Info ou intox ? Chaque semaine, RFI épingle une de ces tentatives de manipulation de l’information, pour en expliquer les ressorts. Vous souhaitez que «Les dessous de l'infox» vérifie la véracité d'une déclaration, d'une photo ou d'une vidéo... qui circule sur les réseaux sociaux, joignez-nous sur notre numéro WhatsApp + 33 6 89 07 61 09.
Après une escalade militaire ayant provoqué la mort de plus de 70 personnes, l’Inde et le Pakistan ont convenu d’un accord de cessez-le-feu le samedi 10 mai 2025. Si les armes se sont tues, la guerre de l’information, elle, se poursuit entre New Delhi et Islamabad. D’un côté comme de l’autre, des comptes de propagande continuent de diffuser massivement des fausses informations afin de présenter leur pays comme le vainqueur de cette confrontation. À l’instant où le cessez-le-feu aérien, terrestre et maritime a été annoncé, la bataille numérique entre l’Inde et le Pakistan n’a pas baissé en intensité. Au contraire, les comptes de propagande ont rapidement réorienté leurs narratifs autour de deux axes : la glorification de l’action de leur armée et l’humiliation de l’adversaire. Pour y parvenir, différents modes opératoires sont employés, du simple montage photo au deepfake sophistiqué.La guerre des deepfakesÀ ce jour, de nombreux politiques indiens et pakistanais en ont fait les frais, à commencer par le Premier ministre indien, Narendra Modi. Dans une vidéo d’une minute et treize secondes, on pense l’entendre présenter ses excuses, en hindi, au peuple indien : « Le Pakistan nous a complètement détruits. Notre économie s’effondre. Aucun investissement n’est à venir. Les marchés sont déserts. (...) Nous avons essayé de faire la guerre. Mais maintenant, nous réalisons que nous avons commis une grave erreur. Je présente mes excuses ». En réalité, Narendra Modi n’a jamais tenu ces propos.Cette vidéo a été générée via l’intelligence artificielle. L’analyse visuelle du mouvement de ses lèvres, ainsi que les détecteurs d’IA que nous avons utilisés, le confirment. C’est un deepfake, un hypertrucage audio et visuel. La voix du Premier ministre indien a été fabriquée de toutes pièces. À noter que le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur indien ont également été ciblés par ce type de deepfake.Côté Pakistanais, c’est le porte-parole de l’armée qui en a été victime. En effet, une vidéo artificielle du général Ahmed Chaudhry a semé le trouble sur les réseaux sociaux. Durant une minute et trente-et-une secondes, on croit l’entendre reconnaître la perte de « deux avions Chengdu JF-17 ». Sauf qu’une nouvelle fois, il s’agit d’un deepfake. Ahmed Chaudhry n’a jamais prononcé un tel discours.L'extrait provient d’une conférence de presse de l’armée pakistanaise tenue le 27 décembre 2024, soit bien avant l’escalade militaire avec l’Inde. Quelqu’un a fourni ces images à une IA pour manipuler le discours du porte-parole de l’armée.La bataille des chiffresCette infox ciblant le porte-parole de l’armée pakistanaise est le symbole de la guerre des chiffres qui se joue actuellement entre les deux pays. Chaque camp publie quotidiennement des bilans concernant les supposées destructions matérielles et humaines infligées à l’adversaire.Ces données sont impossibles à vérifier de façon indépendante à ce stade. Mais pour donner de la crédibilité à ces chiffres, la propagande pro-pakistanaise a détourné l’identité de plusieurs médias occidentaux. Une infographie avec le logo de CNN affirme par exemple que l’Inde aurait notamment perdu 6 avions de combats, 553 drones et un système de défense antiaérien S400. Sauf qu’en réalité, le média américain n’a jamais publié ce tableau comparatif.Contacté par le média de vérification, Logically Facts, un porte-parole de CNN, a confirmé que « cette image est fabriquée. CNN n'a jamais relayé cette information ».Dans la même veine, un article à la gloire de l’armée de l’air pakistanaise et attribué au Daily Telegraph circule ces derniers jours sur la toile. Mais là encore, c’est une fausse information. Le Daily Telegraph n’a jamais publié une telle information.
