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Reportage international

Chaque jour, l’illustration vivante et concrète d’un sujet d’actualité. Ambiance, documents, témoignages, récits en situation : les reporters de RFI présents sur le terrain décrivent le monde avec leur micro. 

Titres

En Corée du Sud, face à la baisse des naissances et des mariages, la mairie de Séoul joue les Cupidon pour cette Saint-Valentin. La municipalité a organisé un blind date, 50 hommes et 50 femmes sélectionnés vont se rencontrer pour la première fois et tenter de se séduire. Objectif pour la mairie, former de nouveaux couples. Dîner, vin pétillant et œuvres d'art, la mairie de Séoul sort le grand jeu pour cette Saint-Valentin dans l'espoir de former de nouveaux couples. Une intrusion des pouvoirs publics dans ce qui est habituellement de l'ordre du privé, mais nécessaire, selon les organisateurs comme Park Sookhee, en charge de la lutte contre la dénatalité à la mairie de Séoul.« Au-delà de simples rencontres, ce programme vise à créer des couples qui peuvent se marier, avoir des enfants, car c'est une grande problématique de notre pays, explique Park Sookhee. La mairie aide par ailleurs les mariages avec un chèque de 700€ pour les jeunes mariés cette année à Séoul. »En 2024, le taux de natalité de la Corée du Sud s'élevait à 0,7 enfant par femme, le plus bas au monde, et le nombre de mariages diminue également. D'après un récent sondage, 40% des Sud-Coréens entre 20 et 50 ans ne souhaitent pas se marier. Coût financier important ou manque d'égalité au sein des couples, les arguments sont divers. À lire aussiLa Corée du Sud crée un ministère pour contrer la chute de la natalité « Je pense que c'est difficile de trouver l'amour » Pour ces deux participants venus aujourd'hui au blind date, il s'agit avant tout de faire des rencontres. « Je pense que c'est difficile de trouver l'amour de nos jours, confie cette participante. Parce qu'il y a peu de gens qui correspondent à mon style, et aussi parce qu'il est difficile de tomber sur quelqu'un avec qui l'entente est réciproque. » Un autre participant surenchérit : « Oui, ces jours-ci, les gens ne se rencontrent plus, nous n'avons pas forcément le temps, l'occasion de faire de belles rencontres, alors un événement comme celui-ci, c'est une bonne chose. Je ne sais pas si je trouverai l'amour, mais ça peut aider. »Les deux jeunes prétendants continuent leur dîner, mais une question se pose : ce genre d’événements est-il bien efficace pour créer de nouveaux couples ? Depuis quelques années, différentes villes du pays s’y sont essayées et beaucoup ont annulé leurs programmes de speed dating. Trop peu de participants et de couples à la sortie.« La crise de la dénatalité n'est pas seulement une affaire de rencontres »« Nous avons eu de bons résultats les années précédentes avec 22 couples sur 100 participants, défend Park Sookhee, de la mairie de Séoul. Bien sûr, la crise de la dénatalité n'est pas seulement une affaire de rencontres, il faut réfléchir aux problèmes pour trouver un logement, à l'équilibre entre vie et travail, mais je pense que le blind dating peut être un point de départ. »Après s'être rencontrés et avoir dîné ensemble, les participants pourront choisir leurs trois personnes préférées. La mairie leur communiquera ces noms dès le lendemain dans l'espoir que les participants se retrouvent pour un nouveau rendez-vous galant. À écouter dans 8 milliards de voisinsSous les pavés, l’amour ? Comment s’aime-t-on en ville ?

14/02/2025 • 02:30

Au Kurdistan irakien, le gel du financement de l’aide au développement étatsunienne (USAID) décrétée par Donald Trump a entraîné l’interruption de la plupart des programmes humanitaires. Dans une région qui accueille toujours des centaines de milliers de déplacés, les ONG sont sidérées.  De notre envoyé spécial au camp de Sharia,Dans les couloirs du centre psychosocial du camp de Sharia, les rires des enfants ont disparu. La suspension de l’aide humanitaire américaine a porté un coup fatal à ce sanctuaire pour les milliers de familles de la minorité Yézidie, victimes des persécutions de l’État islamique et qui vivent depuis 10 ans dans ce camp du Kurdistan irakien.Huwayda, la directrice des lieux, nous ouvre ses portes : « La situation est très triste honnêtement… Regardez le centre, c’est vide. D’habitude, nous avions beaucoup de gens qui venaient visiter le centre, demander du soutien. Mais depuis la suspension des financements, nous n’avons plus grand monde qui travaille. »Les bureaux sont désertés : sur 81 salariés, l’ONG jésuite qui gère le centre depuis 2014 a rompu du jour au lendemain la moitié des contrats. À l’étage, Ikram travaille pour cinq et s’inquiète de l’avenir d’une communauté à laquelle ce programme offrait un soutien encore trop rare en Irak : « Maintenant, sur ma liste d’attente, j'ai plus de 400 personnes qui ont besoin d’un suivi psychologique, de traitements psychiatriques, alerte-t-il. Si nous les laissons comme ça, ils penseront que nous les abandonnons et que nous n’avons rien fait pour eux. Peut-être que la confiance sera détruite. »À lire aussiIrak: dix ans après, les Yézidis toujours marqués par le génocide perpétré par l'État islamique« Ils ont dit que tout pourrait s’arrêter d’un coup, c’était un choc »Pour Zéré, déplacée depuis dix ans avec ses enfants, les visites au centre sont toujours un soulagement avant de regagner sa tente. Prise au dépourvu, elle confesse son angoisse à l’annonce de la nouvelle : « Les psychologues nous ont préparés pour nous dire que nous ne pourrions peut-être pas continuer au-delà de 90 jours. Ils ont même dit que tout pourrait s’arrêter d’un coup. J’ai d’abord pleuré, je n’arrivais plus à manger, c’était un choc. Je crains pour mon futur… »Dans l’intimité d’une salle de consultation, une maman accompagnée de sa petite fille revient sur les traumatismes qui la hantent et qu’elle essaye d’apaiser avec les équipes du centre : « Je revis les massacres que Daech nous a fait subir. Les décapitations, les tortures, je vois encore tout ça, témoigne-t-elle. Ici même, j’ai essayé de me pendre dix fois. J’ai failli réussir. Mon cou devenait bleu. J’ai encore les marques. Honnêtement, c'est grâce à ce centre que je suis encore en vie aujourd’hui. »L’ONG jésuite, financée aux trois quarts par les États-Unis, a choisi d’interrompre la plupart de ses programmes de manière à maintenir tant bien que mal les soins pour les personnes les plus fragiles, comme cette femme : « C’est tellement difficile pour nous. J’espère qu’on ne nous coupera pas l’accès à nos médicaments, qu’on nous laissera les prendre. »Mais faute de financements durables, le centre pourrait bien fermer définitivement.À lire aussiPour les Kurdes syriens réfugiés au Kurdistan irakien, l'impossible retour?

