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LE TUNNEL - Nouvel EP + Court-métrage : 19/11/2021
Le Tunnel est un mini-disque qui va de l'avant. Par son évocation d'une fébrilité
existentielle affrontée de face, à l'entrée d'un immense passage souterrain. Par son
approche aussi physique que mentale. Par son parti-pris synthétique à la fois radical,
obsédant et captivant. Par son intensité incantatoire. Par sa manière à insuffler de la vie à
ses panoramas, à leur injecter quelques germes fauteurs de troubles. Par sa capacité,
enfin, à constituer une formidable réserve à fantasmes cinématographiques.
Définitivement débarrassé du monde des autres, DAMPA - entendre par là refuge - opère
en mode exploratoire et chirurgicale. Perce l'anormalité d'une fuite addictive en
s'avançant. Dans un appartement, sur un visage, dans le noir, comme une sonde. Là, des
néons blafards se hissent au dessus de bâtisses aux couleurs pastels, des pulsations
claquantes se déversent au milieu des nappes lancinantes. Densité atmosphérique en clair-
obscur. Confusion des sens. Réalité spleenesque en surchauffe. Donc DAMPA, duo
composé de Angéline Savelli et Victor Maitre. Complices dans l'élan créatif et la curiosité
depuis une petite dizaine d'années. Elle, autrice et interprète, biberonnée par les musiques
noires américaines. Lui, tête chercheuse de la partie instrumentale, happé par les synthés
et la techno. Plusieurs voyants au vert déjà auparavant pour cette formation vite propulsée
sur scène par La Sirène, salle de musiques à la Rochelle (par ailleurs, ville dans laquelle
ils ont grandi) : Thunderball, première prod reprise pour une publicité de marque de
parfum d'Yves Saint-Laurent, l'accompagnement du Chantier des Francos de La Rochelle
(et un passage sur la grande scène entre Hocus Pocus et Christine and the Queens), la
sélection aux Inouïs du Printemps de Bourges, lauréat du prix Société Ricard Live Music.
Et un premier EP scindé en deux parties, Color.Blind, où le trip-hop entrait en collision
avec l'electro-trap.
En fait, c'est simplement DAMPA qui va de l'avant dans sa musique, qui dépasse tout ce
qu'il a entrepris ou exploré. Pendant l'enfermement contraint et forcé du printemps 2020,
il a songé éveillé, entre foulées rythmiques et couplets, travaillant apesanteur et tempo,
visions et visées. Mettre son savoir, ses envies anciennes et ses désirs nouveaux. Créer sa
propre zone d'autonomie. S'apprêter à faire sonner sa déclaration d'indépendance. Ne
s'attacher qu'à la grammaire intime du champ des possibles, en l'occurrence la production
musicale, graphique et cinématographique (savoir aussi que Dampa va ouvrir un lieu à
Nantes qui conjuguera galerie d'art numérique et espace de travail commun de travail
image-son). Il faudrait ajouter aussi le passage à la langue française. Longtemps un
blocage et un complexe pour Angéline qui a fait valser ses doutes à la suite de l'invitation
de Blandine Rinkel – chanteuse de Catastrophe – à la rejoindre sur la scène parisienne de
la Maison de la Poésie.
Avec Le Tunnel, DAMPA signe la bande d'originale d'histoires de vie, d'émotions vives
et d'images résiduelles. Décollage à la verticale, à travers le morceau éponyme. « Les
laisser croire/Les laisser voir/La projection/D'un peu de moi auprès d'eux/Dans un
creux/Je deviens à leurs yeux/Leurs cieux... ». Ici, c'est le vice confiant dans son état
d'emprise qui parle. Transe hypnotique et progressive. Qui ne vise pas la perte de
conscience mais au contraire un niveau supérieur de clairvoyance. Le laser du jour reluit
de moiteur lustrale en lumière noir. Et puis la voix d'Angéline, plus resserrée, radicale,
troublante. D'une sensualité fatale, presque héroïne lynchienne.
EP à multiples entrées et rebonds, synth-wave qui louche du côté des années 80 sans se
départir d'une modernité en mouvement et d'une mélancolie attrape-coeur. DAMPA
s'appuie sur les oripeaux de notre société actuelle : le voyeurisme et la douceur du
fantasme (Fenêtre sur cour, inspirée autant par le confinement que par le film), l'extase
et l'auto-destruction des soirées prolongées (Les afters), la nostalgie du souvenir (L'aube
et la rocade), le dédoublement de personnalité et les réseaux sociaux (Le bout du
monde). Parallèlement à l'objet discographique, la duo continue de nous capturer avec un
film polyptyque qu'il a écrit, produit, et réalisé par Kevin Charvot et Victor Drapeau.
Divagation voyageuse et cauchemardesque d'un couple autour de l'addiction, jouant sur
une succession d'ellipses fulgurantes. Là encore, une volonté de trouver la délivrance et
s'extirper de son propre tunnel.