Thomas Jenkinson, plus connu sous le pseudonyme de Squarepusher est né en le 17 janvier 1975 à Bridgeport (Dorset) en Angleterre. La mésentente entre ses parents pousse le jeune homme à se réfugier dans la musique et l'écoute des nombreux disques de jazz de son père : Art Blakey, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Miles Davis (période Bitches Brew), Herbie Hancock avec Headhunters, les disques de jazz fusion de Mahavishnu Orchestra et de Weather Report, et Jaco Pastorius en particulier. C'est par la basse puis la batterie qu'il s'initie à la musique à l'âge de 12 ans.
Ses goûts musicaux s'orientent ensuite vers le reggae et son versant expérimental la musique dub, dont il écoute les maîtres jamaïcains du genre que sont Augustus Pablo, King Tubby, Lee Perry et The Upsetters. En 1989, il est comme tous les jeunes anglais très marqué par la vague acid-techno qui balaye l'Angleterre. Il devient fan des productions de Underground Resistance Carl Craig et du combo anglais 808 State et fréquente assidûment les free parties qui pullulent dans le pays. Fasciné par l'éclosion des musiques électroniques, il s'équipe de sampleurs, de séquenceurs et des fameuses machines Roland utilisées dans la house music d'alors.
A 18 ans, il s'inscrit à la section beaux-arts de l'Université d'Art et de Design de Chelsea, joue dans des groupes amateurs de jazz et de funk et compose ses premiers morceaux dans son minuscule home studio. Il s'enthousiasme pour le label Warp à travers les sorties de LFO et du génie iconoclaste Richard D. James alias Aphex Twin. Celui-ci l'impressionne au plus haut point car il réussit l'exploit d'affirmer son identité en n'usant que de machines dont il a au préalable détourné les circuits pour générer ses propres sons. Squarepusher adopte sur ses morceaux la même approche tout en rajoutant ses lignes de basse fortement influencées par son idole Jaco Pastorius. Fasciné par les rythmes, il devient fan d'une toute nouvelle musique venant d'Angleterre la jungle ou drum'n'bass, mélange de breakbeats reggae et hip hop joués à 200 à l'heure et de sons issus de la techno. Cette influence marque ses productions et lui permet de créer des rythmiques folles qui secouent l'auditeur.
En 1994, Squarepusher sort ses deux premiers maxis en auto production Crot EP et Stereotype EP. Son maxi suivant Conumber EP sort en 1995 sur la structure indépendante Spymania où débute aussi le futur chanteur electro-soul Jamie Lidell. Son nom commence à circuler et il décroche quelques dates dans des pubs. L'originalité de ses performances réside dans son jeu de la basse sans frettes et le déploiement simultané des sons électroniques avec ses multiples pédales et machines. Lors d'un concert dans un pub miteux, il est contacté par son idole techno Aphex Twin qui captivé par le mélange entre basse jazz et breakbeat jungle lui propose de sortir ses premiers travaux.
Les démos données par Squarepusher vont constituer son premier album Feed Me WeirdThings sorti en 1996 sur Rephlex, le label créé par Aphex Twin. On y trouve ce concassage de jazz et de jungle des précédents maxis mêlé à des textures inspirées d'Aphex Twin. L'album impressionnant de maîtrise et de variété de tons se vendra à 25 000 exemplaires et demeure un classique des musiques électroniques au même titre qu'un Tango'N'Vectif de U-Ziq (sur Rephlex) ou de Bricolage le premier Amon Tobin sorti sur Ninja Tune.
Parallèlement, Squarepusher sort des morceaux axés uniquement drum'n'bass sous son propre nom et sous le pseudonyme de Duke Of Harringay. Ces morceaux ainsi que ceux sortis sur le label Spymania seront regroupés sur la compilation Burningn'n Tree parue chez Warp en novembre 1997. Il signe la même année sur Ninja Tune un remarquable remix du titre « Scratch Yer Head » inclus dans l'album Refried Food du collectif de DJs, DJ Food.
Sollicité par les créateurs de Ninja Tune Coldcut et par le label belge R&S pour une signature d'artiste, c'est finalement sur le label de Sheffield Warp Records que Squarepusher accepte de sortir ses futurs titres. La qualité du catalogue et la présence d'Aphex Twin, LFO et Autechre ont fortement influencé Thomas Jenkinson dans sa décision finale. Sa musique inclassable et son background de musicien classique font de Squarepusher la perle rare et contribuent à faire de Warp Records le plus diversifié des labels électroniques. Le maxi Port Rhombus sorti le 1er juillet 1996 précède la parution le 28 avril 1997 du premier album warpien de Squarepusher Hard Normal Daddy.
Moins touffu que le précédent, c'est un disque plus contrôlé où l'on retrouve les influences habituelles à base de jazz et de jungle de l'artiste avec un sens plus développé de la mélodie et des structures. L'album fêté par les magazines musicaux atteint le chiffre très positif de 75000 unités vendues, résultat réjouissant pour un album aussi original. La même année, le mini album Big Loada qui pousse encore plus loin la prouesse en programmations rythmiques est salué par le NME en termes flatteurs recommandant plusieurs écoutes pour en goûter toutes les richesses.
