Deux fois par mois, « Les Echappées belles » vous invitent à une promenade en forme de cueillette, rêveuse et parfumée, au cœur de certains romans, nouvelles, toiles de peintres ou plateaux de théâtre. Une cueillette du côté de l’intime, des mots et des images, des souvenirs, ce que nous avons lu, regardé, aimé, ce qui nous appartient d’aujourd’hui et d’autrefois. Ce que s’égarer, juste un peu, concentre et diffuse d’une émotion qui est un accueil. Pour le plaisir. Il était une fois…
Les toiles de Matisse renvoient à un même paysage : celui de la jouissance intérieure. La contemplation d’un monde qu’il est bon de voir pour le goûter. Ses fenêtres ouvertes regardent le rivage méditerranéen, ses femmes dansent, ses intérieurs sont nappés de tissus chauds. Corps et nourriture, étoffes et rebords de ciel. « J’ai conscience de m’exprimer par la lumière ou bien dans la lumière, qui me semble comme un bloc de cristal dans lequel se passe quelque chose. » Matisse nous dit aussi cette chose admirable : « Le bonheur de vivre est un choix. » Qu’on aimerait faire de cette phrase un totem, une boussole pour la haute mer. Communiquer l’allègement, mais d’abord l’atteindre. Ça peut être le but d’une vie. Par là serait le partage. Par là une possible restitution de la grâce de vivre. Et si avec le temps qui passe, venait si on la cherche, la grâce de pouvoir encore se considérer comme en apprentissage, en chemin, en mission d’apprendre à vivre, et à restituer la beauté du monde ?
09/04/2022 • 25:11
La steppe est un récit court, d’une vitalité imagée, un hymne élégiaque à la nature écrit par un Tchekhov jeune, qui convoque son enfance et rend ainsi hommage à ses prédécesseurs, les grands lyriques de la littérature russe. Tchekhov est avant tout un monde sonore. La richesse inépuisable de son œuvre tient à l’air qui y circule, et cet air, c’est de la musique. Un petit garçon, Iégorouchka, est emmené par son oncle vers la grande ville. Il va découvrir la vaste steppe, et faire toutes sortes de rencontres. Il va dormir, veiller, vivre des choses vraies et des peurs enfantines. Le tout rythmé par les multiples soubresauts de la nature sauvage, en même temps que des humeurs humaines. Il y est question d’un petit garçon en devenir, de vieilles gens dont les corps résistent et fatiguent, mais surtout, au-delà de toute nostalgie, au-delà de la perte des choses, il y a en fin de compte la permanence infinie de la steppe, l’infini de ses horizons et de ses lignes.
12/03/2022 • 27:18
Guillaume Apollinaire et le 202 bd St Germain ; son dernier appartement, fait d’un agencement de mansardes ou de greniers sous les combles, où il a vécu du début de l’année 1913 jusqu’à sa mort en novembre 1918. Son pigeonnier disait-il. Michel Décaudin, André Rouveyre, André Billy, Gabrielle Picabia, et Max Jacob, sont les témoins et racontent. L’antre où le poète aimait aimer, cuisiner, recevoir ses amis, rêver sur un toit, fêter l’an neuf, collectionner ses souvenirs, grimper et descendre, Paris en dessous, où il déambulait en scandant des chants grégoriens.
26/02/2022 • 27:10
On a tous une maison natale, même si on ne l’a pas eue. Des petits rituels, des objets à toucher, des souvenirs à sauvegarder, faire comme l’oiseau ses brindilles. Habiter, c’est aussi du présent, de l’avenir qui se dessine avec force. A chacun sa manière de faire avec, faire corps, tenter l’adaptation, et le monde autour, comme une chrysalide, formera le sens, nos sens, nous rendra visibles à nous-mêmes, aux amours à vivre. Ces façons d’habiter, en littérature, ont des saveurs diverses, selon d’où elles viennent. Gaston Bachelard, Reiner Maria Rilke, Marcel Proust et William Faulkner ; mais aussi le ventre de la baleine de Pinocchio, un récit initiatique, aller jusqu’au fond de l’obscur, les cavernes, les grottes, avant de recréer la lumière qui nous fonde. Et enfin, un rire d’intelligence, celui de George Perec, grand écrivain du jeu, du je, qui sait le tragique, joue avec une virtuosité unique des biais du regard, sans jamais oublier le rire. Pérec aime le verbe « habiter »...