13/02/2025 • 02:30

C'est l'une des priorités affichées du nouveau gouvernement de Damas, et l'un des sujets qui devrait être évoqué, jeudi 13 février, lors de la conférence internationale pour la Syrie qui se tient à Paris. Après plus de 50 ans d'un régime très autoritaire et près de 14 ans de guerre civile, comment rendre justice pour tous les crimes commis ? Torture, bombardement de zones civiles, utilisation d'armes chimiques : les atrocités commises en Syrie sous Assad sont nombreuses. Et les attentes de la population sont grandes. De nos envoyés spéciaux à Damas,Au siège de la Défense civile de Damas, une sirène retentit. Un camion de pompiers se met alors rapidement en mouvement. Ce sont des Casques blancs, la Défense civile active avant la chute de Bachar el-Assad dans le Nord-Ouest de la Syrie. Ils sont désormais installés dans la capitale.Après une dizaine d'années passées à porter secours à des victimes de bombardements, les Casques Blancs ont désormais une activité plus classique de pompiers. Mais la guerre reste présente dans leur travail ; ils sont toujours à la recherche de charniers. Depuis la chute de Bachar el-Assad et sa fuite en Russie, ils en ont découvert 40.Ces charniers révèlent l'ampleur des crimes et du cynisme du régime déchu, souligne Ahmad Yazji, l'un des fondateurs des Casques blancs : « Le charnier le plus révulsant est celui que nous avons trouvé à Damas dans un endroit que le régime voulait transformer en parc. Un parc sous lequel se trouvaient des centaines de corps. »Pour l'heure, les charniers découverts sont refermés et préservés, dans l'attente de pouvoir identifier les victimes et afin de permettre la collecte de preuves. Depuis qu'ils ont commencé leurs activités, les Casques blancs ont tenu à recenser les victimes et garder des traces des bombardements sur lesquels ils intervenaient. « Des crimes de guerre », dit Ahmad Yazji. Des crimes pour lesquels il y a un besoin de justice.À lire aussiProcès en France des crimes du régime syrien: «Des détenus mourraient quotidiennement sous la torture»« Nous réclamons toujours justice pour la nouvelle Syrie »« Depuis le début, nous croyons que la justice doit avoir lieu, quel que soit le parti au pouvoir. Et maintenant que le régime a disparu, nous réclamons toujours justice pour la nouvelle Syrie. Nous exigeons aussi que les criminels rendent des comptes devant des institutions gouvernementales et rejetons les actes de revanche », insiste Ahmad Yazji.Entre 2011 et 2020, Shadi Haroun a connu près d'une décennie d'emprisonnement. Le crime qui lui était : avoir organisé des manifestations anti-Assad dans sa ville de la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas. Pour cela, lui et son frère ont été transférés de prison en prison. Homs, Tartous, Alep et la plus sinistre d'entre elles : Saïdnaya.« Le plus important, c'était la mentalité des geôliers. Je me souviens d'une phrase forte de l'un d'entre eux : "Je suis Dieu ici. Je peux te faire vivre ou te faire mourir." À cause de cette mentalité, vous pouviez mourir à tout moment. Ou au contraire, ils pouvaient vous donner un peu plus de nourriture », raconte Shadi Haroun.« Le rôle central des victimes dans ce processus est essentiel »Une étude de l'association des anciens détenus de Saïdnaya indique qu'entre 2011 et 2020, 40 000 personnes ont été incarcérées dans cette prison. Seules 5 000 en sont sorties vivantes. Aujourd'hui, l'association souhaite que justice soit rendue à travers un processus national. Et celui-ci doit véritablement être collectif, insiste Shadi Haroun :« Le rôle central des victimes dans ce processus est essentiel. Il ne faut pas que gouvernement prenne des décisions seul à propos des victimes. Aucune des parties prenantes ne le devrait, qu'il s'agisse de personnes influentes ou de responsables politiques. Parce que c'est un processus collectif. ​​​​​​»L'association des anciens détenus de Sednaya a déjà eu des contacts avec les nouvelles autorités pour évoquer la mise en place de cette justice transitionnelle. Ils ont eu un entretien avec le nouveau président intérimaire, Ahmed al-Charaa. Mais dans un pays qui recherche encore des milliers de disparus, la justice prendra du temps. « Plusieurs décennies », anticipe Shadi Haroun.Et pour être sincère, la justice devra examiner tous les crimes commis durant ses 14 années de guerre par l'ensemble des parties en conflit, y compris par les vainqueurs d'aujourd'hui.À lire aussiSyrie: après la chute d'Assad, les attentes des Syriens à l'égard de la communauté internationale

13/02/2025 • 02:20

Les musées européens sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur la provenance de leurs collections. En Suisse, ce travail de recherche a déjà permis d'identifier une centaine d'objets pillés en Afrique à l'époque coloniale. Et le débat sur leur possible restitution fait rage. Une démarche et une réflexion que le Musée des cultures de Bâle, propriétaire d'une vingtaine de bronzes béninois, partage avec le public au travers d’une exposition atypique intitulée Sous les yeux de tous : Bénin, Nigeria. C'est une exposition qui surprend tant par sa forme que par son contenu. Dès l'entrée, l'inscription « Venez discuter » accroche le regard du visiteur et incite à interpeller l'équipe de spécialistes du musée comme Ursula Regehr, conservatrice du département Afrique.Cette dernière invite les visiteurs à se rapprocher du centre de la salle, leur tend des gants et les incite à prendre en mains les objets posés sur les tables. L'objectif est d'amener le visiteur à s'interroger, comme le conservateur, sur la signification première de ces objets et leur parcours, à commencer par les deux œuvres emblématiques de l'importante collection de bronze béninois du musée :« Ces deux têtes représentent deux dignitaires du Royaume du Bénin, situé dans l'actuel Nigeria. Elles ont été ramenées à Londres comme butins de guerre, puis vendues par un marchand d'antiquités à des musées. C'est comme ça qu'elles se sont retrouvées ici, au Musée des cultures de Bâle, dès 1899. »À lire aussiLe musée Horniman de Londres va restituer au Nigeria des œuvres pillées au XIXe siècleUn travail de coopération avec les différentes parties prenantesMais l'exposition ne se contente pas de retracer le parcours de ces objets. « Une grosse partie est consacrée au travail de coopération avec le Nigeria et au dialogue avec les différentes parties prenantes », précise Ursula Regehr.Certains de ces échanges ont été filmés et sont projetés avec sous-titres sur un des murs de la salle d'exposition. Ils ont notamment permis de mieux comprendre la signification originale des bronzes béninois, comme l'explique l'ethnologue suisso-nigériane Zainabu Jallo :« Nous avons reçu des héritiers de la communauté du Royaume du Bénin et ils ont clairement identifié ces objets comme des pièces sacrées qui ornaient les autels de leurs ancêtres. Ce genre d'explication nous amène à penser qu'ils devraient retourner à leur emplacement d'origine. »À lire aussiL'Allemagne restitue vingt bronzes au NigeriaLa restitution se fait au cas par casMais comment procéder et faut-il tout restituer ? À travers des conférences organisées une fois par mois dans la salle d'exposition de la collection béninoise, le Musée des cultures de Bâle invite le public à se poser la question, comme explique la directrice du musée, Anna Schmid :« Par exemple, on a eu le cas d'œuvres qui ont été rendus au Sri Lanka suite à une demande de restitution. Mais on a aussi eu le cas de la collection Hiva Oa, dont la Polynésie française n'a pas réclamé la restitution, mais a demandé de pouvoir nous l'emprunter, car ils ne se sentent pas capables de la prendre en charge pour le moment. Donc il s'agit de rester ouvert à toutes les solutions qui peuvent permettre la circulation des œuvres. »Pour le moment, le Musée des cultures de Bâle n'a pas reçu de demande officielle de restitution des bronzes béninois. L'exposition Sous les yeux de tous : Bénin, Nigeria est visible à Bâle jusqu'au 7 mai 2025.À lire aussiArts: l'Allemagne, avec l'accord du Nigeria, expose les bronzes du BéninÀ lire aussiFrance: le report de la loi sur la restitution du patrimoine inquiète en Afrique de l'ouest

12/02/2025 • 02:35

Le reportage international est consacré aujourd'hui au football et à la ville de Manchester qui accueille ce mardi l'un des matches les plus attendus de ce début d'année. L'une de ses équipes phares, City, affronte le Real Madrid en « barrage aller » de la Ligue des champions. Une affiche de prestige pour un club qui traverse une crise à laquelle il n'était plus habitué depuis longtemps...

11/02/2025 • 02:16

Le sommet mondial sur l'intelligence artificielle (IA) s'ouvre à Paris, lundi 10 février, avec l'Inde en tant que coprésidente de cet événement. Après avoir embrassé la révolution d'internet et le boom des start-ups, le pays souhaite désormais prendre part pleinement à la révolution mondiale de l'IA. Les start-ups se multiplient, créant de nombreux emplois, mais l'Inde demeure encore dépendante dans le domaine de la recherche fondamentale en IA. De notre envoyé spécial à Bangalore, Pavithra Ramanna travaille en terrasse d'un café végan dans un quartier huppé. L'entreprise Zuru AI, pour laquelle elle exerce, a fait le choix de ne pas posséder de bureaux physiques pour ses 3 000 employés : « Notre client nous demande de capturer des informations sur des documents, comme un permis de conduire. Noms, date de naissance : un algorithme se charge de les extraire. »Avec les avancées de l'IA, fini le temps des saisies manuelles et répétitives. « Le travail humain est passé au niveau supérieur. Il y a cinq ans, on notait tout à la main. Aujourd'hui, on repère juste les erreurs de l'algorithme pour maximiser sa fiabilité. Même dans l'intelligence générative, qui fait le buzz, cette supervision humaine est indispensable à la qualité », explique Pavithra Ramanna.À 32 ans, cette employée est optimiste sur le potentiel de l'IA pour l'Inde, la première population mondiale : « Ici, on est à Bangalore, le hub des nouvelles technologies en Inde. Mais nous créons des emplois dans des régions plus pauvres, où les opportunités sont moins nombreuses. »À lire aussiSommet de l'IA: Emmanuel Macron annonce 109 milliards d'euros d'investissements en FranceL'IA, une priorité nationaleLe Premier ministre, Narendra Modi, évoque l'IA dans presque chacun de ses discours. Convaincu que l'Inde peut en tirer profit, il sait également que la population indienne est particulièrement attirée par la tech. D'un côté, l'intelligence artificielle, de l'autre, l'Inde, qui aspire à innover, a résumé le leader indien avant l'ouverture du sommet de l'IA à Paris, que son pays copréside.« Lancer son entreprise dans l'IA en Inde apporte autant d'embûches que de savoir-faire. Il y a tellement de langues, d'émotions et de cultures différentes à comprendre », confie Ravi Saraogi, fondateur d'Uniphore, une start-up indienne de deep tech, fondée en 2007, aujourd'hui forte de 900 employés à travers le monde.Uniphore est née au sein de l'Indian Institute of Technology (IIT) de Madras, l'un des centres d'excellence technologique les plus réputés d'Inde. « Lorsque l'Inde développe une technologie, elle la développe pour un pays si divers qu'à l'arrivée, vous avez un produit qui couvre différents besoins dans le monde entier. Couplé à son vivier de talents, cela en fait un écosystème unique », insiste Ravi Saraogi.Les ambitions du gouvernement indien pour l'IAPour placer l'Inde parmi les leaders mondiaux de l'IA, le gouvernement a lancé une initiative dotée d'un milliard d'euros et acquis des puces de l'entreprise Nvidia. Ce volontarisme, cependant, reste modeste comparé aux 500 milliards de dollars investis par l'administration Trump. Si les opportunités sont bien réelles pour l'Inde, les financements demeurent insuffisants pour lui permettre de se libérer des modèles d'intelligence artificielle développés ailleurs dans le monde.À lire aussiAu Sommet de l'IA à New Delhi, 29 pays s'accordent pour démocratiser et réguler son développement