16/05/2025 • 03:20
L’escalade militaire entre l’Inde et le Pakistan va-t-elle s’arrêter ? Les attaques entre les deux voisins se sont encore intensifiées ces dernières heures. Le dernier bilan, publié ce jeudi 8 mai, fait état de 16 morts civils côté indien, 32 morts côté pakistanais. Ces affrontements, les plus graves depuis deux décennies, s’accompagnent d’une véritable guerre de l’information. Une bataille numérique qui a pris le dessus sur les faits. Sur les réseaux sociaux, des centaines de comptes pro-indiens et pro-pakistanais s’affrontent à coups d’infox et de message de propagande. Résultat, si vous cherchez à vous informer sur la situation en cours sur X, Facebook, TikTok ou Instagram, vous allez obligatoirement être confrontés à de fausses informations. C’est simple, lorsque l’on tape Inde ou Pakistan, les premières images qui sont mises en avant par les plateformes sont fausses ou sorties de leur contexte.Des images issues de jeu vidéoL’un des exemples le plus marquant est une vidéo vue plusieurs dizaines de millions de fois ces derniers jours. On y voit un canon antiaérien au sol, essayant d’abattre des avions de combat. La légende évoque « un avion de chasse pakistanais Chengdu JF-17 abattu par la défense sol-air indienne ».Sauf que ces images ne sont pas réelles. Vérification faite, cet extrait est issu d’Arma 3, un jeu vidéo de simulation militaire ultra-réaliste, régulièrement détourné pour partager de fausses images en temps de guerre.D’autres images de ce même jeu sont partagées par des comptes pro-pakistanais pour illustrer, à tort, la destruction d’un Rafale de l'armée de l'air indienne dans le ciel pakistanais.Pour se rendre compte de la supercherie, il faut observer attentivement les fumées, les flammes et les explosions qui ne collent pas avec la réalité. Ces éléments sont encore difficiles à générer numériquement.Détournement d’images de guerreAu-delà des images issues de jeu vidéo, les images sorties de leur contexte pullulent sur la toile. Alors que nous sommes en plein brouillard de guerre et que les documents authentiques se font rare, le besoin de mettre des images sur ce qu’il se passe sur le terrain pousse des utilisateurs à recycler de vieilles images. Raison pour laquelle des vidéos filmées dans la bande de Gaza, au Yémen, ou au Liban sont diffusées en masse pour illustrer, à tort, la situation entre l’Inde et le Pakistan.L’IA sème le troubleÀ tout cela s’ajoute également les images générées par intelligence artificielle. Une vidéo montrant la carcasse d’un avion de chasse soulevée par un hélicoptère et une image satellite censée montrer des rafales ont fait le tour des réseaux sociaux en milieu de semaine. En réalité, pourtant, ces images ont été générées par une intelligence artificielle.À noter aussi que sous de véritables images, certains comptes de propagande sèment le trouble en affirmant, à tort, qu’elles auraient été produites par une IA.Une désinformation dangereuseCette désinformation de masse est particulièrement nocive. D’abord, car tous ces faux documents invisibilisent les quelques vraies images de ce conflit. L’analyse des commentaires montre, de plus, que ce flot continu d’infox altèrent les perceptions et radicalisent les esprits.À lire aussiInde-Pakistan: la désinformation attise les tensionsCette bataille numérique entre l’Inde et le Pakistan, est un énième exemple, que chaque guerre sur le terrain s’accompagne aujourd’hui d’une intense guerre numérique, dans laquelle chaque camp tente d’imposer sa mise en récit, au détriment de l’information fiable et vérifiée.
09/05/2025 • 03:29
Au Sénégal, la présence militaire française agite les réseaux sociaux cette semaine. Alors que le désengagement des éléments sur place est en cours, une rumeur mensongère circule à propos d’un convoi militaire français qui aurait récemment quitté Dakar. En réalité, cette fausse information repose sur des images sorties de leur contexte. C’est notre rédaction à Dakar qui a lancé l’alerte. À en croire plusieurs messages mensongers publiés sur les réseaux sociaux, un convoi de véhicules militaires français aurait quitté Dakar ce lundi 28 avril 2025, escorté par l’armée sénégalaise. La rumeur a d’abord été diffusée par un portail d’information en ligne, avant de se répandre dans la presse locale et d’être poussée par des comptes de propagande. Des médias russes, comme RT, ont également repartagé l’infox.La vidéo censée documenter ce départ dure une trentaine de secondes. Elle est intitulée, « les premiers Éléments Français au Sénégal quittent Dakar ». On y voit une colonne de quinze véhicules progressant dans le trafic. On y retrouve notamment des camions de transports, plusieurs 4×4 ainsi qu’un blindé de reconnaissance.Notre rédaction à Dakar a géolocalisé précisément ces images, filmées sur l’autoroute A1, au niveau du Croisement Cambérène.Un convoi néerlandaisVérification faite, cette vidéo ne montre pas un convoi de l’armée française. Le blindé de reconnaissance visible en queue de peloton est un Fennek. Ce véhicule, de conception néerlando-allemande, ne figure pas dans l’arsenal français.Des sources militaires haut placées, contactées par RFI, confirment qu'il s'agit d'un convoi néerlandais présent dans le cadre de l’exercice « African Lion 2025 ». Cet entraînement militaire, supervisé par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique, a débuté mi-avril. Au total, plus de 10 000 soldats de 40 pays différents sont mobilisés en Tunisie, au Maroc, au Ghana, mais aussi, au Sénégal. Des soldats ivoiriens, mauritaniens, néerlandais, américains et sénégalais sont présents au pays de la Teranga.Des soldats français photographiés à Gao en 2021D’autres images sorties de leur contexte circulent également sur les réseaux sociaux à propos du désengagement français. Plusieurs internautes illustrent ce supposé départ du 28 avril 2025 avec une photo montrant une dizaine de militaires français, sacs sur le dos et masques chirurgicaux sur le visage, en train de monter dans la soute d’un avion de transport. Mais dans les faits, cette image n’a rien à voir avec le désengagement en cours au Sénégal.Grâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), on sait que ce cliché montre des soldats français de la force Barkhane, embarquant à bord d'un avion C130 de l'US Air Force, à Gao, au Mali, le 9 juin 2021.La réalité du désengagementSi ces images sont diffusées à des fins de désinformation, le désengagement des éléments français au Sénégal, initié en 2025, est bien une réalité. La commission franco-sénégalaise s’est réunie pour la première fois, le 28 février 2025, pour établir le calendrier et les modalités de remise à disposition des emprises utilisées par les Éléments français au Sénégal. Contrairement à ce qu’écrivent certains articles de presse, les installations des quartiers Maréchal et Saint-Exupéry ont par exemple déjà été restituées, au mois de mars dernier.L’opération devrait s’achever entre juillet et août. « Reste à savoir, confie une source militaire, quel niveau d’ambition pourrait revêtir la forme du partenariat rénové, en matière de défense et de sécurité, entre la France et le Sénégal ».
