Stephan Eicher naît le 17 août 1960 sous le signe de la diversité, comme en témoignent ses origines (une mère alsacienne et un père issu de la communauté d'origine tzigane des Yéniches). Pour pimenter davantage ce mélange, il voit le jour en Suisse près de Berne, dans le village de Münchenbuchsee. Son père est violoniste et l'enfant est baigné en permanence dans une ambiance musicale, tout comme ses deux frères, eux-mêmes futurs musiciens. À partir de son adolescence, Stephan Eicher est amené à beaucoup voyager, d'abord pour intégrer une école privée en 1971, puis, à partir de 1975, il enchaîne des petits boulots dans des secteurs aussi variés que la poste ou l'hôtellerie.
Son tempérament le pousse cependant naturellement vers des disciplines artistiques : il intègre une école d'art, en plein bouillonnement zurichois du début des années 1980. S'il a choisi la vidéo comme discipline, il est déjà en permanence habité par la musique et fonde à 17 ans son premier groupe, The Noise Boys. A partir de 1979, il apprend à composer sur ordinateur et touche à de multiples instruments, en particulier les synthétiseurs. En 1980, c'est la formation du groupe Grauzone avec Martin, l'un de ses frères. Son tempérament de jeune punk révolté l'entraîne vers des compositions avant-gardistes qui flirtent avec la musique industrielle. Tout va très vite puisque le premier enregistrement de Grauzone, le 45-tours « Eisbär » provoque un mini-phénomène en Suisse et en Allemagne et les ventes atteignent les 500 000 unités.
Stephan Eicher a à peine 20 ans. Débordé par ce succès, il préfère s'éloigner et s'investit alors dans une radio associative à Bologne en Italie. Cette coupure le conforte dans son envie, son besoin de s'exprimer à travers la musique et la scène. L'occasion lui en est donnée lorsqu'il intègre Lilliput en 1982. Il fait deux rencontres importantes au sein du groupe : d'abord Claudia Schifferlé qui est la bassiste et leader du groupe et surtout Martin Hess le manager qui devient son mentor et alter ego. Ensemble ils auto-produisent le premier album solo de Stephan Eicher, Les Chansons Bleues (1983).
La grande ouverture d'esprit et le nomadisme viscéral de Stephan Eicher lui permettent d'être à l'aise dans des compositions chantées en allemand et bernois (dialecte suisse allemand), en français où sa façon de rouler les r apporte un charme rocailleux, en anglais enfin - langue universelle. Cette faculté incite Martin Hess à pousser son frère à se produire en France, où sa prestation minimaliste, presque intimiste, seul avec sa guitare et ses claviers lui vaut d'être remarqué par une partie du public et par les médias. C'est la rencontre avec Philippe Constantin, directeur artistique de Barclay et grand découvreur de talents devant l'éternel qui lui permet de signer son véritable premier contrat discographique. Le talent et la présence scénique développés lors de ses passages dans les festivals (Printemps de Bourges en particulier) ou dans les clubs, anonymes ou branchés comme les fameux Bains Douches, va l'aider à façonner un style particulier qui va le conduire à un immense succès populaire.
Stephan Eicher est un artiste singulier, aimant les expériences électroniques autant que l'usage d'instruments acoustiques issus parfois de traditions médiévales, sachant faire vivre les mots et transmettre l'émotion ; il reste pudique et introverti malgré un réel amour du public et de la scène. Ce sont ces ingrédients ajoutés à une écriture musicale originale qui vont littéralement faire craquer une partie du public pour le barde suisse, qui est bientôt surnommé le « Bob Dylan helvète ». L'album I Tell This Night, enregistré en 1985, comprend le titre « Two People in a Room », plébiscité par les radios et le public. Ce titre en anglais lui fidélise une audience grandissante, comme en témoigne un Olympia rempli en mars 1986.