09/02/2025 • 02:39

En Amazonie bolivienne, la réserve naturelle du Pilon Lajas est menacée. Les mineurs travaillent dans les rivières pour y trouver de l'or et les contrebandiers y pratiquent le trafic de bois et d'animaux sauvages. Cette zone est également un territoire autochtone où vivent différentes communautés des peuples Tacana, Tsimane et Mosetene. Pour se protéger de l'avancée des mineurs, les communautés autochtones organisent chaque mois une patrouille le long des frontières du Pilon Lajas.  De notre envoyé spécial dans la région,Il est un peu plus de midi quand la patrouille quitte le port de Rurrenabaque, en Amazonie bolivienne. Au programme, un jour et demi à sillonner la rivière Beni, l'une des frontières naturelles du Pilon Lajas, à la recherche de potentiels chercheurs d'or illégaux. Madelín Guzmán fait partie de l'organisation autochtone du territoire. Elle nous explique la procédure quand ils rencontrent des mineurs : « Si c'est la première fois, on le rappelle à l'ordre et on le fait sortir de la zone. La deuxième fois, on le sanctionne en saisissant tout son matériel. Et au bout de la troisième fois, on porte plainte et on avertit les autorités. »Après quatre heures à remonter le Beni sans embûches, nous arrivons à l'un des campements des gardes forestiers du Pilon Lajas. Une petite réunion de coordination est organisée. La patrouille reprendra le lendemain matin avec au moins un garde forestier présent : « Ils protègent la zone et nous aussi, donc nous avons tout intérêt à collaborer. Et comme ils connaissent bien le secteur, ils peuvent aussi nous guider si besoin. »Pendant la soirée, Lander Veyuma, l'un des gardes forestiers, détaille le peu de moyens dont ils disposent pour empêcher l'arrivée de mineurs ou de contrebandiers. Un manque de ressources qui va parfois jusqu'à l'absence de carburant pour patrouiller aux frontières de la réserve : « Avant, nous étions 20 gardes forestiers. Maintenant, nous ne sommes plus que 11. Avec ces neuf effectifs en moins, c'est très dur de protéger les 400 000 hectares de la réserve naturelle du Pilon Lajas. »Le lendemain, nous atteignons la limite du Pilon Lajas. Aucune activité minière n'est détectée pendant le trajet. Pourtant, pour Hermindo Vies, vice-président du Conseil régional Tsimane Mosetene, la situation est préoccupante : « Nous nous trouvons devant le ruisseau Naranjani, qui est la limite du territoire. À peine un mètre de l'autre côté, nous avons constaté la présence de mineurs qui cherchent de l'or. »Bien que ces activités minières ne soient pas dans le territoire du Pilon Lajas, le mercure utilisé est rejeté dans le Beni, empoisonnant à petit feu l'eau, les poissons et les populations locales. Pour Madelín Guzmán, l'un des principaux responsables de cette situation n'est autre que l'État : « Ce que souhaite l'État, c'est développer l'industrie minière, quitte à mettre en péril nos territoires. C'est ce qu'il a toujours souhaité. Et si nous ne nous mobilisons pas, c'est sûr qu'il ne va pas nous écouter. Donc on lutte, on représente la voix de nos communautés et on ne baisse pas les bras. »Une détermination plus que nécessaire pour faire face aux incessantes tentatives d'intrusion des chercheurs d'or dans le Pilon Lajas, et surtout supporter le silence de l'État bolivien.

08/02/2025 • 02:31

En Syrie, les treize années de guerre ont laissé des traces : quelque 300 000 mines et engins explosifs sont disséminés à travers le pays. Depuis la chute du régime, au moins 144 personnes ont été tuées, selon Halo Trust, une organisation internationale spécialisée dans l’enlèvement des mines terrestres, notamment en raison du retour des déplacements. Des équipes de déminage ont commencé la lourde tâche de nettoyer le pays, mais manquent d’effectifs et de soutiens financiers. De notre envoyée spéciale dans la province de Homs, Chaque matin depuis deux mois et la chute du régime, le rituel d’Hassan Talfah est le même. Trouver le point de localisation de l’engin explosif, avant d’enfiler sa tenue, un casque à visière et une veste de protection : « Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu d’accident, parce que nous sommes bien préparés. »Le risque est moindre pour ces démineurs de la Défense civile syrienne que pour les habitants du petit village de Buwaydah al-Sharqiyah, situé à 25 km au sud de Homs, longtemps en proie à la guerre. Les combats entre les rebelles et le régime de Bachar el-Assad ont ici, comme ailleurs, laissé leurs legs. Des maisons à terre, des murs criblés d’impacts de balle, et des champs chargés de mines et d’engins explosifs encore actifs.Dans la région, les accidents ont tué ou blessé entre 40 et 50 personnes en deux mois, explique Abdel, l’un des démineurs : « La plupart sont des enfants. Ils pensent que ces mines sont des jouets. Ils s’amusent avec et les font exploser. »À lire aussiMalgré le traité d'Ottawa, les mines antipersonnel font davantage de victimes chaque année« Je m’étonne qu’il y ait encore des mines ici »À l’aide d’un ruban, il balise un champ et d’une pioche, installe des panneaux de prévention. L’explosif est entouré de sacs de sable. Les habitants sont invités à rentrer chez eux. « Allez les gars, on perd du temps, s’exclame Hassan Talfah. Rentrez à l’intérieur, s’il vous plait, je ne peux rien faire exploser tant qu’il y a du monde dehors ! »Depuis sa maison, Houda regarde l’explosion. « J’ai peur pour mes enfants… Je m’étonne qu’il y ait encore des mines ici. Je suis revenue il y a dix jours. Juste avant, ils ont trouvé 35 petits obus en grappe dans mon jardin. Les gars du HTS [le groupe rebelle à l'initiative dans la chute du clan Assad, NDLR] ont enlevé ces 35 obus. Et heureusement, aucune explosion ne s’est produite suite à mon arrivée. » Depuis la chute du régime, avec le retour d’exil des familles et l’intensification des déplacements dans le pays, les accidents se multiplient. Face à l’ampleur de la tâche, la Défense civile syrienne manque de soutien. À Homs, ils sont sept à déminer, 130 dans tout le pays à travailler. Jamais le gouvernement n’a mis en place de programme de déminage. Les nouvelles autorités ne se sont pas encore prononcées.À lire aussiSyrie: Ahmed al-Charaa face à la difficile conciliation des attentes de ses partenairesDes mines qui explosent depuis le début de la guerreLe problème, pourtant, n’est pas récent. Les accidents liés aux engins explosifs datent du début de la guerre. Mahmoud est berger. Il a perdu sa femme et son frère en 2017 et sa jambe porte encore les marques de l’explosion : « Nous étions sur un petit chemin de terre, comme celui-ci. Nous allions rejoindre la route principale, mais après avoir parcouru 100 mètres, une mine a explosé sous notre voiture, se rappelle-t-il. Nous espérons que les choses s’amélioreront, que la Syrie sera totalement nettoyée. Mais malheureusement, nous n’oublierons jamais ce qu’il s’est passé. » Ahmad, son neveu, intervient. Le problème est loin d’être fini, dit-il. « Mon cousin a des moutons ici. Il y a deux semaines, une mine a explosé sur son passage alors qu’il allait les faire paître, raconte-t-il. Quelques jours plus tard, c’était un petit enfant. Il a jeté une pierre sur une mine et celle-ci a explosé. Heureusement, il n’a pas été tué. Mais il a été gravement blessé aux yeux. »Ici, tout le monde a une histoire à raconter. Des voisins, des amis, des enfants cibles de mines encore cachées. La guerre est peut-être terminée. Ses victimes, elles, n’ont pas fini d’être comptées.À lire aussiSyrie : après la chute de Bachar al-Assad, la difficile unification du pays

