“Les murs tombent mais l’odeur douce d’hier
revient derrière chacun de mes pas”
En 2019, on découvrait Oré, sa coupe au carré, son air mutin et son sac à dos lumineux en
même temps que ses premiers morceaux qui lui avaient permis de se révéler aux INOUïS
du Printemps de Bourges et de se faire une place de choix au sein de la sélection du FAIR.
Avec elle on découvrait aussi le collectif de réalisation La Sale Affaire, transformant sa
musique en vidéos ambitieuses.
Aujourd’hui, et en totale indépendance, c’est une Oré plus apaisée qui se présente à nous
avec un deuxième EP (8 titres) Le Spectacle. À l’horizon apparaît une prise de
conscience nécessaire, qui pourrait résumer l’intention de cet EP : laisser éclore la douceur
et la transformer en alliée.
À l’opposé de son premier EP, au flow et au rythme rapides, Oré franchit un cap et partage
avec nous sa tendresse pour la chanson française.
“La sensation du sable entre les doigts,
trop de gens l’oublient”
Profitant de sa collaboration avec Louis Dureau, qui réalise la totalité du projet, elle fait le choix
d’une production lumineuse et épurée, laissant davantage de place à la fragilité de sa voix.
Ce changement important en entraîne un autre avec lui : une refonte discrète des thématiques
qui habitent ses nouveaux morceaux. Oré s’autorise la mélancolie du souvenir, où le passé
est mis en scène pour mieux le chérir.
Comme elle le dit dans Puzzle (composé par Felower), Oré vit ses souvenirs à la manière
du personnage de Kemal, dans Le musée de l’Innocence (Orhan Pamuk) : pour mieux se
les rappeler. Ainsi les pièces s’assemblent et laissent apparaître dans une douce mélancolie
une vie construite dans les brumes du passé.
Cette idée se ressent aussi sur Des chiffres, un morceau pour contrer les angoisses du
temps et laisser s’épanouir l’amour au jour le jour. Un morceau de départ lié comme par
magie à Doucement, dernier titre de l’EP. Il chante à la fois l’apaisement et l’urgence de se
retrouver, quand la relation semble se fragiliser.
Entre-temps, d’autres péripéties nous attendent, parfois douces-amères, comme Le Karma,
dans laquelle Oré traite des échos de la violence et de la rancune qui reviennent souvent
vers celui qui en est à l’origine. Il y a aussi les retrouvailles avec des fantômes bien aimés
dans La Vieille Maison, mise en image par La Sale Affaire dans la piscine Tournesol de
Privas (Ardèche), désaffectée depuis 2019.
Sans jugement, elle devient par instants une narratrice quasi omnisciente de ses histoires.
C’est le cas du Spectacle, morceau éponyme.
“En décembre dernier, je suis allée voir le spectacle d’un proche, dans une petite ville
autour de Perpignan. C’était un spectacle transformiste. J’ai gardé en mémoire un
passage émouvant : dans le sillage d’une chanson mélancolique, ils se sont
déshabillés et démaquillés devant nous. C’était la fin du spectacle. J’ai essayé de
retranscrire cette nostalgie.”
”Les hommes en femmes enlèvent leur maquillage,
et la scène n’est plus qu’un décors de plus”
Avec ce deuxième EP, Oré se dévoile et s’affirme encore un peu plus comme une artiste
dont la légitimité ne fait aucun doute sur la scène pop française. Sans forcer, elle charme par
la sincérité et la véracité de ce qu’elle nous raconte. Désormais les lumières faiblissent, il est
temps pour nous de profiter du spectacle.