Ce trio new-yorkais cultive depuis ses touts débuts l'originalité, étant constitué d'une vocaliste japonaise et de jumeaux italiens : Amedeo (guitariste/chanteur) et Simone Pace (batteur). Nés à Milan, ils ont grandi au Canada et étudié à Boston, à la Berklee School Of Music, mais c'est à New York (dans un restaurant italien) qu'en 1993, ils rencontrent par hasard deux jolies Asiatiques étudiantes en Art, Kazu Makino et Maki Takahashi, avec lesquelles ils décident de faire de la musique et d'écrire des morceaux. En fait, à ce moment-là, ils apprennent surtout à jouer de leurs instruments en les pratiquant, même si Amedeo Pace a déjà des notions de guitare, dont il fait profiter Kazu Makino.
Japan meets USA
En hommage au groupe DNA, ils prennent vite le nom de Blonde Redhead, en référence à une chanson de la formation no-wave d'Arto Lindsay, musicien que Kazu Makino, habituée du milieu avant-gardiste, a un peu fréquenté. Maki Takahashi joue la basse sur le single « Jet Star » /« Vague » et sur le premier album, Blonde Redhead, mais elle est vite remplacée par une autre Japonaise, Toko Hasuda, qui assure une tournée avant de s'en aller à son tour, son poste n'étant finalement plus pourvu. C'est ainsi que depuis, sur scène, le groupe se passe de basse : Kazu Makino et Amedeo (qui, à la ville, sont mariés) jouent souvent de la guitare tous les deux, celle-ci jouant aussi du piano. Amadeo Pace chante également, et, fait rare chez un groupe « Made in USA », ils interprètent des textes dans d'autres langues que l'anglais, comme l'italien, le japonais et le français, ainsi une excellente reprise de « La chanson de Slogan » de Serge Gainsbourg, dont Kazu Makino est très fan (elle a d'ailleurs participé en 2006 avec l'ex-Smashing Pumpkins James Iha au disque Monsieur Gainsbourg Revisited et Blonde Redhead est à l'affiche à la Cité de la Musique de Paris, en octobre 2008, pour un hommage à Gainsbourg).
La même année que Blonde Redhead sort La Mia Vita Violenta, leur deuxième album, qui reçoit un bon accueil, même si les comparaisons avec Sonic Youth abondent toujours. En 1997, sur Fake Can Be Just As Good, paru cette fois-ci chez Touch & Go, Guy Picciotto (membre de Fugazi) est choisi comme producteur et Vern Rumsey (membre d'Unwound) assure l'intérim à la basse. Un an plus tard, pour In An Expression Of The Inexpressible (titre inspiré d'une citation du compositeur Georges Delerue), ils se passent même complètement de la quatre-cordes et sur un titre de cet album (« Futurism Vs. Passéism Part 2 »), Guy Picciotto chante.
Mélodie citronique
En 2000, l'excellent Melody Of Certain Damaged Lemons marque un tournant dans leur musique, qui bénéficie de davantage d'influences, comme celle des musiques de films, et ignore toujours la basse : ils ont désormais recours au piano, aux cordes, et même aux vieux synthétiseurs Casio, Guy Picciotto étant encore à la production. Un EP de cinq titres, Melodie Citronique, paraît dans la foulée (seule une chanson y est en anglais). Ensuite, quatre longues années passent, durant lesquelles ils ne sortent pas de disques : Kazu Makino doit alors se remettre d'un grave accident de cheval, traumatisme qui lui a laissé la mâchoire brisée et lui inspire certains des thèmes du sombre et tourmenté Misery Is A Butterfly (paru au printemps 2004), où le groupe délaisse les guitares au profit des claviers et renoue un peu avec la basse, jouée par l'Islandais Skuli Sverrisson (qui figurait déjà sur Blonde Redhead). Pour cet album, ils rejoignent le label 4AD, signe de l'importance qu'ils ont prise sur la scène underground. Leur musique, de plus en plus maîtrisée, alterne toujours la douceur et la violence et recèle encore de belles dissonances, la voix enfantine de la chanteuse plongeant souvent l'auditeur dans un univers à la frontière de l'onirique.
A force de patience et de travail, ils s'attirent aussi la reconnaissance de leurs pairs, qui les choisissent pour la première partie de leurs tournées : les Red Hot Chili Peppers et les Foo Fighters leur permettent ainsi de toucher un public plus important qui, sans ce coup de pouce, n'aurait pas forcément cédé aux charmes de leur musique, résolument inclassable. De même, en 2005, ils collaborent avec David Sylvian sur un EP, The Secret Society Of Butterflies, et un an plus tard, Kazu Makino chante en guest-star pour le groupe TV On The Radio.
Pour 23, leur album le plus encensé par la presse jusqu'à maintenant, Guy Picciotto est à nouveau derrière la console, mais seulement pour mixer, le groupe produisant lui-même, avec tout de même le concours de Mitchell Froom sur deux titres. Depuis que Kazu Makino est pleinement rétablie, Blonde Redhead ne cesse plus de tourner mais en septembre 2007, le groupe doit annuler une série de dates, car c'est cette fois-ci Amedeo Pace qui doit se refaire une santé.
En dépit de passages à vide, leur public reste fidèle et le bouche-à-oreille leur attire de plus en plus de fans, notamment en France, où en avril 2008, ils remplissent à ras bord le Bataclan, prouvant qu'ils représentent désormais beaucoup plus qu'une curiosité. Et les formations « indé » plus jeunes (comme celle des Belges de Girls In Hawaii) ne sont pas les dernières à les citer en exemple. Après l'album Penny Sparkle paru en 2010, la formation new-yorkaise enregistre Barragán avec le producteur Drew Brown. Le titre « No More Honey » est diffusé en avant-première de la sortie, qui a lieu début septembre 2014.