07/02/2025 • 02:43

Des dizaines de milliers de Slovaques s’apprêtent à descendre à nouveau dans la rue ce vendredi 7 février pour manifester contre le gouvernement de Robert Fico. Critiqué pour sa politique trop servile envers la Russie, le Premier ministre a déjà évoqué des menaces de coup d’État contre lui avec l’aide de l’étranger, dans ce pays frontalier de l’Ukraine.  De notre correspondant à Bratislava,Avec déjà 60 000 manifestants fin janvier dans la capitale slovaque, Marian Kulich estime qu’il faut mettre davantage de pression sur le pouvoir en place. Il fait partie de l’organisation Paix pour l’Ukraine, fondée il y a près de trois ans, juste après l’invasion russe : « En allant récemment à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, notre Premier ministre a lancé une campagne contre Bruxelles, dénonce-t-il. Cela ne nous convient pas du tout, nos valeurs ne doivent pas être trahies pour la Russie. La Slovaquie est l’Europe : c’est le slogan de notre manifestation ». En allant jusqu’à évoquer — sans preuves concrètes — la menace d’un coup d’État fomenté contre le gouvernement, le Premier ministre slovaque Robert Fico et ses alliés d’extrême droite dénoncent des manœuvres de l’opposition progressiste, des médias et « des ONG financées par l’étranger ». Et ce, sur fond de crise avec les autorités ukrainiennes à propos des livraisons de gaz russe et de crise gouvernementale. « Le gouvernement ne dispose pas d’une grande majorité au Parlement et le Premier ministre doit mobiliser l’électorat, souligne le politologue Tomas Strazay. Je pense que sa rhétorique anti-ukrainienne et pro-russe est un moyen pour lui de mobiliser son électorat. » À lire aussiLe Premier ministre slovaque Robert Fico reçu par Vladimir Poutine pour parler du gaz russeUne société diviséeLa société slovaque est singulièrement divisée, comme en témoignent les résultats des récents scrutins. Pour Ingrid, retraitée mais toujours employée, il n’est pas question d’aller manifester aujourd’hui : « Je ne participerai pas. J’ai voté pour le parti Smer du Premier ministre et je considère qu’il veut s’assurer qu’on ait du gaz, défend-elle. Moi, j’ai 63 ans et je dois continuer de travailler même si je suis à la retraite pour pouvoir payer mes factures et mes courses, à cause de l’inflation. Et ça ne me plaît pas. » Psychologue sociale et trentenaire, Veronika, en revanche, compte bien venir au rassemblement contre Robert Fico et son gouvernement : « Il nuit à l’image de la Slovaquie à l’étranger et au sein de l’Union européenne, en s’alliant aussi avec le Hongrois Viktor Orban. C’est difficile avec mes proches, avec mes parents par exemple qui votent pour Fico et pour le président Pellegrini, comme mes amis qui habitent dans l’est de la Slovaquie. Je vois les choses différemment et c’est comme si chacun avait sa vérité. »Organisées dans la capitale et de nombreuses autres villes de Slovaquie, les manifestations du jour pourraient fragiliser encore un peu plus la coalition gouvernementale en place depuis un an et demi.  À lire aussiLa Slovaquie se tourne vers TurkStream pour l'approvisionnement en gaz russe

06/02/2025 • 02:29

Un peu partout en Europe, les démocraties sont confrontées à une crise de confiance et au populisme. Dans le sud-est de la région, beaucoup de pays candidats à l’Union européenne font du surplace dans leurs réformes. Un pays se distingue avec de réelles avancées démocratiques : le Kosovo. 26 ans après la guerre avec la Serbie, ce petit pays très jeune est le seul de la région à tenir des élections apaisées, entièrement libres et transparentes, et ce devrait être encore le cas avec les législatives de ce dimanche 9 février. Un reportage à Gjakova à retrouver en entier dans le podcast d'Accents d'Europe.À lire aussiLe Kosovo ferme dix municipalités serbes, Belgrade dénonce une «escalade»

05/02/2025 • 02:33

Depuis deux semaines, une coalition d’une dizaine de groupes catholiques a créé le Projet Dalisay aux Philippines. Son but : lutter contre un projet de loi contre les grossesses précoces, qui implique la mise en place de plusieurs mesures sur l’éducation sexuelle. Sur les réseaux sociaux, le Projet Dalisay diffuse des vidéos de désinformations désormais devenues virales. Même le président Marcos a été convaincu : il a annoncé vouloir opposer son veto à la loi. Un coup de massue pour ceux qui se battent pour les droits des femmes et des enfants aux Philippines. Un reportage de Nemo Lecoq-Jammes, qui s’est rendue à Tondo, le district le plus pauvre de Manille, où l'association Likhaan lutte contre le fléau croissant des grossesses précoces.  À lire aussiLes Philippines portent la majorité sexuelle à 16 ans, une grande avancée pour les mineurs

04/02/2025 • 02:30

La plupart des économistes locaux estiment que l’Australie saura faire valoir son statut d’allié stratégique pour éviter d’être directement sanctionné. Mais redoutent que la hausse massive des droits de douane promise par Donald Trump sur les exportations venues de Chine, le principal partenaire commercial de l’Australie, aura indirectement des conséquences lourdes sur l’économie de l’île-continent. De notre correspondant à Canberra,Protéger le marché américain de la concurrence étrangère, en rendant artificiellement les produits venus d’ailleurs plus chers, c’est la promesse formulée par Donald Trump tout au long de sa campagne victorieuse. « Le mot droit de douane, c’est le plus beau mot dans le dictionnaire. Il va rendre notre pays riche », s'est-il exclamé. Un discours aux antipodes de celui porté par le gouvernement australien, qui se présente pour sa part comme un champion du libre échange.Mais malgré ces divergences de vue, l’économiste Richard Holden, de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, et comme nombre de ses collègues, pense que l’Australie a de bons arguments pour échapper à de nouvelles barrières douanières. « Je crois que l’Australie est bien placée pour les éviter. Nous sommes un allié proche et assez important des États-Unis dans le Pacifique. Qui plus est, Donald Trump laisse entendre que le pacte Aukus va être maintenu, ce qui veut dire que nous allons devenir un allié militaire encore plus important pour les États-Unis. Et mettre en difficulté un allié de cette nature, ce n’est pas une très bonne idée. L’autre point important à souligner, c’est que la balance commerciale des États-Unis est excédentaire avec l’Australie », explique-t-il.En revanche, il est beaucoup moins optimiste concernant la Chine, avec qui Donald Trump a déjà mené une guerre commerciale lors de son premier mandat. Or, la Chine est aussi le premier partenaire commercial de l’Australie. Elle y a écoulé en 2023 plus de 130 milliards d’euros de marchandises, soit près du tiers de toutes ses exportations. « Des droits de douane massifs appauvriraient la Chine, à un point qu’ils ne seraient plus disposés, ou plus capables d’acheter nos produits agricoles haut de gamme, par exemple les homards, le bœuf wagyu ou nos vins les plus onéreux. Et cela nous ferait mal » redoute-t-il.Un point de vue partagé par Medo Pournader, de la faculté d’économie de l’université de Melbourne. Mais elle veut croire que l’Australie, malgré un protectionnisme américain a priori défavorable à son économie, pourrait tirer son épingle du jeu. « Ce n’est pas que du sang et des larmes, il y a peut-être même de belles opportunités pour l’Australie. Je crois que nous devons négocier avec les États-Unis pour éviter des droits de douane. Ou, a minima, qu’ils soient moins élevés que pour d’autres pays, ce qui nous permettrait d’exporter davantage de produits australiens aux États-Unis », espère-t-elle. Face à un président américain qui place les relations personnelles au-dessus de tout, tout dépendra de la capacité d’Anthony Albanese, le Premier ministre australien, à le séduire.À lire aussiLes États-Unis suspendent pour un mois leurs tarifs douaniers avec le Mexique et le Canada

03/02/2025 • 02:40

Madrid, nouvelle capitale des Latino-Américains. Ils étaient 80 000 il y a 20 ans, ils sont aujourd'hui plus d'un million. Poussés par les crises économiques ou politiques, les immigrés sud-américains ont fait de la capitale espagnole un lieu de refuge. Ils représentent désormais 14% de ses habitants, une présence visible dans tous les quartiers de la ville. De notre correspondante à Madrid,En Espagne, dans son salon d'esthétique situé dans le quartier huppé de la capitale, Annabelle a parfois l'impression d'être dans sa Caracas natale. Cette Vénézuélienne de 42 ans s'est entourée d'employés qui, pour la plupart, viennent de son pays. « Avant, j'avais beaucoup d'élèves espagnols, mais maintenant ce sont toutes des latinas. C'est incroyable le nombre de filles d'Amérique latine qui débarquent. Elles viennent de Colombie, du Venezuela, du Brésil, de toute l'Amérique du Sud. Elles cherchent une opportunité de travail et un salaire pour survivre et avoir rapidement leurs papiers. Suivre un cours d'esthétique, c'est une façon facile d'aller de l'avant, d'être indépendante financièrement et d'avoir une stabilité, car la majorité d'entre elles sont des femmes seules ou des mères de famille », explique-t-elle.Annabelle est arrivée à Madrid en 2018. Elle fait partie de ces migrantes latino-américaines qui affichent leur réussite professionnelle en Espagne. Sa « success story », elle la partage avec les jeunes filles latino-américaines qui débarquent tout juste à Madrid et à qui elle vient en aide en proposant des formations de manucure à moitié prix.Sofia, âgée tout juste de 24 ans, a débarqué en Espagne il y a à peine quatre mois. Assise à une table, cette Vénézuélienne apprend à poser de faux ongles recouverts de paillettes. « Dans mon pays, je ne pouvais trouver aucun travail. La délinquance, c'est horrible. Là-bas, il y a des endroits où seulement pour un regard, on te dépouille. Si tu as une petite boutique, tu dois constamment la surveiller pour ne pas être volée. Sans parler de l'inflation, des taxes ou des loyers très élevés », raconte-t-elle.La qualité de vie et la sécurité sont les principaux motifs qui poussent aussi ces dernières années des milliers de Latino-Américains de la classe moyenne ou aisée à traverser l'Atlantique. Sarah, mexicaine et mère de deux enfants, est venue avec son époux s'installer en Espagne juste après la pandémie. « Les États-Unis n'ont jamais été une option. Ici, nous avons des racines en commun avec l'Espagne. Et en plus, mon époux peut faire valoir que ses grands-parents étaient asturiens, ce qui lui a permis d'obtenir la nationalité espagnole. On a du coup une certaine connexion avec le pays », se réjouit-elle. Comme de nombreux Latino-Américains, Sarah espère obtenir la nationalité espagnole au terme de deux ans de résidence légale en Espagne. La loi permet de solliciter la nationalité à certaines communautés d'Amérique latine.À lire aussiEspagne: grâce à un accord avec les séparatistes catalans, Pedro Sanchez fait passer des mesures sociales

