Spleen est né en 1982, en région parisienne, dans une famille d’immigrés camerounais, qui portent haut, au sein de la famille, la valeur du travail et de l’étude. Le futur chanteur manifeste néanmoins des velléités de découvrir d’autres possibilités d’avenir que celles qu’ouvrent, en principe, les diplômes. Le sport de haut niveau (hand-ball) est une voie tentée, qui n’aboutit pas. Spleen se remémore alors une décision qu’il avait pris, un soir, lors d’un concert du « Parrain », James Brown, Place de la République, à l’occasion d’une fête de la musique : « je veux faire ça » !
Arts et métiers
Spleen ne sera jamais James Brown, mais il a pour lui la richesse d’une époque et la variété de ses inspirations. Ainsi il tâte du rap, mais ne s’enferme pas dans une coquille « urbaine » qui pourrait sembler tracée, car s’il est fils d’Africain né en France, il fuit comme la peste les clichés. Alors il touche aussi au slam, s’amuse à beat-boxer, mais s’intéresse aussi au nouveau folk, à la chanson française immémoriale, au rock… Une ouverture d’esprit qu’il est souvent difficile de faire admettre par le public, les médias, et l’industrie, qui aiment bien faire correspondre tout ça.
Spleen devient un habitué du parcours du combattant des scènes parisiennes, avec le groupe Heez Bus, puis avec les Black And White Skins, un collectif qui, déjà, touche un peu à tous les arts : plastiques, danse, cinéma, et bien sûr musiciens. La comédie, il l’a abordée dès la fin du lycée, avec la compagnie Irina Brook qui le caste dans son adaptation théâtrale de Roméo et Juliette. Séduite par ce jeune loup aux faux airs du peintre new-yorkais légendaire Jean-Michel Basquiat, et qui n’a aucun à priori sur le théâtre, elle l’engage sur le champ pour tourner un an avec le spectacle. Revenu ensuite vers son ambition musicale, il rencontre par hasard deux expatriées américaines, qui vont bientôt devenir les coqueluches de la hype : les deux sœurs de Cocorosie, proches de la nouvelle scène arty folk propulsée alors par Devendra Bahnhart. Avec Cocorosie, c’est le début d’une longue collaboration artistique et amicale : il participe à leurs albums successifs, elles aux siens, et il les accompagne en tournée à travers le monde, ce qui lui permet de se frotter à quelques artistes également hors normes, comme Anthony & The Johnsons, TV On The Radio, ou le maître à penser Devendra.
CQFD
En 2005, l’heure est venue d’un premier album, She Was A Girl, entièrement en anglais, qui remporte le prestigieux concours CQFD patronné par le magazine Les Inrockuptibles. Il profite de cet éclairage pour enregistrer avec ses amis, Hugh Coltman (de Heez Bus), Ardzen, Zahra Hindi, The Cocorosie, un album collectif, The Black & White Skins Volume 1. Puis c’est Cédric Klapisch, qui l’a vu jouer sur scène lors du festival des Nuits Zébrées qui lui propose de figurer sur la B.O. de son film Les Poupées Russes.
Il y aura ensuite, à nouveau, du théâtre, quand, jouant sur sa ressemblance avec Basquiat, on lui propose d’interpréter le peintre trop tôt disparu dans une pièce sur William Burroughs, aux côtés de Denis Lavant, au Théâtre des Abbesses. Après ces quelques années d’apprentissage frénétique, il reste un artiste underground, et souffre de ne pas pouvoir toucher le plus grand nombre. Au point d’aller, un soir, se ridiculiser un peu en direct dans l’émission de Marc-Olivier Fogiel (On ne peut pas plaire à tout le monde), où il prend le micro sans y être invité, réclame qu’on lui laisse sa chance, mais ne convainc guère avec ces deux minutes de fenêtre ouverte qu’on lui accorde.
Il lui faut se consacrer à ses chansons, il décide cette fois d’écrire en Français, sa langue maternelle, que l’ombre tutélaire des grands auteurs lui « interdisait », et commence à travailler chez lui ce qui sera son deuxième album. De nouvelles rencontres musicales, la fidélité des Cocorosie, le coup de main de Yael Naim ou Pauline Croze lui permettent de livrer un album abouti et multicolore, qui ne ressemble à rien d’autre dans le paysage musical français du moment.