02/05/2025 • 03:12
Ces derniers jours, l’euro, partagé par vingt pays de l’Union européenne, est la cible d’une vaste campagne de désinformation sur les réseaux sociaux. Alors que la Banque centrale européenne (BCE) ambitionne d’émettre une monnaie virtuelle dans les prochaines années, certains évoquent, à tort, l’interdiction de l’argent liquide en France et la fin de la zone euro. Ces fausses informations, diffusées principalement sur TikTok, cumulent des millions de vues. À en croire une vidéo mensongère devenue virale sur TikTok cette semaine, la France aurait décidé « de quitter la zone euro pour utiliser le franc CFA ou retourner au franc ». Cette fausse information repose sur un montage composé de plusieurs extraits de journaux télévisés, attribués aux chaînes de télévisions françaises M6 et BFM TV. Cette vidéo, vue plus de 4 millions de fois sur les réseaux sociaux, suscite beaucoup d’interrogations, notamment sur le continent africain.Dans les commentaires, plusieurs internautes pointent, à raison, plusieurs incohérences. Un extrait présente par exemple Mariano Rajoy comme l’actuel chef du gouvernement espagnol, alors qu’il a quitté ses fonctions en 2018. De même, Angela Merkel est présentée comme la chancelière allemande. Or, elle a été remplacée en 2021 par Olaf Scholz.Des journaux fictifs réalisés en 2012En réalité, ces journaux sont sortis de leur contexte. À l’aide d’une recherche avec les mots-clés « M6 » « BFM TV » et « sorti de l’euro », on retrouve rapidement leur trace en ligne. Dans les faits, il s’agit de journaux fictifs réalisés en 2012, en pleine campagne présidentielle. La sortie de l’euro, argument poussé par le Front National de Marine Le Pen, était, à l’époque, au cœur de l’actualité. M6 et BFM TV avaient alors fait le choix de simuler le retour au franc qui n’aura finalement jamais eu lieu.Ce n’est pas la première fois que cette fausse information circule. Chaque année, ces vieux journaux fictifs refont surface sur les réseaux sociaux, au gré de l’actualité économique. Des comptes de désinformation les diffusent pour faire des vues et semer le trouble.L’argent liquide bientôt interdit ?Dans la même veine, une vidéo partagée cette semaine sur TikTok affirme, à tort, qu’une loi viendrait tout juste d’être votée en France pour interdire les espèces.Une nouvelle fois, tout est faux. Nous avons vérifié dans le Journal officiel, et aucune loi de ce type n’a été promulguée en avril. Cette infox détourne en fait le projet d’euro numérique voulu par la Banque centrale européenne et qui génère beaucoup de fantasmes.D’après les documents officiels de la BCE, l’euro numérique n’est pas destiné à remplacer l’argent liquide, mais à proposer une forme complémentaire de paiement. Si la carte bancaire est aujourd’hui le moyen de paiement le plus utilisé en France, plus d’un français sur deux estime qu’il est important de pouvoir payer en espèce.
25/04/2025 • 03:07
Au Mali, la crise diplomatique avec l’Algérie s’enlise. Les relations entre les voisins se sont dégradées après la destruction d’un drone malien par l’armée algérienne à Tinzaouatène, dans la nuit du 31 mars au 1ᵉʳ avril. Dans ce contexte, de nombreuses infox circulent sur les réseaux, notamment à propos des capacités militaires des deux pays. La dernière rumeur affirme, à tort, que l’armée malienne aurait reçu des avions de combat ultra-modernes fabriqués en Russie et aux États-Unis. À en croire des dizaines de vidéos mensongères sur TikTok, l’armée malienne viendrait de « recevoir plusieurs modèles du célèbre F-35 américain ». Cet avion de combat furtif multirôle de 5ᵉ génération figure aujourd’hui parmi les chasseurs les plus performants au monde. En réalité, l’armée malienne ne dispose pas de ce type d’appareils.Cette fausse information repose sur une vidéo de deux minutes montrant un convoi militaire filmé à la sortie d’une autoroute. Les visages d’Assimi Goïta et de Vladimir Poutine sont apposés sur ces images. Rapidement, on constate plusieurs incohérences. D’abord, le F-35 est un avion de fabrication américaine, et non russe, comme le suppose l'auteur de cette publication. Ensuite, le convoi ne comporte que des véhicules terrestres, notamment des blindés de reconnaissance de type Fennek. De plus, l’environnement, la végétation et les panneaux de circulation ne correspondent pas au paysage malien.Un convoi filmé en AllemagneGrâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), on sait que ces images ont été filmées en Allemagne et diffusées sur YouTube en novembre dernier.La légende parle du 8ᵉ bataillon de reconnaissance de Freyung sur la route vers le centre d'entraînement de Colbitz, dans le nord-est du pays. Ce que nous avons pu vérifier en géolocalisant précisément la scène grâce à des outils de cartographie satellite comme Google Maps ou Yandex Maps.Des Soukhoï-35 à Bamako ?D’autres rumeurs