02/02/2025 • 02:34

Chaque premier samedi de février, on célèbre le jour du Pisco Sour. Un cocktail à base d'une eau-de-vie, le pisco, une distillation de vin blanc, dont la paternité est âprement discutée entre le Pérou et le Chili. RFI a tenté de déterminer l'origine de cet alcool, à l'origine d'une querelle qui remonte au début du XXe siècle. De notre correspondante à Santiago,Il faut bien l'avouer : c'est le Chili qui a mis de l'eau sur le feu en revendiquant le premier la paternité du pisco, en 1931. Depuis, c'est la guerre avec le Pérou, chacun revendiquant le label « appellation d'origine ».  La discorde a été ravivée en décembre dernier, puisque l'Unesco a certifié l'authenticité d'un ensemble de manuscrits péruviens qui attestent la production et la commercialisation de pisco entre 1587 et 1613. C'est la preuve la plus ancienne, à ce jour, qui établirait donc l'origine de cette eau-de-vie au Pérou.Mais dans les rues de Santiago, quand on demande d'où vient le pisco, la réponse est immédiate. Eduardo, chilien et manifestement chauvin concernant cette question, nous confie les secrets de sa recette de Pisco Sour. « Ce n'est pas le citron habituel, le citron banal, il faut des citrons plus petits, qu'on appelle ici le Limon de Pica. Et bien sûr, un bon pisco, moi, j'utilise du chilien », détaille-t-il. À proximité, Horacio, d'ailleurs en pleine dégustation d'un Pisco Sour, n'est pas d'accord. « Le pisco péruvien, il est plus doux, donc pour un Pisco Sour, il est plus agréable. Notre pisco chilien, il est plus puissant, pour ainsi dire », estime-t-il.Dans le quartier très touristique de Lastarria, si on veut boire un Pisco Sour, ce sera au restaurant Chipe Libre. Celui-ci est géré par un Français, Jérôme, installé au Chili depuis 26 ans, qui pourrait bien avoir trouvé la réponse à cette discorde chilo-péruvienne. « C'est le "chi" de Chili et le "pé" de Pérou. L'idée de "Chipe Libre", c'est que le pisco en a eu assez. Il en a eu marre de ces batailles, donc il a fait sa révolution. Il a annexé le sud du Pérou et le nord du Chili et il a créé sa propre République », imagine-t-il. Chaque pays a du bon pisco, mais avec quelques différences. « Par exemple, au Chili, on passe le pisco dans des barriques de bois, au Pérou, le bois est interdit. On ne travaille pas non plus les mêmes raisins », explique ce spécialiste de la question.Si cette querelle est bien sûr culturelle et gastronomique, l'enjeu est aussi économique. Pour le Chili, les exportations de pisco rapportent presque 3 millions d'euros. Pour le Pérou, cela grimpe à près de 7 millions. Depuis son restaurant indépendantiste, Jérôme regrette que les deux pays n'unissent pas plus leurs forces pour faire connaître cet alcool au-delà de leurs frontières. « Malheureusement, aujourd'hui, ce qui bloque le développement du pisco, c'est cette guerre ridicule entre le Pérou et le Chili. Ils dépensent leurs budgets dans des procès et des avocats », déplore-t-il. Aujourd'hui, la majorité des exportations des deux pays se font vers les États-Unis, le Japon et l'Espagne. Alors, à savoir tout de même, si vous en trouvez en France : le pisco pur, péruvien ou chilien, c'est entre 30 et 45°C d'alcool.  À lire aussiLe Chili, l'autre pays du vin

01/02/2025 • 02:27

Après des mois de suspense, le président américain met sa menace à exécution en promettant d’imposer dès aujourd’hui des droits douaniers de 25% sur les marchandises en provenance du Mexique et du Canada. Côté canadien, Donald Trump cible particulièrement les secteurs de l’aluminium, du cuivre et de l'acier. Des tarifs sur le pétrole pourraient venir un peu plus tard. Pour l’instant, le Canada réserve sa réponse. Mais déjà les entreprises exportatrices s’interrogent sur leur avenir… Beauce Atlas, l'usine de poutre d'acier de Nicolas Blais, se situe seulement à une heure de la frontière américaine, au Québec. Dès les premières annonces de Donald Trump sur la possibilité d'une hausse des droits de douane, l'entrepreneur a mis les bouchées doubles pour expédier le plus de charpentes métalliques possibles chez ses clients aux États-Unis.Confrontée à de possibles droits de douane de 25% sur ses ventes, l'entrepreneur compte sur la fidélité de ses clients américains. « On a quand même un produit qui est très abordable à cause du taux de change. On a une proximité aussi avec eux depuis les 15 ans, 20 ans que nous sommes là. Donc, ils veulent entretenir les relations pour nous conserver comme sous-traitants. Eux, ils sont prêts à assumer les droits de douane. Il y a tout de même 50% de risques avec les autres clients qui ne veulent pas payer ces tarifs-là », analyse-t-il.Nicolas Blais espère que le Canada va pouvoir négocier des tarifs à la baisse avec son puissant voisin : « Actuellement, on n'est pas en mode urgence. On pense que c'est uniquement un levier de négociation. On a vécu des crises économiques par le passé, on a vécu des droits de douane en 2019, de l'ordre de 10% pendant neuf mois. Finalement, ils ont été retirés. Ça nous a été remboursé. On croit vraiment fermement que c'est la même chose qui va se passer actuellement. Du moins, on l'espère. »À 80 km de là, un autre entrepreneur, vit lui aussi avec les conséquences des droits douaniers. Julien Veilleux, de l'entreprise Rotobec, fabrique de grandes pinces mécaniques dans une usine au Québec et dans deux usines américaines. Il y a quelques mois, il a décidé de déménager une partie de sa production québécoise. « Toutes mes pinces forestières étaient faites à Sainte-Justine. Cela va être délocalisé aux États-Unis parce que 100% de ce chiffre d'affaires là est américain. Si les droits de douane continuent, il faudra continuer le projet de délocalisation. C'est malheureusement là-dessus que l'on travaille présentement. Pour le Canada, ce ne sont pas de bonnes nouvelles, puisque moi, j'avais quand même de la place pour y faire de la croissance. Mais je vais être obligé de la faire aux États-Unis », regrette-t-il.Face à l'imposition de ces droits douaniers, le Premier ministre canadien Justin Trudeau se veut rassurant. « Nous allons aussi réagir. Notre réponse est prête. Une réponse déterminée, énergique, mais raisonnable et immédiate. Nous allons veiller sur les Canadiens, sur les propriétaires d'entreprises et les gens à travers le monde qui considèrent le Canada comme un partenaire clé », a-t-il déclaré. On devrait savoir d'ici peu comment le Canada va mener la guerre commerciale qui s'amorce avec un pays où sont envoyés 75% de ses exportations. À lire aussiDonald Trump lance la guerre commerciale contre le Canada, le Mexique et la Chine