12/02/2022 • 27:16
Une longue route pour un très grand roman : la Montagne magique de Thomas Mann. Une expérience intérieure, presque fantastique, du temps. Cette montagne est magique en ce qu’elle recèle et révèle, ouatée, de l’immobilité d’un groupe, entre la salle à manger et les balcons, les promenades dans la neige, les saisons qui passent… Comme pour le Quatuor d’Alexandrie, objet de notre précédente échappée, si on ouvre à n’importe quelle page, on se trouve confrontés à une paroi de l’extrême : l’extrême d’un climat, d’un risque, d’un enivrement, d’une frayeur ou une torpeur. Autre quête insondable, autre voyage immobile : Moby Dick, d’Herman Melville… Il ne s’agit pas de comprendre, mais de sentir. Vivre, la grande affaire des hommes. Il y faut la magie des cartes. A la clarté des lampes, l’enfant rêve. Nous sommes les enfants. Nous lisons la Montagne magique, le quatuor d’Alexandrie, Moby Dick…
22/01/2022 • 28:42
J’ai choisi ce titre, voyage immobile, en pensant à mes lectures au long cours, celles qu’on a parfois du mal à tenir, mais qui sont les plus marquantes, de vrais voyages, dont on ne sort pas indemnes. On peine un peu, on aimerait bouger, on se laisse distraire. Mais que c’est bon de l’avoir traversée, cette épaisseur des pages, épaisseur de climats, ce poids des choses. Voyage immobile, n’est-ce pas le cas finalement aussi des voyages réels ? Beaucoup de transits, d’attentes quelque part entre deux destinations, puis des contemplations, de la fatigue, récupération, tempes qui bourdonnent ; étrangeté, déracinement, sidération peut-être ? Les voyages sont surtout – toujours – voyages intérieurs. C’est bien ce qu’on leur demande en fin de compte. Commençons par « le Quatuor d’Alexandrie » de Lawrence Durrel. Quatre tomes : Justine, Balthazar, Mountolive et Cléa ; du nom de ses protagonistes, mais le vrai sujet de l’ensemble est la ville : Alexandrie.
08/01/2022 • 22:54
1928, un livre de Marc Chagall, le seul qu’il aura écrit : « Ma vie ». La dédicace : « à mes parents, à ma femme, à ma ville natale ». Dans ce livre, il n’y aura que le début jusqu’aux années 1922. On le sait, Chagall vivra beaucoup plus longtemps, et sa route sera riche, d’œuvres, de femmes, de passion ; de conviction. Une échappée Belle ne peut tout dire de cette vie. Je vais donc vous faire partager quelques bribes de ses premiers élans ; les questions de l’enfance, les images qui, comme pour nous tous, restent obstinément derrière les yeux, dans la mémoire et dans l’âme, et forge notre vision du monde. Oh combien celle de Chagall a été imprégnée de ses premières années, de sa Russie natale, de la tradition juive dans laquelle il a été élevé, des paysages, sons, couleurs, visages et partages de ce vaste univers aux confins de l’Orient, avant qu’il ne vienne en France, que la guerre, les guerres…
11/12/2021 • 26:06
Mon invitation aujourd’hui, se promener, se baguenauder, dirait Raymond Queneau, dans les allées hautes en couleur des fêtes foraines, au royaume de la barbe à papa et des rencontres chaloupées. Nous sommes à la fête, dans le Paris populaire qu’aime Queneau, dans les lisières, les marges, les espaces poétiques, fantaisistes, les rencontres hasardeuses, quoique toujours tendres et sans conséquences graves. Qui n’a pas gardé en mémoire ses étonnements d’enfant devant les manèges, les grandes roues, un orgue de barbarie ? C’est avec « Pierrot mon ami » que nous embarquons. Tout un monde, hors-norme, ailleurs, mais une agitation dont la ville, le village, ont besoin. La fête. Et avant la fête, au Moyen-âge, la foire. Au XIXe siècle les couleurs flambent, les excès de chair… Au tournant de la Belle Époque, les carrousels sont des bijoux de mécanique, des merveilles pour l’imagination des clients. Et puis vient le cinéma. Le cinéma adore les fêtes foraines…
