Big Youth, alias Manley Buchanan, est né à Kingston en 1952, dans ce centre-ville en pleine déliquescence où s'élabore, depuis les années 20, la pensée jamaïcaine, garveyite et rasta. Son père est policier, sa mère dirige une église. De cette éducation il garde un sens solide du bien et du mal, assorti d'une profonde aversion pour toutes les religions. A treize ans il quitte l'école et entre en apprentissage comme mécanicien. Dès cette époque lui et ses acolytes règnent en maître sur le petit sound system du quartier, Tippertone. Son style, que certains appellent « sing-jay » parce qu'il est très mélodique, se démarque de celui de son aîné, U Roy.
Produit d'abord par Gregory Isaacs et Jimmy Rodway, « Jah » Youth enchaînera les tubes pour des dizaines de producteurs, dont les célèbres « Screaming Target » pour Gussie Clarke et « S90 Skank » pour Keith Hudson (1972). Son succès lui permet de se lancer dans l'auto-production. Ses dizaines de 45 tours (« Hit the Road Jack », « Dreadlocks Dread », « Every Nigger is a Star », « Jim Screechy », « Green Bay Killings »...) constituent une chronique vivante et pittoresque des années 70 en Jamaïque, en même temps qu'un résumé de la pensée rasta de son époque. Il est le « sage » le plus écouté parmi les musiciens du centre-ville ; Bob Marley lui voue un grand respect. Dans les années 80 la montée de la violence et la mode de la slackness (thèmes grivois) provoque une éclipse du grand DJ. et le force à s'exiler en Californie. Il rentre en Jamaïque à la fin des années 90, où il reprend sa place comme conseiller du ghetto. Sa production ressort en 2000, chez Blood and Fire, qui réunit 51 titres sur une compilation de 3 Cds.