évoquent aussi « l’arrivée au Mali de chasseurs russes Soukhoï-35 ». C'est ce qu’affirment, une nouvelle fois à tort, plusieurs vidéos vues des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Le mode opératoire est cette fois différent puisque l’infox repose ici sur le détournement de journaux de médias reconnus.Visuellement, la vidéo est coupée en deux. Sur la partie haute, des images d’un chasseur présenté comme un Soukhoï-35, mais qui est en fait un Eurofighter Typhoon, défile. Sur la partie basse, on y voit une journaliste en train de présenter un journal télévisé. Le tout est accompagné d’une voix générée par intelligence artificielle.Cette voix synthétique prétend reprendre les propos des journalistes visibles à l’image. Sauf qu’en réalité, les extraits utilisés n’ont aucun rapport avec le Mali ou des avions de combats. L’identité de France 24 et d’Africa 24 ont ainsi été usurpées dans le but de crédibiliser l’infox. Sur le fond, le Mali ne dispose ni de F35 ni de Soukhoï-35.Des comptes influents à la manœuvreÀ l’origine de cette désinformation, on retrouve différents comptes influents sur TikTok qui désinforment régulièrement sur les capacités militaires des pays du Sahel. Certaines de leurs vidéos atteignent des millions de vues, notamment dans le contexte actuel tendu avec l’Algérie. Leurs publications sont constamment reprises par des dizaines de comptes qui propagent ensuite l’infox sur d’autres plateformes, principalement Facebook et WhatsApp.
18/04/2025 • 03:24
Une semaine après la destruction d'un drone malien par l'armée algérienne à la frontière, la tension ne redescend pas entre Alger et Bamako. Les deux voisins ont respectivement rappelé leur ambassadeur et fermé leur espace aérien. Cette crise diplomatique sans précédent est alimentée par un flot de désinformation sur les réseaux sociaux. D’un côté comme de l’autre, des comptes influents soufflent sur les braises, en diffusant massivement de fausses rumeurs et images sorties de leur contexte. À en croire plusieurs vidéos mensongères publiées sur TikTok ces derniers jours, « des affrontements auraient eu lieu entre l’armée malienne et algérienne ». La dernière en date montre une colonne de chars d’assaut légers, progressant sur une piste en terre, entourée de végétation. Le commentaire, apposé sur ces images, affirme, à tort, que le Mali contrôlerait une partie de l’Algérie. En réalité, il n’y a pas eu d’affrontements entre les deux pays. Cette vidéo est sortie de son contexte.L’identification du matériel montre que les trois chars légers visibles sont des Stingray, des véhicules de fabrication américaine uniquement en service dans l’armée thaïlandaise. Raison pour laquelle cette vidéo a d’abord été diffusée sur YouTube, sur le compte d’un militaire thaïlandais. Il est donc impossible de voir ce type d’équipement au Mali ou en Algérie.Vidéos détournéesLes images ainsi sorties de leur contexte se comptent par dizaines ces derniers jours. Il suffit de taper « Algérie - Mali » sur les réseaux sociaux pour tomber très rapidement sur ce genre d’infox. L’une des plus consultées ces derniers jours prétend montrer des avions algériens, deux Soukhoï Su-30, volant en patrouille serrée dans le ciel malien.Grâce à une recherche par image inversée, on sait que la vidéo provient en réalité d’un reportage diffusé sur Arte, il y a plus de 13 ans, en 2012.Fausses rumeurs d’implications étrangèresÀ cela s’ajoutent également les fausses rumeurs d’implications étrangères. La Libye, la Mauritanie, le Niger ou le Burkina Faso sont régulièrement cités par des comptes habitués à désinformer sur la situation régionale. Plusieurs publications affirment notamment, sans aucune preuve, que le maréchal Haftar aurait envoyé des milliers de soldats libyens en soutien aux Forces armées maliennes.D’autres assurent aussi que l’Iran aurait fourni des drones suicides aux Fama, une nouvelle fois, sans en apporter la moindre preuve. Des fausses rumeurs similaires circulent par ailleurs côté algérien.Un écosystème de désinformationÀ l’origine de ce flot d’infox, on retrouve un écosystème de comptes suivis par des centaines de milliers de personnes, principalement sur TikTok. Certains s’affichent directement face caméra, d’autres se contentent de diffuser des montages vidéo mensongers. Leur influence repose presque intégralement sur la diffusion de fausses informations, spécifiquement à propos de la situation sécuritaire au Sahel et au Sahara.La dégradation des relations entre Bamako et Alger s’accompagne d’une véritable bataille numérique entre les comptes pro-maliens et pro-algériens. Le sujet suscite de l’engagement et représente donc pour eux une occasion inestimable de faire des millions de vues facilement et rapidement. Les commentaires des utilisateurs montrent que cet opportunisme alimente les tensions et radicalise les militants de chaque camp.