27/11/2021 • 24:03
La trame d’un texte, la chaine narrative d’une histoire, suivre le fil d’un récit; le même mouvement, geste et pensée, rêverie, trouée d’air et consistance. Ce qui apparait, ce qui se devine. Va… et vient ? Comme le tissage. Tissus et littérature, tissus et peinture… Vélasquez ou Proust, ces « épingleurs » de papillons, passent par le vêtement pour aller droit au cœur, à l’âme de leur personnage. C’est un monde bien précis, indissociable et unique, qui surgit de ces images, de ces mots. Rien de flou ni d’interchangeable. Dans les contes, les petites filles rêvent d’une robe couleur du temps… et osent -ou pas- la demander à leur père. Quant à la comédie musicale hollywoodienne, elle a parfois enchanté ce que la mode peut en nous transfigurer d’un bonheur qui pétille.
13/11/2021 • 28:46
Le monde des vêtements, ce sont des bribes d’histoire, de matières et de mots, d’images. Ce que nous sommes, chacun, quand nous nous habillons, ce que nous donnons à voir, à lire, sur nous, est ce qui nous relie et nous sépare de l’autre. Nous et une époque, car bien sûr nous sommes forcément « de notre temps ». Impossible d’évoquer un vêtement, ou un costume, sans que s’engouffre une époque. Des réincarnations romanesques, des tableaux, des imaginations de ce que nous croyons être le Moyen-âge, la Renaissance, le siècle de Louis XIV… de ce nous croyons voir encore venir jusqu’à nous. Avec ce voyage dans le temps, nous glissons vers le portrait, et dans un portrait, tout est signe.
23/10/2021 • 26:00
Serge de Diaghilev, Vaslav Nijinski, Igor Stravinsky ou Léon Bakst, Michel Fokine, Tamara Karsavina… des noms, beaucoup de noms devenus légendes. L’oiseau de feu, Shéhérazade, Le sacre du printemps… des œuvres devenues clefs d’un monde envoûtant et magnifié, celui de l’avant-guerre – de 1914/1918 – à Paris, le monde du spectacle qui est celui de l’art, de la pensée ; couleur et mouvement, révolution esthétique et surtout jeunesse et convergences d’exilés, Babel heureuse pour une ville où tout converge. Je préfère dire « fragments », car je ne ferai pas le tour des saisons des Ballets Russes ni de leurs révolutions. Je vais nous poser sur quelques épisodes de leur arrivée à Paris ; quelques instantanés des années 1910, 1911…
09/10/2021 • 28:42
« Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han. » Ainsi commence la première des Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. La Chine ancienne suscite devant nos yeux des images comme des effacements. Avec le vieux peintre Wang-Fô, nous allons partir sur ces bords, dans ces lointains de mondes créés parce que rêvés, où flotte la question du beau comme vérité. Le réel n’est rien. Seul ce qui entre les cils…
25/06/2021 • 30:11
Presque l’été, et déjà l’envie de ce qui court, s’échappe, rafraichit, fait sourire et roule. L’eau, non plus celle seulement, des rivages dont je parlais dans une émission récente, mais l’eau des ricochets pour le plaisir sans mélange, d’échappées, réellement. Images, chansons, deci-delà, comme ci et comme ça… L’eau vive, quelle belle association de mots ! On y est, on en est, de cette vivacité vibrionnante, petit filet discret ou cascade sur les pierres. Une image du bonheur. Un livre de Jean Giono, un film : « Des Alpes à Avignon, la Durance ne dort jamais dans son lit ». Pagnol aussi, la Manon des sources, fille de Jean de Florette. L’eau qui manque, l’effort sous le soleil. Et puis l’eau des fontaines nocturnes dans les villes, celle des fleuves emportés, les cours d’eau des peintres… Toute cette eau, la boire avec l’été qui vient.