Il reste cependant un artiste encore « branché », confidentiel, « en développement » pour utiliser le jargon des maisons de disques : son originalité ne lui permet pas encore d'ouvrir les portes du tout puissant Top 50. Sa démarche artistique reste inchangée sur Silence (1987), où figure un nouveau « classique », « Combien de temps ». S'ensuit, en 1989, l'audacieux My Place ; Stephan Eicher n'hésite pas à partir en tournée avec un quatuor à cordes pour faire vibrer les salles au son de « Sois patiente avec moi » et de ses autres nouvelles compositions. Ce titre est l'un des premiers d'une longue et très fructueuse collaboration avec l'écrivain Philippe Djian, rencontré lors de l'émission Rapido présentée par l'« enfant du rock » Antoine de Caunes et son complice Gilles Verlant. La présence à ses côtés de l'équipe composée de Martin Hess, Claudia Schifferlé et Philippe Djian ainsi que le soutien de son label, vont être les éléments permettant à Stephan Eicher de devenir une véritable étoile dans la galaxie de la chanson francophone.
L'album Engelberg, porté par « Déjeuner en paix », titre qui a si bien su capter l'air du temps de cette année 1991, est celui de la consécration très grand public pour Stephan Eicher, qui voit ses ventes s'envoler instantanément. Chacun le sait : le plus compliqué est de confirmer un succès aussi énorme. Stephan Eicher choisit de se ressourcer en s'isolant dans une chambre d'hôtel de Carcassonne. L'atmosphère magique et les paysages magnifiques de l'antique cité vont hanter l'album Carcassonne, qui paraît en 1993. Stephan Eicher y décrit toujours aussi bien ses émotions, ses ressentis comme en témoigne « Manteau de gloire ». Né, comme de nombreux artistes, de la scène et l'aimant passionnément, le chanteur est happé par une tournée de plus de 110 dates dont est issu Non Ci Bardar, Guarda e Passa, témoignage en double CD et VHS de ces rencontres avec des foules conquises.
Il faut attendre 1996 pour que retombe un peu la fureur et que l'artiste, guidé par son esprit intègre et aventureux, propose au public 1000 Vies, album du retour à des sonorités électroniques. L'échec relatif de celui-ci et le besoin de remettre sa carrière en perspective, conduisent à un changement de label, l'artiste rejoignant Virgin et son « image » moins populaire, plus qualitative. Louanges est le fruit de cette nouvelle collaboration en 1999, une grosse machine qui fait mal, un album percutant qui le remet à sa place dans le coeur des fans. Viennent ensuite Stephan Eicher's Favourites, un best-of comprenant un CD d'inédits et de raretés, petits bijoux parfois enregistrés en coulisses, où l'artiste peut se livrer sans retenue.
Cette période le voit aussi composer un titre pour Johnny Hallyday (« Ne reviens pas », sur des paroles de son complice Philippe Djian) ou collaborer avec le groupe vocal I Muvrini. 2003 est une année particulièrement chargée : Virgin édite en France l'album de jeunesse de Stephan Eicher Les Chansons Bleues en version remasterisée ; il compose et interprète la bande originale du film Monsieur N de l'ami Antoine de Caunes et surtout, paraît un nouvel album, réalisé avec Benjamin Biolay, le très bouillonnant Taxi Europa, véritable profession de foi d'un Stephan Eicher que ni le succès ni la maturité ne changent. Son évolution naturelle lui donne ensuite la possibilité d'entreprendre une tournée européenne dont est issu un CD et un DVD, Taxi Europa Tour.
Pour célébrer son retour chez Barclay, sort en 2007, l'époustouflant Eldorado, où Stephan Eicher en conquistador des sonorités voit venir à lui les caciques de la « nouvelle » variété française avec un titre de Raphaël et un autre de Mickaël Furnon (Mickey 3D). S'ensuit une nouvelle tournée sur les routes de France et d'ailleurs. Il faut attendre 2010 pour que soit exhumés sept titres de The Noise Boys. Regroupés sous le titre Spielt Noise Boys, ils laissent apparaître une inspiration proche de Suicide. Réalisé avec Mark Daumail de Cocoon, L'Envolée en octobre 2012 montre avec simplicité et sincérité un artiste en pleine maturité personnelle et artistique.
En 2014, il monte un groupe éphémère avec la plasticienne Sophie Calle, le temps de la fête votive du Cailar, dans le Gard. L'année suivante, il entreprend une tournée solo, entouré d'automates, avant de réaliser un film documentaire sur la musique de ses ancêtres (Yéniche Sounds, 2017). De retour en studio, il compose une musique sur les textes de Martin Suter pour l'album Song Book (2017), puis rejoue son répertoire avec la fanfare suisse d'inspiration tzigane Traktorestar pourHüh! (2019), comprenant également quatre nouveautés.