11/04/2025 • 03:17
En République démocratique du Congo, la situation reste tendue dans l’est, entre les rebelles de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda, et les Forces armées congolaises et leurs soutiens. Les affrontements se déroulent sur le terrain, mais aussi en ligne où la désinformation est omniprésente. Parmi ce flot d’infox, on retrouve des faux journaux de RFI. L’identité de la radio du monde a été plusieurs fois usurpée, dans le but de désinformer massivement la population. Si vous suivez la situation en RDC, ou que vous êtes membres de groupes congolais sur WhatsApp, vous avez probablement vu passer cet audio faussement attribué à RFI. Durant 4 minutes et 44 secondes, on y entend plusieurs voix synthétiques se succéder, comme dans un véritable journal radio. La première imite celle de notre journaliste au service Afrique, Arthur Ponchelet.S'ensuit celle de Corneille Nangaa, le coordinateur de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont fait partie le M23.Enfin, l’extrait se conclut sur une imitation de la voix de la correspondante de France 24 en RDC, Aurélie Bazzara-Kibangula.En réalité, RFI n’est pas à l’origine de ce contenu. Cet audio a été entièrement généré via l’intelligence artificielle. Les propos attribués aux trois interlocuteurs ont été fabriqués de toutes pièces. Ce contenu est faux sur la forme, mais aussi sur le fond, puisque contrairement à ce que l’on entend, Corneille Nangaa n’a ni annoncé qu’il déposait les armes, ni demandé des excuses ou une grâce présidentielle.Une infox virale sur WhatsAppD’après nos recherches et les alertes de plusieurs auditeurs, ce faux journal de RFI a d’abord été diffusé sur WhatsApp dans différents groupes congolais. Plusieurs comptes se présentant comme des médias en ligne l’ont ensuite repartagé sur TikTok, Facebook, YouTube et X. Aujourd’hui, l’infox circule sous différentes formes avec divers visuels qui usurpent l’identité de RFI.RFI cible prioritaireCe n’est pas le premier faux extrait de RFI qui circule en République démocratique du Congo. Début mars, un audio siglé RFI affirmait que Félix Tshisekedi allait « démissionner après un accord historique entre Kinshasa et le M23 ». Mais là encore, cette infox avait été générée par intelligence artificielle. Ce type de manipulation se multiplie ces derniers mois et touche différents médias internationaux.Distinguer le vrai du fauxLe meilleur moyen de s’assurer de l’authenticité d’un contenu attribué à RFI est de consulter directement notre site internet ou nos réseaux sociaux officiels. Si l’audio ou l’article en question n’y figure pas, alors c’est un faux.En étant vigilant et observateur, on peut également se rendre compte de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Dans le cas de ce faux journal, plusieurs utilisateurs ont pointé le ton robotique et la mauvaise qualité sonore. Mais au moindre doute, le réflexe à adopter reste de remonter à la source.
04/04/2025 • 03:16
C’est un phénomène à la mode sur les réseaux sociaux : les musiques générées par intelligence artificielle. Le mode opératoire est simple, la voix d’un artiste mondialement connu est détournée pour chanter à la gloire d’un chef d’État. Ce phénomène monte en puissance sur le continent africain, et n’épargne aucune personnalités. Ces dernières semaines, presque toutes les stars du rap et du RnB ont été victimes de ce phénomène. Les voix de Beyoncé, Aya Nakamura, 50 Cent, Drake ou encore Ninho ont notamment été manipulées. Côté personnalités politiques, la plupart des chefs d’État africains ont eu le droit à leur musique artificielle : le Béninois Patrice Talon, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye ou encore le Guinéen Mamadi Doumbouya. Le dernier son en date, publié cette semaine, cible le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré.Cette voix artificielle imite presque parfaitement celle du rappeur congolais Gims. Un autre audio en l’honneur du président ivoirien, Alassane Ouattara, circule également ces derniers jours.Cette fois-ci, c’est la voix du rappeur Booba qui a été détourné. En réalité, ces sons, qui se comptent par dizaines sur les réseaux sociaux, ne sont pas authentiques. Ils ont été générés via l’intelligence artificielle. Dans les faits, ni Gims ni Booba n’a fait l’éloge d’Ibrahim Traoré ou d’Alassane Ouattara en musique. Pour s’en rendre compte, il suffit de consulter les réseaux sociaux officiels des deux rappeurs.De YouTube aux autres réseaux sociauxD’après nos recherches, la plupart de ces musiques artificielles proviennent d’un petit nombre de chaînes YouTube qui diffusent régulièrement ce genre de contenus. Même s’il faut chercher pour la trouver, la mention « générée par IA » est bien présente dans la légende.Sur YouTube, ces contenus dépassent rarement les 100 000 vues, au contraire de TikTok, Facebook et Instagram où certaines d’entre elles dépassent les cinq millions de vues. Le problème réside dans le fait que les comptes qui repartagent ces musiques inauthentiques ne mentionnent pas l’utilisation de l’intelligence artificielle.Ce qui a été généré initialement à des fins humoristiques, se retrouve utilisé à des fins de désinformation. Des comptes très influents se servent de ces infox pour faire de la propagande et les commentaires montrent que des milliers d’utilisateurs tombent dans le panneau.Des contenus illégauxEn utilisant les bons outils, il est possible de générer rapidement et gratuitement ce type de musique artificielle. On peut donc faire dire ce que l’on veut à n'importe quel artiste. Mais attention, certaines législations encadrent la pratique.En France, l’article 226-8 du Code pénal puni d’un an et de 15 000 € d’amende « le fait de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention. Est assimilé à l'infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et représentant l'image ou les paroles d'une personne, sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un contenu généré algorithmiquement ou s'il n'en est pas expressément fait mention ». La plupart des publications sont donc illégales.