11/06/2021 • 29:43
Ce qui fascine la nuit, ce dont nous avons besoin, c’est de percevoir la lumière, non pas celle, plein feu, de nos réalités charnelles, mais les trouées, les transparences, le lunaire en filet dans la masse liquide des bleus sombres. La nuit n’est pas noire, elle est miroitement du ciel sur la terre et sur nos profondeurs. Rêve, peurs, attirance. Cesser de voir pour entrevoir, de l’intérieur à l’espace sans fin de ce qui est mystère. René Char, Georges de la Tour, La nuit transfigurée, l’aurore aux doigts de rose…la poésie est action, et la nuit, une attente.
28/05/2021 • 27:10
Quand on a 17 ans. Une promenade qui oscille entre des états d’âges un peu flous, cette idée qu’on se fait de l’adolescence, ou de quelque chose en soi qui s’accroche à l’enfance, ou bien encore ce mal-être dont on parle sans le définir, qui résiste au temps qui passe, mais prend racine dans le désir fou de grandir et de se plonger dans les combats du monde. Un trop plein d’imaginaire. 17 ans, qu’est-ce que c’est ? Tout ça, quelque part. Cet âge-là ou un autre, ce flou du dessin qui contraste avec le tranché du vouloir, être, absolument. Alors les couleurs varient. Elles sont pleines d’air et de soleil, ou de sombre violence, ou de gris tendre et vague.
14/05/2021 • 28:27
Trois contes. Un cœur simple est le premier. L’incipit : Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Evêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. « La nature est à l’intérieur », disait Cézanne. Dedans-dehors. Et le seuil. Félicité vit la vie de Madame Aubain, adore les enfants, Paul, qui partira, Virginie, qui mourra, le temps dans la maison, qui passera. Elle pleure la mort de son neveu Victor, loin à l’autre bout du monde, quelque part au-delà de la ligne d’horizon. La mer, le rivage, puis le retour à la chambre. Les deuils font croire à la communion des destins ; Madame Aubain et Félicité. La servante y croit, un peu. Et dans cette vie où apparemment rien n’arrive plus, un perroquet vient déplacer pour Félicité le centre de son monde.
23/04/2021 • 26:55
Aujourd’hui je prends le risque d’un vaste pluriel de croisements possibles, d’œuvres et de personnages, dans cette échappée vers les rivages. A l’image du vent qu’on imagine, les falaises, les horizons larges, ou bien les verts au calme trompeur des rivières, des étangs… et devant, figées, happées, ou marchant à grands pas : des femmes. Silhouettes des peintres, héroïnes tourmentées des récits romanesques. On les trouve Souvent au 19ème siècle, mais elles sont là déjà bien avant, et aussi après, et toujours… le féminin comme figure face à l’eau. Les cieux comme reflet d’elles ; le besoin de boire. Elles se mélangent dans notre imaginaire. Elles sont le motif.