En 1998, il sort l'étonnant troisième album de sa carrière Music Is Rotted One Note. A l'inverse des précédents qui mélangeaient séquences live et programmations, celui-ci est entièrement organique. Tom Jenkinson renonce à prendre un groupe pour l'accompagner et se charge seul de la basse, de la batterie et des claviers. La musique est une réinterprétation magistrale du jazz joué par Miles Davis sur Bitches Brew ou Live Evil. La critique unanime salue la performance technique et musicale de l'album. Squarepusher est désormais considéré à la fois comme un compositeur électronique à suivre impérativement et un bassiste surdoué. Au festival d'été Sonar de musiques électroniques de Barcelone, il livre cette année-là un show ébouriffant et éprouvant où seulement armé de sa basse et de ses machines, il prouve qu'il demeure un des rares musiciens de la sphère techno à maîtriser la scène.
S'ensuit une frénésie de sorties durant l'année 1999 avec tout d'abord le mini album Budakhan Mindphone en mars. Le contenu est assez similaire à Music Is Rotted One Note avec en supplément des colorations dub sur le planant « Lambic 5 Poetry ». Le 6 juillet paraît le EP Maximum Priest de la même veine que Budhakhan Mindphone qui offre en bonus trois remix intrigants de ses amis musiciens Wagon Christ et Autechre. Selection Sixteen, un mini album sorti le 9 novembre alterne le jazz débridé de Music Is Rotted One Note avec des titres plus électroniques orientés jungle.
Après ce rythme intensif de sorties, Squarepusher reste absent du circuit pendant l'année 2000. Le 15 mai 2001, sort l'étonnant single « My Red Hot Car », l'un des titres les plus accessibles de sa carrière directement élu single du mois par le magazine musical anglais New Musical Express. Sorte de parodie facétieuse du style 2-step en vogue dans les clubs anglais, « My Red Hot Car » en reprend les grosses basses et la mélodie vocale assez lisse pour mieux les saboter de l'intérieur. Ce titre à la fois « radiophonique » et expérimental est un digne cousin de « Windowlicker » de son mentor Aphex Twin, avec qui il crée la même année le label Men. L'album qui suit ce single malicieux, Go Plastic, paru le 26 juin 2001, voit Squarepusher revenir à des ambiances entièrement électroniques avec toujours le souci constant d'abstraction de ses précédents travaux. L'instrumental délicat « Tommib » sera inclus par Sofia Coppola sur la bande sonore de son premier film Lost in Translation, en 2003.
L'album suivant, Do You Know Squarepusher?, sorti le 1er octobre 2002, perpétue ces sons électroniques en intégrant l'influence de la musique concrète. Composé d'un mini-album studio et d'une prestation live déchaînée au Japon - où il joue seul de tous les instruments -, le disque ne déroge pas à la complexité de son oeuvre et continue à surprendre à l'image de cette reprise respectueuse du « Love Will Tear Us Apart » de Joy Division.
Ultravisitor, son sixième album sorti le 9 mars 2004, est salué comme l'un de ses meilleurs disques. Sur des titres très travaillés, l'album réussit habilement à fusionner les improvisations jazz chères à ce bassiste prodige avec ses pulsions électroniques à base de drum'n'bass et de musique « concrète ». Le titre « Tommib Helb Buss » sera retenu deux ans plus tard par Sofia Coppola sur la musique du film Marie Antoinette.
En juin 2005, Squarepusher participe à un hommage à Jimi Hendrix au London's Royal Festival Hall. Sa performance de 12 minutes, où il mixe à la basse des morceaux du guitariste en agrémentant le tout de touches électroniques fait sensation et impressionne son collègue bassiste des Red Hot Chili Peppers, le véloce Flea. À la suite de ce concert, le nom de Squarepusher circule dans le milieu des musiciens et il n'est pas rare d'entendre en interview Thom Yorke de Radiohead, The Neptunes et André 3000, du duo Outkast, vanter les talents du bonhomme, paradoxe certain pour un musicien dont l'audience médiatique et radiophonique reste confinée à une sphère restreinte.
Paru le 17 octobre 2006, son huitième album Hello Everything est un album plus apaisé et spontané qui voit Squarepusher creuser d'autres territoires comme le flamenco et la musique de film. Une session télévisée en live sur l'émission Culture Show de la BBC 2 en octobre 2006 le fait connaître d'un plus large public : il y exécute en fin d'émission à la basse une version très personnelle du célèbre titre rap « Rapper's Delight » de Sugarhill Gang.
La sortie de son neuvième album, Just A Souvenir, a lieu en octobre 2008. Une tournée mondiale est programmée avec un passage par Paris au Trabendo le 19 novembre 2008. Peu après, Squarepusher est invité au festival All Tomorrow's Parties dont les programmateurs sont en 2008 le groupe américain Melvins et Mike Patton, le chanteur de Faith No More et de Fantomas. L'album suivant paru en 2012, Ufabulum, reçoit un accueil mitigé de la part de la presse spécialisé. Certains y voient une nouvelle étape tandis que d'autres parlent d'un album d'idées à demi-exploitées.