Formé à San Diego en 1966, Iron Butterfly est tôt recruté par Atco (sous-marque d’Atlantic Records) sur la foi de concerts dantesques au club Whisky A-Go-Go de Los Angeles. Le groupe composé de Darryl DeLoach (basse, chant), Doug Ingle (claviers, chant), Danny Weis (ex-David Ackles Band) et Jerry Penrod aux guitares et Ron Bushy (batterie) se fait timidement connaître par l’album Heavy (février 68, n°78) duquel est extrait le single « Possession/Unconscious Power ».
Cependant, si le titre on ne peut plus explicite de l’album marque le territoire que va occuper la formation au cours de la décennie suivante, le répertoire actuel s’articule autour de jams sur des standards de blues ou de rhythm and blues. Bientôt, Iron Butterfly met au point ses propres compositions, dans un genre résolument psychédélique. Plus fruste que ce qu’on entend alors, le son de la batterie et de la basse attire particulièrement l’attention.
Darryl DeLoach faisant ses valises, Doug Ingle devient le chanteur et le principal compositeur : sa voix chaude, parfois nonchalante, contribue à l’originalité de sa musique et il est un leader affable. Musicien le plus populaire au sein de la bande, le batteur Ron Bushy sera en fait le seul membre du groupe à faire partie de chacune de ses incarnations et reste encore aujourd’hui le plus souvent associé au nom d’Iron Butterfly, qu’il détient légalement.
Le groupe tourne avec des formations prestigieuses : les Doors, Jefferson Airplane, Grateful Dead, mais les ventes insuffisantes de Heavy provoquent les départs de DeLoach, Weis et Penrod.
Brièvement, le groupe est mis en stand-by et Bushy travaille dans la pizzeria d’un club d’Hollywood jusqu’à ce que lui et Ingle décident de continuer l'aventure Iron Butterfly et d’embaucher de nouveaux musiciens : ils portent leur choix sur un guitariste de dix-sept ans, Erik Brann (ou Erik Braun, mort en 2003), et le bassiste Lee Dorman, futur Captain Beyond et découvreur de Black Oak Arkansas. On dit alors que Neil Young et Jeff Beck auraient également souhaité les rejoindre.
Le nouveau quatuor enregistre In-A-Gadda-Da-Vida, qui à sa sortie, en 1968, va leur faire connaître le succès de masse en gagnant ses galons d’album-culte de toute une génération. Plus fréquentés, leurs concerts deviennent de vrais marathons, chaque musicien ayant droit à des solos à rallonge, en particulier sur la chanson-titre, qui deviendra un élément obligatoire de leurs set-lists.
Pourtant, l’état de grâce ne durera pas : le 31 janvier et le 1er février 1969, un groupe anglais fondé seulement quelques mois plus tôt et nommé Led Zeppelin assure leur première partie au Fillmore East de New York. Très grosse erreur puisque le Zeppelin vole complètement le show au Butterfly et si l’année d’après, les deux groupes rejouent ensemble au même endroit, c’est cette fois-ci Iron Butterfly qui ouvre pour le Zeppelin...
Paradoxalement, le Butterfly est alors un vendeur beaucoup plus conséquent que la bande de Jimmy Page, In-A-Gadda-Da-Vida devenant même le tout premier album de l’histoire de l’industrie musicale jamais récompensé par un disque de platine, ceci pour des ventes excédant huit millions d’exemplaires en l’espace d’une seule année. Bien qu’il n’ait jamais été numéro 1 au Billboard, il en serait même aujourd’hui à trente millions de copies écoulées ! Il est aussi le plus vieil album n'ayant jamais disparu du catalogue Atlantic.
En août, Iron Butterfly manque un autre rendez-vous important : prévu à l’affiche du festival de Woodstock, le groupe, bloqué dans les embouteillages, ne parviendra pas jusqu’au site, les organisateurs lui ayant refusé un hélicoptère et le cachet qu’il demandait. Il n’apparaîtra donc jamais dans le film à succès consacré à l’événement.
Profitant du succès d’In A Gadda-Da-Vida, leur album suivant, Ball, sera numéro 3, mais ses chiffres de vente seront beaucoup plus modestes que ceux d’In-A-Gadda-Da-Vida. Ce sera leur dernière réussite notable.
L’album live de rigueur et des disques en studio comme Metamorphosis, Scorchin’ Beauty et SunAndSteel ne leur permettront pas de renouer avec leur gloire passée, des changements de personnel incessants n’arrangeant pas les choses (on remarquera à un moment à la guitare Mike Pinera, un futur membre du groupe de scène d’Alice Cooper). Au milieu des années 70, ce sera déjà de l’histoire ancienne en ce qui les concerne.
Le 14 mai 1988, la formation de l’époque In-A-Gadda-Da-Vida réapparaît au Madison Square Garden de New York lors du concert célébrant les 40 ans d’Atlantic mais, mal préparée, leur prestation déçoit unanimement, le chanteur guitariste en étant réduit à annoncer au public un pathétique :
« On joue aussi demain à l’hôtel Ritz » ! Deux ans plus tard, Slayer, groupe-phare du mouvement trash, reprend leur chanson-étendard « In-A-Gadda-Da-Vida » pour une B.O. de film et montre tout ce que les formations du genre doivent à leurs expérimentations.
Se réunissant par intermittences, le groupe continue de se produire en ce début de siècle dans le circuit des oldies shows : si Doug Ingle s’est depuis longtemps lassé des tournées, Ron Bushy et Lee Dorman continuent à faire voler le lépidoptère de métal, secondés par d’autres musiciens, les derniers recensés étant Martin Gerschwitz et Charlie Marinkowitch, qui les aident à retrouver, même partiellement, le son de leur grande époque.