C'est en 1975 qu'Alibi Montana voit le jour dans la cité des 4000 à la Courneuve. Né Nikarson Saint-Germain, cet Haïtien d'origine connaît tous les affres de jeunesse d'un gamin de cité. Nourri de la culture ghetto venue des Etats-Unis par l'intermédiaire de Public Enemy ou Run-D.M.C. , il commence lui aussi à rapper, à mettre ses angoisses en musique et à se nourrir de street culture. Son pseudo d'artiste, comme bien d'autres rappeurs, c'est chez Martin Scorsese qu'il va le trouver, et plus particulièrement dans le film Scarface, en s'affublant du nom de l'anti-héros incarné par Al Pacino, Tony Montana. Car, à ses débuts, Alibi Montana s'inscrit clairement dans une mouvance gangsta « à la française » dans laquelle ils sont peu nombreux à évoluer au milieu des années 1990, alors que la scène hip-hop est encore trustée par NTM (pour la région parisienne) et IAM (pour Marseille).
Gangsta des 4000
Alibi Montana ne se contente pas de chanter la criminalité, mais, à plusieurs reprises, franchit la ligne blanche : arrestations répétées, tête-à-têtes plus que houleux avec la police et, au final, une condamnation à trois ans de prison pour tentative d'homicide. Un séjour derrière les barreaux qu'il raconte sur l'album 1260 Jours, reconnaissant tout de même qu'il avait bien mérité cette condamnation et ne se posant pas en victime.
C'est au sein de quelques crews de Vitry-sur-Seine qu'il fait ses premières armes et rencontre notamment S'Kiv, Sefyu ou N'Peers. Une première participation sur la compil Neochrome Volume 2 lui met le pied à l'étrier et sa première mixtape, T'as Ma Parole, sort en 1999, éditée par un label indépendant, Menace Records. Un premier album pas forcément remarqué, mais qui fait de lui l'un des artistes en vogue dans le petit milieu du hip-hop à consonance « gangsta » hexagonal. Jouant le jeu de l'indépendance par rapport aux grands labels, Montana reste fidèle à Menace Records et sa promotion se fait exclusivement par le bouche à oreille ou les nombreux stickers collés sur les murs.
Le choix de l'indépendance
Mandat de Dépôt et Face à Face Avec La Rue, en 2002 confirment la marginalité du rappeur qui s'obstine à rester confidentiel malgré la reconnaissance grandissante de ses pairs. Ainsi, Kamelancien ou Rohff invitent le petit joufflu sur leurs propres albums. La Fierté des Nôtres de Rohff, en 2004, le voient figurer en bonne place aux côtés d'autres featurings tels que Sefyu ou Kamelancien. La même année sort 1260 Jours, l'album grâce auquel Montana exorcise son passé de délinquant tout en réglant ses comptes avec la justice.
Un autre duo vient le porter au pinacle lorsque Rockin' Squat, ex-leader d'Assassin, l'invite sur l'album Libre Vs. Démocratie Fasciste. Grâce à la reconnaissance de Cassel Junior, Montana devient un rappeur bankable et, s'il persiste à rester chez Menace pour ne pas être tenté d'aseptiser son discours, il n'en est pas moins présent sur un nombre de plus en plus important de compilations comme Street Lourd Hall Stars, Sang 9 ou Hors Série.
Zonzon
Numéro d'Ecrou, Toujours Ghetto Vol 1 et 2 ou Rue sortent coup sur coup en 2005 et, s'ils montrent que le rappeur s'est bien imprégné de références carcérales, ils tendent également à illustrer la créativité et l'hyperactivité de Montana qui, à l'occasion de Rue collabore avec LIM.
Condamnant le R'n'B et le rap « commercial », le rappeur de la cité des 4000 se trouve une nouvelle bête noire en la personne du (futur) président Nicolas Sarkozy à qui il reproche, bien évidemment, sa célèbre citation du « Kärcher ». Mais le positionnement « rappeur gangster » qu'il s'est choisi commence petit à petit à le desservir, car ses textes positifs passent globalement inaperçus au milieu de ses chroniques du banditisme ordinaire.
Crise des Banlieues, en 2006, sort en écho aux émeutes ayant secoué les cités de France l'année précédente. Toujours avec peu de promotion, mais comptant sur Internet, ses affichettes et le bouche-à-oreille, Montana devient progressivement l'une des figures majeures du Rap francilien et ses participations à des compilations ou les albums d'autres artistes ne se comptent plus. En vrac, on peut citer : Larsen, Seth Gueko, Sinik, Alpha 5,20, Bastos, Lord Kossity et Diam's parmi les rappeurs ayant fait appel à lui pour les besoins de duos ou de sessions d'enregistrement.
Prêt à mourir pour les siens
Valeur montante du hip-hop francophone, Montana retrouve à l'occasion L.I.M pour quelques featurings de prestige avant de collaborer avec des artistes comme Lino (d'Ärsenik), Xkalibur ou encore Youssoupha pour les besoins de compilations et autres mixtapes comme Nique la Tektonik, L'hymne du Ghetto ou La Rage du Ghetto.
En 2008, cependant, Montana change son fusil d'épaule et accepte de signer chez Because Records pour les besoins de Prêt à Mourir pour les Miens, son quinzième album, s'offrant également quelques guests de renom comme Kery James, Kheimer ou Dragon Davy. Un album sous l'égide d'une major du rap, certes, mais sur lequel il exige un contrôle artistique total sous peine de repartir dans son label d'origine. En 2009, il sort en commun avec son frère Alino l'album Une Affaire de famille. Ému comme beaucoup d'artistes par le séisme qui dévaste Haïti en 2010, Alibi Montana donne de son temps à son pays d'origine en participant au projet collectif Un Geste pour Haïti Chérie.
Alibi Montana et LIM décident en avril 2013 de donner une suite à Rue (2005) avec Rue 2 qu'ils ont annoncé dès janvier avec Rue 2 Avant l'Album.