01/02/2025 • 02:33

Le retour chez eux est-il possible pour les Kurdes de Syrie réfugiés au Kurdistan irakien voisin ? Ils sont 300 000 à y vivre depuis plus de dix ans, dans des camps pour la plupart. Soulagés par la chute du régime de Bachar el-Assad, ces réfugiés sont néanmoins inquiets de la place qui sera faite aux Kurdes dans une Syrie en gestation. Tandis que des tractations politiques intenses ont lieu pour définir les contours que pourrait y prendre l’autonomie kurde. Ayaz, 29 ans, fait défiler les pages d'un album qu'il garde précieusement au fond d'une armoire. « Ce sont nos photos de famille. Ces albums sont les souvenirs qui nous restent de la Syrie et que nous avons pu emporter avec nous. C'est la seule chose qui nous relie à la Syrie. Avec la guerre, il y avait deux options : devenir un meurtrier ou bien se faire tuer. J'ai pris la meilleure décision ou en tout cas la plus sûre, celle de quitter la Syrie. »Son exode le conduit de l'autre côté de la frontière, dans le camp de réfugiés de Kawergosk, au Kurdistan irakien. Dix ans ont passé et les tentes de plastique ont laissé place à des maisons de parpaings. Si les 1 800 familles kurdes syriennes qui vivent là ont célébré la chute du régime de Bachar el-Assad le 8 décembre dernier, aucune ne s'est empressée de prendre le chemin du retour. « Bien sûr que je vais rentrer, nous n'allons pas rester ici. Mais pour l'instant, la situation est trop mauvaise en Syrie, explique Ayaz. Je ne veux y retourner que si l'on construit un État civil et décentralisé, qui protège les droits de toutes les communautés syriennes, c'est-à-dire des Kurdes et de toutes les autres minorités. Il faut une protection constitutionnelle de nos droits, qui ne soit pas seulement des mots, mais qui se traduisent par des faits. »Ces attentes sont largement partagées par ces réfugiés. Mais pour les faire entendre aux nouvelles autorités à Damas, les factions politiques kurdes doivent afficher un front uni. Or, les habitants du camp ne se sentent pas représentés par les milices au pouvoir au Kurdistan syrien, réputées proches du Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre contre la Turquie.Accoudé à son échoppe de vêtements, Alan-Walid a justement quitté la Syrie à 14 ans, de peur d'être enrôlé contre son gré. « Dans les régions kurdes de Syrie, le parti politique en charge opère un recrutement forcé. Mais nous ne souhaitons pas nous battre pour un parti politique ou une idéologie. Nous souhaitons nous battre pour les Kurdes. Si les parties parviennent à s'unir, alors nous rentrerons nous battre pour la cause kurde, pour le Rojava », clame-t-il.Depuis plusieurs jours, les promesses de discussions vont bon train entre ces milices qui administrent le Kurdistan syrien et l'opposition, principalement exilée, en Irak. Cependant, pour cette jeune femme croisée dans l'allée principale du camp, ces négociations ne suffiront pas à la faire rentrer chez elle. « Si nous retournons en Syrie, nous n'aurons plus rien. Nous finirons à la rue. Ici, au moins, nous possédons une maison, nous vivons au jour le jour. Je sais qu'il faudrait encore dix ans à la Syrie pour se reconstruire et revenir à la situation antérieure à la guerre. Et peut-être que ça n'arrivera jamais », soupire-t-elle.Au-delà de ces tractations politiques fragiles, les bombardements turcs et les combats entre les forces kurdes syriennes et les mercenaires soutenus par la Turquie se poursuivent. La situation sécuritaire reste trop instable pour permettre aux réfugiés de Kawergosk d'envisager un retour.À lire aussiSyrie: les civils pris en étau par les affrontements entre les forces kurdes et les pro-turcs

30/01/2025 • 02:41

Cela fait cinq ans que le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne. Le 31 janvier 2020, une période de transition s’ouvrait pour faciliter le passage, mais les Britanniques n’étaient déjà plus citoyens de l’UE. En 2016, ils avaient voté en majorité pour le Brexit, et le milieu agricole comptait parmi les fervents partisans de la sortie. Cinq ans plus tard, le bilan est mitigé. Cela fait cinq ans que la cloche du Big Ben, au Parlement de Westminster, a retenti. À 23h, elle annonçait la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cette cloche-là, c’est celle qui annonce le début des enchères aux moutons du marché de Melton Mowbray. Richard est présent ce matin, bien qu’il n’ait pas de moutons à vendre cette fois-ci. Cet éleveur apprécie l’ambiance du marché.« On nous avait dit qu’avec le Brexit, les prix allaient chuter et que l’agneau britannique n’aurait plus de demande à cause des droits de douane. Mais c’est tout le contraire. La demande est là, et aucune taxe n’a été imposée sur l’agneau britannique, pour l’instant en tout cas. La demande la plus forte vient du Moyen-Orient, d’Arabie saoudite, d’Israël et de Turquie. Hors Union européenne. Mais également plus près de nous, d'Espagne et d'Italie et de France. Et puisque ces clients avaient une relation commerciale avec nous avant le Brexit, ils continueront cette relation après le Brexit ».Un avis, qui n’est pas partagé par tousAndrew Wheeler, cultivateur de céréales à quelques kilomètres de là, a stocké toute sa récolte dans son entrepôt. Lui aussi avait voté pour la sortie de l’Union européenne en 2016. « J'ai voté en faveur du Brexit pour quitter l'UE pour un certain nombre de raisons. Mais c'est probablement mon cœur qui l'a emporté sur ma tête. L'une des raisons pour lesquelles je voterais différemment aujourd'hui, c’est que je vois que notre gouvernement ne s'intéresse pas à l'agriculture. Lorsque nous étions membres de l'Union européenne, il ne fait aucun doute que la pression exercée par les agriculteurs, surtout les français, avait de l’impact à Bruxelles. L'UE avait peur, elle a toujours peur, des agriculteurs. Ce n'est pas le cas du gouvernement britannique ».À lire aussiAu Royaume-Uni, les agriculteurs manifestent contre un projet de taxe sur la successionLe principal syndicat de fermier britannique, le NFU, tient une permanence au marché de Melton Mowbray. James Haddon, son représentant local, reçoit de nombreuses plaintes, notamment de la part des producteurs de fruits et légumes, qui peinent à recruter la main-d’œuvre saisonnière venue d’Europe de l’Est avant le Brexit.« Vous travaillez toute l'année pour avoir une récolte et vous n'êtes pas en mesure de la faire. C'est pourquoi la NFU souhaiterait un plan stratégique quinquennal pour les travailleurs saisonniers. Pour qu’ils puissent venir en nombre raisonnable, donc sans plafond arbitraire, afin que tous les aliments cultivés puissent être récoltés avec succès ».Le gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir en juillet, veut revoir et améliorer la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Mais il reste catégorique : un retour à la liberté de mouvement est exclu.À écouter aussiLes défis du Royaume-Uni, cinq ans après le Brexit

29/01/2025 • 02:34

« Non au Mercosur ! » L’Assemblée nationale française résonnera d’oppositions fermes contre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). À l’initiative du Parti socialiste, les députés examineront une résolution visant à rejeter cet accord, qui divise profondément les 27 États membres de l’UE. La France, préoccupée par l’impact sur sa filière agricole, s’y oppose fermement, aux côtés de la Pologne. D’autres pays, comme l’Italie, adoptent une position plus nuancée, tandis que l’Allemagne se montre clairement favorable à l’accord. Outre-Atlantique, la filière bovine espère une issue positive après 25 ans de négociations, voyant dans cet accord une opportunité économique majeure. Reportage de notre correspondant au plus grand marché de bétail d'Argentine, le marché de Cañuelas.  À lire aussiMercosur, un accord est-il inévitable ?

28/01/2025 • 02:30

Donald Trump a déclaré que la propriété et le contrôle américain du Groenland étaient essentiels à la sécurité nationale. L’île Arctique occupe en effet une position géopolitique unique. Le réchauffement climatique est en train d’ouvrir de nouvelles routes maritimes et la fonte des glaces dévoile petit à petit les trésors de son sous-sol, minerais critiques et terres rares. De notre correspondante à Nuuk,Quand on survole le Groenland en avion, on aperçoit des étendues de glace à l’infini. Et pour cause : une gigantesque calotte glaciaire recouvre 80% du territoire. Alors que peut bien vouloir Trump de cette immense terre gelée ? Qupanuk, inuite et ingénieure minière de l’île Arctique a son explication : « La raison pour laquelle il dit qu'il veut acheter le Groenland et que son fils visite le Groenland, c’est juste pour montrer qu'il est là, c'est juste une manière politique et tactique d'éloigner la Chine et la Russie du Groenland en déclarant "Je suis ici, c’est mon territoire" ». Donald Trump le sait bien, sous ces épaisses couches de neige et de glace repose un petit trésor géologique sur le point d’être révélé au grand jour, car au Groenland, la glace fond aujourd’hui six fois plus vite que dans les années 1980. « Nous avons beaucoup de minéraux, le Groenland est comme un paradis pour les géologues, nous avons des terres rares, nous avons de l'or, nous avons du fer, nous avons des diamants, des rubis, du titane, du zinc, du plomb… Sérieusement, nous avons de tout ».À écouter aussiImage carrée Reportage international Groenland: Trump, l’allié improbable des indépendantistesCe jour-là, une journée portes ouvertes se tient à l'Institut des ressources naturelles du Groenland. Les habitants viennent en famille pour découvrir et en apprendre davantage sur les ressources de leurs terres. Beaucoup veulent parler avec Majken Djurhuus Poulsen, première géologue groenlandaise. Devant elle, des dizaines de roches différentes sont exposées. Elle en pioche une multicolore. « Ça, c'est une terre rare par exemple. Elle vient d’un des plus gros gisements que nous possédons dans le sud du Groenland. C’est même l’un des plus grands au monde ». Ce minéral est indispensable à la transition écologique enclenchée par de nombreux pays dans le monde. Il est utilisé dans la fabrication de toutes sortes d'appareils électroniques de notre quotidien, notamment les fameuses voitures électriques d’Elon Musk.Le Groenland, terre gelée, devient une terre de conquêteAu centre de recherche sur l'Arctique, ce jour-là, on trouve aussi Pénélope Ruth How, glaciologue et climatologue. Devant elle, une carte du Groenland sur laquelle elle pointe la face nord-ouest du territoire. C’est cette zone précise qui intéresse également Donald Trump. Avec la fonte des glaces, ce passage au nord du Canada, infranchissable il y a quelques années, commence à devenir accessible durant la courte période de l'été, entre fin juillet et mi-septembre. « Ça ouvre beaucoup de possibilités, mais remet aussi en cause la sécurité dans l’Arctique ».La Russie et la Chine manifestent un intérêt croissant pour l’Arctique. Les deux pays y construisent des infrastructures et investissent dans des projets miniers. Contrôler ce nouveau passage maritime ainsi que le territoire tout entier serait donc un moyen pour les États-Unis de contrer ces deux grandes puissances. Un moyen aussi d’assurer ses arrières militaires et de protéger la base américaine de Thulé, cruciale pour la surveillance et haut lieu de sécurité, avec des systèmes de défense antimissile. À lire aussiDonald Trump veut-il sérieusement rattacher le Groenland aux États-Unis?

