Loin de la France et de l’Italie, c’est au Vietnam que Riccardo Cocciante voit le jour en 1946. Fils d’un expatrié italien et d’une Française, il passe les dix premières années de sa vie à Saïgon, avant que les Cocciante ne décident de s’installer à Rome. Francophone, Riccardo se met péniblement à la langue de Dante, Michel-Ange et d'Eros Ramazzotti, mais finit à force d’efforts à parfaitement maîtriser l’italien, apprentissage qui lui est facilité par l’écoute de nombreux opéras, genre dont il devient amateur.
Chanteur à ses heures perdues, sa voix rauque le fait repérer par l’un de ses amis avec lequel il fonde The Nations, un groupe de rock. L’expérience ne dure cependant pas pour le chanteur et pianiste, qui voit se profiler l’espoir d’une carrière solo à l’horizon. Mu, en 1972, est son premier album sortant en Italie. Petit succès d’estime pour cet italophone romantique à voix rauque qui ne rencontre toutefois réellement le succès que l’année suivante avec Anima, sur lequel est intervenu le compositeur Ennio Morricone. Fort des arrangements du spécialiste de l’harmonica et des clairons plaintifs, le tube « Belle senz’anima » fait du jeune homme une star des deux côtés des Alpes ainsi qu’en Espagne et au Québec.
Futé, Richard Cocciante comprend tout le potentiel qu’il existe à décliner directement chacun de ses albums en différentes langues pour toucher directement le public local. Si la stratégie donne d’excellents résultats en Italie, France et Espagne, le public anglo-saxon, lui, reste globalement indifférent aux prestations du chanteur de charme romain, même si ses disques s’écoulent tout de même au Royaume-Uni.
Riccardo il Romantico
En 1978, l’album Concerto per Margherita lui apporte un triomphe dans tout le monde hispanique grâce notamment au titre « Margherita », qui devient une jolie « Marguerite » bien de chez nous en France et au Québec, avec le même succès. Bénéficiant de la participation de Vangelis, l’album est l'avant-propos d’une tournée internationale qui propulse Riccardo Cocciante du statut de chanteur à succès à celui de vedette internationale. C’est à cette même époque que l’Italo-français adopte, pour les pays francophones, le patronyme de Richard, tout en continuant à se produire en Italie sous son prénom à l’état-civil.
« Le Coup de soleil », en 1979, est un coup de maître. Composée en collaboration avec Jean-Paul Dréau, cette chanson est un carton qui laisse augurer le meilleur pour l’avenir artistique du chanteur. Meilleur qui survient après quatre ans de composition : Sincerità, un album enregistré avec Toto, qui lui vaut de se produire Place des Seigneurs à Florence, devant une foule de 40 000 spectateurs. Même le public anglophone commence à apprécier ce crooner au sang chaud. Poussant le concept de l’adaptation multi-linguistique très loin, il enregistre trois duo successifs pour le même tube : « Question de Feeling ». Mina est sa partenaire italophone, une certaine Melissa est à ses côtés pour l’Espagne et, enfin, pour le public francophone, c’est la Canadienne Fabienne Thiebault qui se prête à l’exercice.
La grande avventura
En 1987, on lui doit « Il mio rifugio », qui figure en leitmotiv du film Tandem, de Patrice Leconte. Triste et plaintive, la chanson accompagne à merveille l’ambiance mélancolique du film et devient un hit. Quelques mois plus tard sort l’album « La Grande avventura » qui constitue là encore un succès pour le chanteur italien, lequel décide de partir s’installer aux Etats-Unis, en Floride.
S’il profite de cette retraite sous le soleil de Miami pour composer l’album Cocciante, sur lequel il invite notamment Sarah Jane Morris, il ne retourne au pays natal qu’en 1991, à l’occasion du festival de la chanson italienne de San Remo, équivalent transalpin de l’Eurovision et passage quasi-obligatoire pour tout artiste de variété italien, confirmé ou non (au fils des années, Toto Cutugno, Eros Ramazzotti, Umberto Tozzi ou Adriano Celentano, notamment, s’y sont produits... et l'ont remporté). Il s’y présente avec le titre « Se stiamo insieme » et remporte cette année-là le trophée, sorte de médaille d’or de la chanson italienne.
