Auren fait de ses rêves des mondes possibles. Celui de prendre position, d’imposer une voix sensible et politisée dans le répertoire actuel, s’incarne dans ce troisième album Il s’est passé quelque chose. Sa plume, déliée, est le tremplin pour une envolée nouvelle : elle dévoile cette parole de femme aguerrie dans une formule douce-amère où elle se heurte à l’époque qui angoisse, saisit l’agitation de nuits douloureuses, s’attaque à la négligence climatique, observe le mensonge et la langue de bois. En découlent des textes acerbes, où l’ironie et l’optimisme se détrônent sans cesse et reflètent ce ballottement dans lequel nous cherchons à nous frayer un chemin : entre espoir et désespoir, rêves et anxiété, impuissance et prise de pouvoir.
Nourrie par les écrits de Mona Chollet, Titiou Lecocq ou encore Lauren Bastide, Auren se sent portée par un vent nouveau, féministe et contemporain, qui l’appuie dans ce bond textuel et musical. Cette fois-ci, elle change d’angle : dans une écriture à vif, elle laisse apercevoir les aspérités, posant sur les alentours son regard singulier, sans fard. Ainsi s’octroie-t-elle la légitimité de décrier l’ignorance politique, s’adressant à la Terre comme à « une putain qu’on écrase » dans « Monde fini ». Dans « J’ai eu mon heure », elle questionne la fulgurance du succès, analogue à la beauté dérobée d’un corps vieillissant ; elle préfère alors, à la fureur des tubes, cette identité construite à mesure de travaux et de rencontres, qui l’enracine doucement mais sûrement dans le répertoire français.