27/01/2025 • 02:26

C’est devenu le site touristique le plus visité de Pologne. Le camp d’Auschwitz-Birkenau accueille chaque année près de deux millions de visiteurs, venus découvrir ce qui demeure le symbole de la Shoah. Un pèlerinage rendu possible grâce à une équipe de guides au métier hors du commun, qui ont fait de la transmission de l’histoire de la Shoah leur métier. De notre envoyé spécial à Auschwitz,« Cette partie est devenue le secteur des femmes, et vous connaissez au moins un témoignage d’ici. Le témoignage de madame Simone. »Au cours de ses 27 ans de carrière, Dorota a guidé plusieurs milliers de touristes au cœur du tristement célèbre camp d’Auschwitz-Birkenau. Chaque jour, elle enchaîne des visites de trois heures et demie, en répétant inlassablement l’horreur de la Shoah face aux visiteurs. « Parfois, il y a des journées difficiles. Imaginez quelqu’un qui a perdu toute la famille ici, il y a beaucoup de mauvaises émotions qui se retrouvent sur nos épaules. Alors après une telle visite, on a besoin de temps pour se détacher de ce lieu, de ce sujet. Je pense que tout le monde ne pourrait pas être guide ici, et enseigner aux visiteurs et rester longtemps ici. »À écouter aussiAnniversaire de la libération du camp d'Auschwitz: comment la Shoah est-elle enseignée?Un public de moins en moins sensibiliséAvec le temps, elle a vu évoluer non seulement le profil, mais aussi le comportement des visiteurs. Face à un public parfois moins respectueux de l’histoire de l’Holocauste, elle reconnaît que les guides ont dû adapter leur discours jusqu’à déborder de leur fonction première. « La fonction des guides a évolué, nous sommes parfois enseignants, parfois psychologues, pédagogues. Mais nous sommes aussi là pour protéger le site, pour dire que tel ou tel comportement est incorrect, pour parler du respect, ou pour réprimander des gens qui font des choses à ne pas faire ici. »Au total, le musée compte 320 guides venus de tous horizons qui animent des visites dans vingt langues différentes. Âgés de 25 à 70 ans, les collègues de Dorota sont tous des passionnés d’histoire dont certains ont un autre travail à côté. Tomasz Michaldo, en charge de leur recrutement, leur impose les jalons de la visite, tout en leur laissant la possibilité de la personnaliser.Tomasz lui-même s’efforce d’ailleurs de raconter celles des survivants qu’il a rencontrés en personne, et dont certains ont disparu aujourd’hui : « C’est sûr qu’être guide à Auschwitz, ça n’est pas un travail classique que n'importe qui pourrait faire. Mais il me semble qu’il n’y a pas un seul bon moyen universel pour gérer l’expérience que constituent ces visites. Je dirais que 5 à 6% de ceux qui commencent à travailler avec nous finissent par démissionner. »En cause, une charge émotionnelle trop intense pour les moins aguerris. Fort de quinze ans d’expérience, Tomasz se fait un devoir de transmettre cette histoire, dont il ne restera bientôt plus aucun témoin.À lire aussiCommémorations d'Auschwitz: vives critiques suite à la décision polonaise sur les dirigeants israéliens

26/01/2025 • 02:33

Chemnitz en Saxe dans l'Est de l'Allemagne est depuis quelques jours capitale européenne de la culture pour 2025. La ville a organisé pour les douze prochains mois un programme ambitieux de manifestations avec les communes de la région pour faire mieux connaître une partie de l'Allemagne peu connue et dont la réputation n'est pas la meilleure. « Chemnitz, capitale européenne de la culture 2025, est lancée ». Sur la scène, devant l’énorme tête de Karl Marx qui a donné son nom à la ville sous la RDA communiste, le président Steinmeier donnait il y a une semaine le coup d’envoi d’une année de festivités avec 225 projets et 1 000 événements à Chemnitz et dans les 38 communes de la région. Ce titre de capitale européenne de la culture pour Chemnitz, décroché en 2020, n’allait pas de soi, comme se le rappelle Martin Bauch : « C'était une grande surprise. À côté des autres grandes villes qui ont candidaté, on ne s'est pas attendu à ça. Ça peut vraiment donner un coup de pouce pour que l'on puisse être plus fier de notre ville ». Il est vrai que Chemnitz n’était pas favorite. La ville au riche passé industriel, autrefois baptisée le « Manchester saxon », vit aujourd’hui dans l’ombre de ses voisines, Dresde et Leipzig. Détruite à 80% durant la guerre, le régime est-allemand y a construit une ville nouvelle, avec des tours et des barres peu glamours, rebaptisée Karl-Marx-Stadt.À lire aussiAllemagne: Chemnitz, capitale européenne de la culture 2025, veut changer d'imageUne ville anti-migrantsChemnitz avait été le théâtre d’une chasse aux migrants en 2018 dont l’écho médiatique négatif avait été mondial. Khaldun Al Saadi participe au projet de centre de documentation sur les crimes du groupe néo-nazi NSU qui doit ouvrir en mai à Chemnitz : « La ville a montré qu’elle est prête à se confronter à l’extrémisme de droite. Cela nous donne du courage, car il y a aussi ici des personnes qui voient ça différemment ».À écouter aussiA Chemnitz, l’extrême droite maintient la tensionL’extrême-droite rejette ce projet Dans un discours de l’extrême-droite qui manifestait le week-end dernier, elles réclament : « Ce sont des projets soutenus avec 100 millions d’euros. C’est de l’argent dont on nous prive. C’est une honte ». 35 ans après la réunification, Chemnitz veut se donner une nouvelle image, se faire mieux connaître et reconnaître, redonner confiance à une population qui a subi des transformations difficiles depuis la chute du mur. Le week-end dernier, l’heure était à la fête : « Nous sommes heureux d’être capitale européenne de la culture. C’est un bel événement. C’est sympa que Chemnitz donne une image positive au lieu d’infos négatives ». À écouter aussiExtrême droite, récession : les grandes peurs allemandes

25/01/2025 • 02:33

C'est l'un des événements sportifs de ce début d'année en France et en Europe. La plus grande ligue de basket a délocalisé deux rencontres régulières à Paris. Pour assister à l'un des deux matchs, les 16 000 spectateurs de l'Accor Arena ont dû casser leur tirelire : environ 350 euros la place en moyenne. Un prix inaccessible pour la plupart des passionnés de basket américain, qui sont en revanche de plus en plus connectés aux contenus proposés par la National basket-ball association (NBA). Chaque jeudi soir, après l'entraînement, les joueurs d'un petit club de basket-ball de l'est parisien se retrouvent autour d'un verre. Cette semaine, le planning n'a pas changé : ils n'assisteront pas à la rencontre des San Antonio Spurs contre les Indiana Pacers, une des deux affiches de saison régulière de NBA exceptionnellement délocalisées en France. Tous confient avoir espéré une offre plus accessible. « Ils auraient au moins pu faire quelque chose pour les licenciés de la fédération de basket », regrette l'un d'entre eux.Ces deux matchs de NBA offrent aux spectateurs européens des horaires plus confortables pour suivre ces rencontres. Car c'est aussi le décalage horaire qui rend les matchs de basket-ball américain plus difficiles à suivre. « Quand tu es au chômage, c'est facile, parce que tu peux mater le match le lendemain matin. Mais évidemment, quand tu travailles de 9 heures jusqu'à 18h30, c'est compliqué de regarder les matchs. Mais si tu es un vrai passionné, tu peux mater un match par semaine, en général. Moi, c'est mon rythme. J'ai oublié qu'il y a aussi le dimanche soir, c'est un match qui commence à 20h30. Donc là, c'est abordable pour nous, on peut regarder. Tu peux aussi suivre sur Instagram, tu peux voir tous les résumés, les meilleures actions d'un match… », détaille Fabien, grand passionné de basket américain. Délocaliser ne suffira pas pour conquérir un nouveau public. Adam Silver, patron de la NBA, l'a bien compris : « Je pense que la NBA en Europe se développera en grande partie par le biais de diverses formes de médias. Nous parlons de délocaliser plus de matchs en Europe, mais ce n'est pas extensible. Ce n'est rien par rapport à notre public mondial : deux milliards de personnes sur la planète consomment la NBA d'une manière ou d'une autre au cours d'une année. »Selon lui, les réseaux sociaux permettent de cultiver l'intérêt pour les matchs. Contrairement à la plupart des ligues de football, qui verrouillent les contenus, la ligue nord-américaine adopte une stratégie inverse. « Les technologies de diffusion en continu nous permettent de personnaliser les flux, consommateur par consommateur, fan par fan. Si je veux regarder les matchs des Spurs et Wembanyama et voir tout ce qu'il fait pendant ce match, c'est possible », détaille le dirigeant américain.George Eddy aurait eu du mal à imaginer ça, il y a 40 ans, quand il est devenu la voix du basket en France, puis en Afrique sur la chaîne Canal+. « Quand on compare avec les premiers matchs que j'ai faits dans les années 1980, c'étaient des matchs qui étaient joués deux semaines auparavant et diffusés en différé. Maintenant, il y a des matchs tous les jours. C'est une prolifération, grâce à internet et à la communication moderne. La NBA en profite pleinement et la France aussi », se réjouit le journaliste sportif.Illustration avec ce contrat faramineux que vient de signer la NBA avec Disney et Amazon : 76 milliards de dollars au total pour les droits télévisés aux États-Unis ces 11 prochaines années.À lire aussiBasket: le Français Victor Wembanyama porte-étendard de la NBA à Paris