Frédérico Chopini
Compositeur et auteur éclectique, Richard Cocciante est appelé en France en 1991 pour un étrange projet : une comédie musicale (genre alors peu exploré dans l’Hexagone au début des années 1990) consacrée à Frédéric Chopin, dont Richard Cocciante est censé interpréter le rôle en donnant la réplique à la rockeuse de diamants Catherine Lara qui, elle, s’est mitonnée avec soin le rôle de George Sand. Le résultat est plutôt étrange et ne rencontre guère son public, en dépit de critiques plutôt positives.
En dépit de cette expérience particulière dans le domaine de la comédie musicale, le crooner italien n’en garde pas moins dans un coin de sa tête que le genre pourrait être porteur, à condition qu’une bonne promotion soit assurée autour du concept, élément qui manquait cruellement à Sand et les Romantiques.
Il est venu le temps des cathédrales
L’Empreinte (1993) voit le retour de l’artiste à une formule qui a toujours fonctionné : celle de l'album décliné en plusieurs langues. Plusieurs fois Disque d’or, il vaut à l’artiste de voir le titre « Pour elle » repris par nombre d’artistes, qu’ils soient italophones, hispanophones ou francophones. Marquant son vrai retour en France après près de sept années d’absence dans l’Hexagone, L'Empreinte est bientôt suivi d’une première compilation de tous ses tubes en 1994 et d’un nouvel album, L’Instant Présent, qui voit Richard Cocciante entamer une fructueuse collaboration avec le parolier canadien Luc Plamondon.
Evoquant à nouveau son projet de comédie musicale, il commence à enregistrer une première mouture d’un futur tube. Originellement prévu pour s’appeler « Time », le morceau est finalement rebaptisé « Belle » et constitue le titre-clé dédié au lancement de Notre-Dame de Paris, relecture particulière de l’œuvre de Victor Hugo. Ayant retenu les leçons de l’échec de Sand et les Romantiques, Richard Cocciante mise tout sur une énorme promo, quitte parfois à donner au public le vertige, pour ne pas dire de furieuses crises d’urticaire dès qu’un Daniel Lavoie ou qu’un Patrick Fiori débarque sur un plateau de télévision pour chanter « Belle ».
Qu’importe quelques réactions épidermiques de rejet total : l’opération est un immense succès et en 1998, la France ne parle que de la première de Notre-Dame de Paris (et un peu de la Victoire des Bleus à la Coupe du Monde, aussi). Faisant de Julie Zenatti, Garou, Patrick Fiori et Daniel Lavoie des stars dans l’Hexagone, le spectacle devient l’un des plus rentables de la décennie et entraîne derrière une flopée de suiveurs, du Roi Soleil à Roméo et Juliette, tous lancés sur le même principe marketing (un titre-phare en CD, agrémenté de plusieurs passages télévisés pour tester le public, puis, en cas de retour favorable, sortie de l’album et du spectacle lui-même).
Le système marche quelques années avant de finalement s’étouffer sous le trop-plein de spectacles médiocres montés à la va-vite pour profiter de la mode. Parmi lesquels... Le Petit Prince, comédie musicale signée Richard Cocciante (brouillé, entretemps avec Luc Plamondon pour des raisons d’ego) en 2002.
Il est venu le temps d’être en cavale
Mais si Richard Cocciante a pu capitaliser sur le succès de Notre-Dame de Paris au point d’être fait Grande Ufficiale della Repubblica italiana par le président transalpin Oscar Luigi Scalfaro et de revenir sous son nom propre avec l’album Songs, en 2005, une vilaine affaire l’oblige à fuir quelques temps la France en 2006, lorsque la Justice le condamne pour avoir sciemment dissimulé six millions d’euros au fisc sur sa déclaration 2000, en ayant pensé à tort pouvoir s’abriter derrière son temps de résidence à Monaco.
Réfugié en Italie pour échapper aux foudres des tribunaux français, Richard Cocciante ne s’en attèle pas moins à l’écriture d’une nouvelle comédie musicale, Giulietta e Romeo, dont la première a lieu en 2007 dans les arènes de Vérone.