28/03/2025 • 03:12
Alors que le Canada se tourne vers l'Europe pour tenter de faire front à Donald Trump, qui multiplie les déclarations hostiles à Ottawa, des photos discréditant le nouveau Premier ministre libéral, Mark Carney, ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux. Ces images trompeuses, fabriquées de toutes pièces, font suite à une campagne de désinformation visant le nouveau chef du gouvernement, à quelques semaines d'élections fédérales anticipées qui devraient être annoncées officiellement ce dimanche 23 mars. La formule de désinformation la plus courante consiste à faire apparaître le candidat libéral devenu Premier ministre du Canada, le 14 mars 2025, en compagnie de personnalités sulfureuses, comme l'explique l'AFP. Une photo a particulièrement retenu notre attention. Elle fait penser à une photo de vacances, mais on y verrait Mark Carney assis sur une chaise de plage aux côtés de l'acteur américain Tom Hanks et de Ghislaine Maxwell, la petite amie de Jeffrey Epstein.Jeffrey Epstein est un tristement célèbre homme d'affaires et criminel sexuel accusé d'avoir réduit en esclavage des dizaines de jeunes filles au profit de la haute société américaine. Ce prédateur a été retrouvé mort dans sa cellule en 2019, alors qu'il attendait d'être jugé pour trafic de mineurs. Mais son image toxique est régulièrement employée sur les réseaux pour discréditer tous ceux qui sont prétendument apparus à ses côtés. Idem pour l'image de son ex-compagne Ghislaine Maxwell, considérée comme la co-organisatrice du trafic et condamnée à 20 ans de prison en 2022, avant de faire appel.Une campagne lancée début 2025Fin janvier déjà, était apparue une photo trompeuse, censée montrer Mark Carney aux côtés de Jeffrey Epstein dans la piscine de la propriété du milliardaire. Cette image, non datée, avait été relayée par plusieurs comptes de la sphère pro-Trump.On estime qu'elle a été vue plus de 200 000 fois, rien que sur X. La photo est apparue pour la première fois en ligne en janvier, lorsque l'ancien Premier ministre Justin Trudeau a annoncé sa démission et lancé la course à la direction du Parti libéral. Elle est devenue virale peu après la victoire de Mark Carney à la tête du parti, le 9 mars. La plateforme Disinfowatch pointe pour sa part la responsabilité de la propagande russe. Une image générée par IAL'image en question est plutôt bien faite. Ses auteurs en ont volontairement dégradé la qualité afin de brouiller les pistes. Toutefois, si on s'attarde sur l'arrière-plan, on distingue plusieurs incohérences. Les filles en maillot de bain ont le visage déformé et l'avant-bras de l'une des baigneuses (sur la gauche de l'image) a une forme en « S » qui ne correspond à la réalité. De plus, même en prenant en compte le phénomène de réfraction de la lumière dans l'eau de la piscine, le bras de Mark Carney apparaît surdimensionné à l'image. Il s'agit d'une infox, comme le détaillent les équipes du collectif Newsguard.Constat similaire sur la photo avec Tom Hanks et Ghislaine Maxwell. Là encore, les doigts sont déformés, et une partie du siège est manquant sous la cuisse droite de Mark Carney. Enfin, si on effectue une recherche par image inversée, on s'aperçoit aussi que cette image a déjà été partagée en ligne, qu'elle porte en bas à droite la mention « Grok ». C'est la signature de l'intelligence artificielle générative d'Elon Musk.Une part d'ambiguïtéEn effectuant des recherches, on retrouve une photo a priori authentique de Mark Carney, à deux pas de Ghislaine Maxwell. Cette photo a refait surface sur les réseaux en janvier 2025, mais elle date de 2013. Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d'Angleterre, avait été photographié lors d'un festival avec sa femme Diana Fox et d'autres personnalités de la société mondaine britannique, dont Ghislaine Maxwell. Lors de la republication, l'équipe de campagne de Carney a démenti tout lien affirmant que Carney et Maxwel « ne sont pas amis ».À lire aussiCanada: le Premier ministre Mark Carney va annoncer des législatives anticipées pour le 28 avril
21/03/2025 • 04:05
Depuis le 6 mars, il ne se passe pas un jour en Syrie sans que de nouvelles images viennent documenter les exécutions de masses qui ont visé la minorité alaouite. Les ONG estiment que plus d'un millier de civils ont été tués. Certaines images sont d’une rare violence. Mais dans ce flot d’images répandues sur les réseaux sociaux, il y a aussi beaucoup d’infox. Ce mélange de documents authentiques et d’images anciennes accentue la confusion, et alimente les tensions communautaires. Depuis la semaine dernière, la cellule Info Vérif de RFI a passé en revue des dizaines de vidéos. Une nouvelle fois, on a assisté à une véritable guerre de l’information autour des massacres survenus dans les villes et les villages de la côte syrienne et de la montagne dans l'ouest du pays. Ce déchaînement de violence laisse des traces sur les réseaux sociaux. On peut y lire beaucoup de commentaires : des condamnations à propos de la responsabilité des nouvelles autorités de Damas, mais aussi une forme de satisfaction affichée par certains qui tentent de légitimer ces actes de vengeances après quatorze ans de guerre civile, et après cinquante-quatre ans de domination alaouite sous le régime el-Assad, père et fils. Dès le vendredi 7 mars, nous avons été confrontés à une multitude de vidéos, provenant de comptes plus au moins fiables. Des images de véritables exécutions sommaires visant la communauté alaouite, parfois combinées à des infox qui ont été relayées et amplifiées par des comptes pro-israéliens, pro-russes ou anti-occidentaux afin de discréditer les nouveaux maîtres de Damas.Ces images choquantes et ces prises de positions ne sont que très peu modérées sur la plateforme X. Certaines vidéos apparaissent régulièrement sur des chaînes Telegram avant de se répandre sur le réseau social d’Elon Musk.Désinformation multiformeDes