09/04/2021 • 29:11
Un tramway va de la ville à la plage, sur une distance de 15 kms, s’arrête sur le sable, et revient… Une ville et une côte méditerranéennes. Le rythme d’un ressac, aller-retour, les différents épisodes de l’enfance, de l’âge adulte, de la maladie et de l’approche de la mort. Mais le ressac est ce qui se mélange, va et vient, retient, se tisse et se tresse. Avec des espaces blancs. La délicatesse de ne pas aller au bout de chaque image, de la laisser venir, et disparaître. « Le tramway » est publié en 2001, Claude Simon a 88 ans. Ce livre, avant de mourir, comme d’autres écrivains, des peintres, qui ont délicatement tracé à rebours leur chemin, un dessin, œuvres bouleversantes, non pas parce qu’elles seraient fragiles, au contraire, parce qu’elles portent en elle l’épure, la pure résonance. Ces artistes âgés, tout près de partir, qui reprennent les tracés de leur début de route, avec simplicité, une calme plénitude des mots… là où le vacarme des images pour rien laisse la place.
26/03/2021 • 30:14
Une initiation, la première passion. Le début de la vie. Un lys, une reine : Madame de Mortsauf, Henriette, dans un murmure… Une femme qui s’est presque cloîtrée à la campagne, qui veille avec abnégation sur un mari à demi-fou et deux enfants fragiles. Une apparition. Le portrait d' »une femme vertueuse par goût », dit Balzac, qui, dès le Père Goriot, pense à ce projet. Le titre rappelle le Cantique des cantiques : « Je suis la fleur des champs, le lys des vallées ». Désir refoulé. Amour courtois. « Histoire des Cent-Jours, vue d’un château de la Loire », selon le philosophe Alain. « Le lys dans la vallée » est tout cela et bien d’autres choses.
12/03/2021 • 30:31
Vous emmener au bal aujourd’hui, non pas tant, pas seulement pour y danser, mais pour y croiser, dans le foisonnement des étoffes et des personnages, le romanesque en grand, le scintillement. Une foule, magnificence, à l’intérieur de laquelle se jouent des nœuds d’intrigues plus intimes. Deux regards quand ils se rencontrent, deux élans, deux héros de grands livres, deux parmi beaucoup, des mises en scènes multiples d’un monde, l’élan des grandes fresques. Trois temps d’une valse ?
26/02/2021 • 32:24
Une ville aspire les élans de la jeunesse, celle qui se projette et embrasse le monde. Elle efface aussi, rend amnésique, perd et assourdit, blanchit les reliefs des sentiments et des souvenirs. Qui touche de près la solitude entend résonner un mot : l’hospitalité. Il y a le seuil, ou les fenêtres. Dans nos promenades hallucinées, rêves nocturnes ou marches vers l’autre, l’étrangeté est à apprivoiser. L’étranger, l’hôte, sera qui nous laissera entrer, que nous laisserons entrer. Il y a une si forte persistance, de l’étrangeté dans les images contemporaines. Théâtre ou poésie, images fixes ou films, tant de hors-lieux. Avec cette peur, qui est en fait une hâte de pouvoir « entrer ».
12/02/2021 • 29:55
Promenons-nous dans la langue si ample et impériale d’Aragon, un paysan de Paris, quelques vers, promenade en vrac et en passant. Je me suis dit, j’aimerais beaucoup avec vous aujourd’hui retourner dans Paris, le parfum d’un album partagé, un tout petit peu, presque rien, sans pourquoi. Nuit d’exil, Aragon pendant la guerre, pleurant sa ville. Un air comme une traîne immense, des rues et des pluies, des mois d’octobre ; une saison par laquelle nous pourrions entrer dans ces gris luisants, déclinant les lumières vers une effervescence lointaine. Et puis Nice, Louis Aragon toujours, en 1941. Il va à la rencontre du peintre Henri Matisse, à Cimiez, sur les hauteurs des collines. Il aime déjà profondément sa peinture. Il a 44 ans, le peintre en a 72.
