l’habite, de son passé, « sans faire de courbettes ».
Elle peut aborder la question de l’avortement sur son titre « Verre d’eau »
sans passer par la case métaphore ou non-dits, montrer la lâcheté de
certains hommes grâce à la production syncopée de « Maladresse »,
ou dépeindre un monde qui semble s’écrouler, le nôtre, sur « Je sais ».
Habillée par les beatmakers Mounir Maarouf et Blaise Keyz (qui ont
composé pour Chilly, Bosh, YL, Kalash, La Fouine entre autres) et les
pianos de Guillaume Ferran, sa voix peut se faire nonchalante, agressive ou mélodieuse.
Sans jamais perdre de vue ses objectifs. Elle l’affirme : « Je n’aime pas
être rangée dans la catégorie ‘rap de filles’. Je suis pour qu’il y ait plus
de femmes dans le rap, comme dans n’importe quel secteur, d’ailleurs.
Mais je ne comprends pas pourquoi on nous séparerait des hommes.
On vit le rap tous ensemble. »
Sur ses freestyles, elle prouve qu’elle n’a rien à envier à qui que ce soit,
que sa sensibilité revendiquée peut la transformer en machine ou en
passeuse d’émotions. Pour Skia, le temps de l’innocence et des complexes est bel et bien terminé.
Voici celui de l’acceptation, de l’affirmationet des combats. Et il ne fait que commencer.