24/01/2025 • 02:29

En Syrie, les 13 années de conflit ont entraîné un effondrement des infrastructures électriques. Depuis le début de la guerre civile, l'approvisionnement en électricité est tombé à moins de 25% du niveau d'avant-guerre. Les coupures de courant sont fréquentes, et la majorité de la population ne vit qu'avec deux heures d'électricité par jour. Rétablir le courant est l'une des priorités du nouveau gouvernement de Damas. La lumière vacille, tremble puis s'éteint. Sous l'unique ampoule, ils sont une quinzaine, réunis autour d'un poêle, installés dans le salon de la famille Alomr. L'aînée, Fatima, explique qu'ils n'ont plus d'électricité après 21 heures, malgré le panneau solaire installé sur le toit. Quatre ans d'économies ont été nécessaires pour se l'acheter, mais l'électricité ainsi générée n'est pas suffisante pour avoir du courant toute la journée.« Étudier et faire la lessive sont les deux choses les plus compliquées, estime Fatima. Les coupures de courant sont constantes ici. C'est aussi très difficile d'avoir de l'eau, car l'électricité n'est pas assez puissante pour faire fonctionner la pompe. »Une fois l'obscurité, chacun sort de sa poche un briquet, au bout duquel une petite lumière est intégrée. Ce sera l'unique source de lumière dont ils disposeront ce soir. « Nous l'utilisons uniquement pour que la famille puisse se réunir et se voir avec un éclairage adéquat. Nous sommes habitués. C'est comme ça depuis 2014, ou 2015, depuis le début de la guerre ici », selon la jeune femme.Dans ce quartier, le plus pauvre d'Alep, toutes les familles sont concernées. Karm Al Jazmati, c'est son nom, a longtemps été le théâtre de violents combats entre les rebelles et l'armée de Bachar el-Assad. La centrale électrique d'Alep, l'une des plus grandes de Syrie, a été endommagée, et seules deux turbines sur cinq fonctionnent désormais. « À cause des bombardements. La station a été bombardée », explique Emad Abo Ali, le manager du complexe.Sur ses parois, des impacts de shrapnels rappellent la guerre civile récente. Cette centrale a été tenue par le groupe État islamique entre 2013 et 2016 avant d'être reprise par le régime. « La station a été complètement vandalisée puis sabotée par les deux camps. L'État islamique l'a d'abord saboté en partant. Ensuite, le régime a recommencé en arrivant. Regardez les transformateurs, regardez l'état de cette station ! Tout a été volé, le cuivre, les câbles, tout », se désole le manager.L'objectif du nouveau gouvernement de Damas est de faire passer la production d'électricité de 1 200 à 7 000 mégawatts. La compagnie nationale d'électricité a annoncé début janvier que le Qatar et la Turquie allaient envoyer deux navires pour produire de l'électricité. « Notre principal objectif aujourd'hui est que la situation s'améliore, afin que l'électricité soit disponible non plus deux heures, mais huit par jour, indique Mahmoud El-Ahmad, directeur général de la compagnie dans la région d'Alep. La deuxième étape consistera à réhabiliter les centrales électriques afin d'augmenter la quantité d'énergie disponible. »Longtemps, les sanctions imposées au régime de Bachar el-Assad ont compliqué l'importation de pétrole. Pour que le courant reparte, le nouveau pouvoir en réclame la levée. D'après Mahmoud El-Ahmad, de premiers accords sont en cours de négociation : « Le gaz sera acheminé par un gazoduc appelé gazoduc euro-arabe, qui traversera la Jordanie. Le carburant sera, lui, acheminé par voie maritime depuis des pays pétroliers. »Pour l'heure, les plus importants champs pétroliers et gaziers du pays sont situés dans la région autonome kurde. Ils échappent ainsi au contrôle du pouvoir central. L'électricité, vitale pour la reconstruction du pays après 13 années de guerre, sera un enjeu décisif des négociations avec les Kurdes dans les prochaines semaines.À lire aussiSyrie: les habitants d'Idleb à nouveau libres de voyager et revoir les familles, «un rêve de retourner sur la route»

23/01/2025 • 02:36

Il y a cinq ans jour pour jour, le 23 janvier 2020, la Chine annonçait à Wuhan le premier confinement à cause d'une maladie à coronavirus, alors un virus inconnu, qui sera baptisée plus tard Covid-19. On ne fait mention nulle part en Chine de cet anniversaire. Mais à Wuhan, les stigmates demeurent.  Avec notre correspondante à Wuhan, Clea Broadhurst avec la collaboration de Chi XiangyuanLa vie a repris son cours à Wuhan, dans la province du Hubei, au centre de la Chine. Mais, interrogés sur le premier confinement dû au Covid-19, les habitants se souviennent, parfois dans la douleur, « des mois les plus difficiles de [leur] vie », comme nous le dit Tang.« Au début, ce n'était pas grand-chose, mais plus les rumeurs se répandaient, plus elles devenaient exagérées et on se sentait tous à cran, se remémore l'homme, qui tient un petit magasin près du marché de fruits de mer Huanan. Dire que le marché est à l'origine de toutes ces infections, c'est complètement absurde. Des rumeurs circulaient même sur le fait que les gens d'ici mangeaient des chauves-souris ! Aucune preuve, juste leur imagination débordante. » Ils sont nombreux, parmi les passants interrogés par RFI, à dire que le marché de la ville a été blâmé à tort.À l’époque, ce qui comptait pour eux, c’était de survivre, explique Yue, un chauffeur de taxi. « À Wuhan, causer des ennuis, c'est comme demander la mort, se souvient-il. L'approche était la suivante : "Mieux vaut arrêter à tort que laisser passer quelqu'un." Sur TikTok, on regardait des vidéos de Pékin ou de Shanghai où des gens disaient : "Je veux sortir, je viens d'outre-mer, je veux juste faire un jogging", et la police restait là, à essayer de les raisonner. Mais des vidéos similaires à Wuhan ? Non. Si vous osiez faire quelque chose comme ça, c’était chercher les ennuis. »Le nombre de victimes est une incertitude qui demeure, souligne Li, qui affirme ne pas savoir « combien de personnes sont mortes, car il n'y a pas eu de bilan officiel. Les critères pour les statistiques étaient très stricts. Par exemple, on ne comptait que les personnes officiellement diagnostiquées et décédées à l'hôpital. Et encore, il fallait mourir dans un service spécifique ou dans une zone désignée pour être pris en compte. Les crématoriums fonctionnaient 24 heures sur 24, sans interruption. Wuhan comptait quatre crématoriums, qui fonctionnaient tous sans interruption. S'ils brûlaient un corps toutes les demi-heures… je vous laisse faire le calcul ».Aujourd’hui, les habitants de Wuhan veulent tourner la page, oublier à quel point leur ville a pu être silencieuse. Pour Dang, cela a aussi révélé la persévérance des habitants : « Tout le monde était uni dans la lutte contre la pandémie. Les personnes âgées, les jeunes, on faisait tous preuve de patience. L'esprit d'entraide, les bonnes actions sans se soucier du profit personnel se sont renforcés. C’est toujours le cas aujourd'hui. »Wuhan tente de reprendre du poil de la bête, voulant à tout prix laisser derrière elles les stigmates de cette période douloureuse.À lire aussiChine: cinq ans après l'annonce du premier mort du Covid-19 à Wuhan, les stigmates demeurent

22/01/2025 • 02:34

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