22/01/2021 • 26:35
« Presque rien. Comme une piqûre d’insecte qui vous semble tout d’abord très légère. Du moins c’est ce que vous vous dîtes à voix basse pour vous rassurer » Commence ce qui pourrait être l’engrenage d’un roman noir. Pour vous, pour nous aujourd’hui, je choisis de nous promener dans le Paris déliquescent, bouleversant, en même temps que neutre, étrange de n’être pas, d’être au-delà, le souvenir malgré soi, ce qui ne s’avoue pas; à force d’oubli, ne lâche pas : le Paris de Modiano. Le même et l’autre d’une éternelle quête en rond et en absence. Le son mat de mes pas, des siens, Modiano, son personnage, Daragane, va nous faire suivre un chemin que j’entends, presque plus que je ne le vois.
08/01/2021 • 28:43
Un banc, une place, miroitement d’eau. Le temps où les barques craquaient sous le soleil poudré d’une vie plurielle, commerçante; craquaient, croquées, gardées et restituées par les toiles de Canaletto, de Guardi. Beaucoup de ciels, d’un bleu mêlé de blanc, infiniment délicat. L’eau de la lagune rosit l’image de son halo d’apparition. C’est un mi-temps du jour irisé, et tranquille. Malgré toutes les traces, osons, voulez-vous, nous y promener ensemble…
25/12/2020 • 25:50
Odilon Redon, peintre ami de Mallarmé, de Huysmans, nous laisse une œuvre totalement singulière et reconnaissable entre toutes; un œil qui flotte dans des océans, des pupilles renversées, les longs cils, les cyclopes, les lignes de fuites de sourires mystérieux, au bord; les limbes, point de passage entre le soi intime et l’infini de la nature; et d’ailleurs, l’étrange, l’au-delà de ce que l’on voit. De la vitalité sombre et ardent du noir, à la joie advenue avec la couleur…
11/12/2020 • 29:25
« Il faut que le théâtre passe à travers les larmes », disait le metteur en scène Klaus Michaël Grüber. Comment le théâtre peut-il donner chair à ce que des mots ont déjà de brûlant, sans pervertir leur puissance propre ? Comment nous transmettre dans le souffle le mystère intact ? Le verbe incarné ? Elvire, Phèdre, Bérénice, le chemin qui s’exprime est celui de la passion pure. C’est ce qui fera toujours la force incantatoire et unique d’un plateau de théâtre. Sa face sacrée.
27/11/2020 • 30:00
Chez Maupassant la tragédie, souvent, n’est pas loin. L’autre versant est celui du plaisir. Certaines de ses nouvelles exhalent, du côté de la lumière, une jouissance sans drame, les sens traversés par la douceur de l’été et les mœurs villageoises. Dans La Maison Tellier il y a Madame et ses « filles ». Les hommes du bourg y ont leurs habitudes. Un soir, bouleversement inattendu : ils trouvent porte close. Madame a emmené ses « filles » à Virville, pour la communion de sa nièce et filleule. Un voyage en forme de partie de campagne rieuse et d’émotions tendres.
13/11/2020 • 25:45
Le jardin d’Eden, pour Oblomov, a sa clef magique : l’Oblomovka. Le domaine de l’enfance, dont Oblomov refuse de sortir, ou plutôt d’où il est sorti de force et qui l’a fait échouer, dans une chambre, adulte tendre et perdu pour le monde. Une chambre, un canapé, où il rêve. Ce roman russe est le chef-d’œuvre d’un auteur, Gontcharov, qui avec son personnage nous a donné en héritage un adjectif : l’Oblomovisme. Perdre sa vie par nostalgie ? Ou bien réinventer, encore et encore, le chemin du bonheur innocent, éternel, la passion pure du jardin et du premier rire ?
23/10/2020 • 25:12
« Sylvie » est l’un des récits des « Filles du feu ». Il y a Angélique, Jemmy, Octavie, Corilla, Emilie… Et puis il y a ce petit miracle de mystère simple qu’est « Sylvie ». Voyage dans le temps, l’espace, d’un mirage amoureux qui, surtout, est poursuite des paradis perdus, noms de pays, visages des jeunes filles, fêtes d’autrefois…
09/10/2020 • 26:35