documents truqués circulent, comme ce faux communiqué attribué à Hayat Tahrir al-Sham (HTS), la formation rebelle qui a pris le pouvoir fin 2024. Un prétendu texte officiel en arabe censé demander aux partisans de HTS de ne plus filmer les exactions dont ils seraient les auteurs. C’est un faux. Vérification faite, il s’agit d’un trucage réalisé à partir d’un communiqué du ministère syrien de la Défense datant du mois dernier. Ce faux a été vu plus de 150 000 fois, rien que sur X.On trouve par ailleurs beaucoup d’images sorties de leur contexte afin de tromper le public et attiser les tensions, par exemple, l’image d’un supplicié attaché à une croix et abattu d’une balle en pleine tête. Les auteurs du post affirment que HTS a entamé une campagne d’élimination des chrétiens. Une recherche par image inversée permet d’établir que cette scène d’exécution remonte en réalité à 2015 et ne se déroulait pas sur la côte syrienne, mais dans la Ghouta, près de Damas.Autre exemple, une rumeur a circulé annonçant la mort d’un haut représentant chrétien de l’Église de Tartous. Démenti formel des autorités religieuses qui assurent qu'elles ne connaissent personne répondant au nom du prêtre cité dans l'infox.Des infox comme celles-ci, il y a en des dizaines sur les réseaux sociaux depuis la semaine dernière. Toutefois, ce constat ne doit pas minimiser la portée des exactions réelles commises ces derniers jours. Les autorités de Damas ont d'ailleurs annoncé la formation d’une « Commission d’enquête indépendante sur les exactions contre les civils, afin d’identifier les responsables et de les traduire en justice ». Les autorités ont communiqué sur l'arrestation d'au moins sept personnes depuis lundi, accusées d'avoir commis des exactions contre des civils, et les ont déférées devant la justice militaire.Un moment propice aux tentatives de déstabilisationLa désinformation n’est pas nouvelle en Syrie, mais elle n’a pas disparu avec la fin du régime Assad. Selon la plateforme de fact-checking « Misbar » qui fournit un gros travail de vérification et d’analyse sur le Moyen-Orient, un réseau de comptes suspects, très actifs depuis l'effondrement du régime syrien propagent « des discours de haine et incitent à la violence sectaire en exacerbant les divisions au sein de la société syrienne à un moment critique ». Prudence donc à propos de ce qu'on peut voir, lire ou entendre concernant les évènements en cours en Syrie.
14/03/2025 • 03:30
Une semaine après l’altercation entre Donald Trump, JD Vance et Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, le contexte informationnel autour des relations entre les deux pays s’est particulièrement tendu. Énormément de fausses informations circulent sur les réseaux sociaux. Cible prioritaire de cette campagne de désinformation, le président ukrainien est attaqué de toutes parts, à tel point qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux. Le dernier exemple de cette campagne de dénigrement est une vidéo montrant Volodymyr Zelensky dans une usine d’armement aux États-Unis. Accompagné de Josh Shapiro, le gouverneur de l’État de Pennsylvanie, on le voit signer le corps d’un obus de 155 mm. En commentaire, les utilisateurs qui partagent ces images écrivent : « avant d’avoir de la sympathie pour Zelensky, n’oubliez pas qu’il a signé, avec le sourire, des bombes destinées à être larguées sur des enfants dans la bande de Gaza ». Au total, ce récit a été vu plusieurs millions de fois ces derniers jours.Vérification faîte, ces images n’ont rien à voir avec la bande de Gaza. Ces obus signés par Volodymyr Zelensky étaient en réalité destinés à l’armée ukrainienne et non aux soldats israéliens. En effectuant une recherche avec les mots clés « Volodymyr Zelensky », « Josh Shapiro » et « Pennsylvanie », on retrouve cette vidéo publiée sur la chaine YouTube de l’Agence France Presse, le 23 septembre 2024.Le président ukrainien était en déplacement en Pennsylvanie où il a visité l’usine de munitions de l'armée de Terre de Scranton qui a fourni l’Ukraine en obus de 155 mm. Un compte-rendu détaillé de sa visite est disponible sur le site internet de la présidence ukrainienne.Volodymyr Zelensky en costume ?Largement commentée lors de sa visite à la Maison Blanche, la tenue du président ukrainien fait aussi l’objet de nombreuses rumeurs. Si Volodymyr Zelensky s’est engagé à ne plus porter de costume avant la fin de la guerre, certains affirment, photo à l’appui, qu’il aurait récemment dérogé à la règle lors d’une rencontre avec Klaus Schwab, le fondateur du Forum de Davos. « Voilà ce qui se passe quand on rencontre son vrai patron », commentent plusieurs utilisateurs adeptes des théories complotistes et de la propagande pro-russe.Sauf que là encore, cette image est sortie de son contexte. Une recherche par image inversée permet de retrouver l’origine de ce cliché. Il a été pris le 22 janvier 2020 lors de la 50ᵉ édition du forum économique. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie n’avait pas commencé, ce qui explique le costume porté par Volodymyr Zelensky.La propagande par l’humourAu-delà de ces infox, certains se servent aussi de l’humour pour dénigrer l’image du président ukrainien. Ces derniers jours, les vidéos de Volodymyr Zelensky, modifiées grâce à l’intelligence artificielle, se sont multipliées sur les réseaux sociaux. On peut le voir sur Fox News en train d’évoquer son addiction à la cocaïne, ou encore face à Donald Trump en train de proposer des actes sexuels contre de l’argent pour son pays.Si ces contenus sont pris au second degré, le message de fond, lui, n’a pas été choisi au hasard. Le narratif est toujours aligné sur ce que diffusent les propagandistes russes depuis maintenant plus de trois ans. L’analyse de la propagation de ces vidéos artificielles montre d’ailleurs l’implication directe d’acteurs déjà maintes fois identifiés comme des relais de la propagande du Kremlin.
07/03/2025 • 03:04
En Algérie, de fausses rumeurs de coup d’État circulent sur les réseaux sociaux. Plusieurs comptes affirment, à tort, que le régime d’Abdelmadjid Tebboune aurait été renversé par l’armée ce mardi 25 février. Cette fausse information, diffusée par des utilisateurs étrangers, est un nouvel exemple de la lutte informationnelle grandissante qui se joue dans la région. Cette rumeur s’est répandue en ligne ce mardi 25 février 2025 après la publication sur TikTok d’une série de vidéos par un compte pro-malien relativement influent, comptant près d’un million d’abonnés et plus de 6 millions de likes. L’homme, reconnaissable avec son béret rouge, se filme face caméra. Il annonce alors « un coup d’État en Algérie. Voici les images. Selon l’explication, le pouvoir algérien d’Abdelmadjid Tebboune a été renversé aujourd’hui à 4 h du matin ».Pour appuyer son récit, plusieurs images défilent derrière lui. On y voit des milliers de manifestants défilant sous des drapeaux vert et blanc, suivi d’une revue des troupes de la part du Général d'Armée algérien, Saïd Chanegriha. À en croire le commentaire, c’est lui qui aurait pris le pouvoir par la force. Vérification faîte, tout est faux.Aucun coup d’État à signalerDans les faits, il n’y a pas eu de coup d’État en Algérie ces derniers jours. Abdelmadjid Tebboune n’a pas été chassé du pouvoir. On a d’ailleurs pu le voir ce mardi 25 février, à Alger, au côté du ministre nigérien des Affaires étrangères et de la Coopération, Bakary Yaou Sangaré. L’armée ne s’est pas rebellée, la rumeur a simplement été fabriquée de toutes pièces.Sur la forme aussi, il y a manipulation. Comme c’est souvent le cas, les images présentées comme des « preuves » sont sorties de leur contexte. Grâce à une recherche par image inversée, on sait que la vidéo montrant des manifestants a été filmée dans les rues d’Alger en octobre 2019.Nous l’avons géolocalisée au niveau de la rue Asselah Hocine, à côté de l’Assemblée populaire nationale. Quant à la revue des troupes du général Saïd Chanegriha, la vidéo est bien récente, mais elle montre en réalité la cérémonie d’installation officielle du nouveau Commandant de l’armée de l’air, le Général-major Zoubir Ghouila. Ces images n’ont donc rien à voir avec un supposé coup d’État.Prolifération des fausses rumeurs de coup d’ÉtatCe n’est pas la première fois que de fausses rumeurs de coup d'État circulent sur le continent africain. La Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée et l’Algérie en ont notamment été victimes ces derniers mois. Ces rumeurs sont devenues un véritable moyen de déstabilisation informationnel à part entière.La recette est plutôt simple, mais les chiffres de viralité montrent que ces infox parviennent toujours à toucher une audience conséquente. Les commanditaires de ces opérations de désinformation l’ont visiblement bien compris.À lire aussiLa Côte d’Ivoire sous le feu des attaques informationnellesLuttes informationnellesSur fond de guerre d’influence grandissante au Sahel et au Sahara, le contexte informationnel s’est particulièrement tendu ces derniers mois. Cela explique en partie l’augmentation de ce type d’opérations. Des comptes pro-maliens, pro-algériens ou pro-marocains notamment s’affrontent quotidiennement sur les réseaux sociaux en diffusant de fausses informations pour déstabiliser le voisin. La première victime de cette bataille numérique reste l’information fiable et vérifiée.
28/02/2025 • 02:59
Selon des chercheurs spécialisés dans la lutte contre la désinformation, une centaine de faux sites en langue allemande sont actifs depuis fin 2024, relayant des messages anti-immigration ou eurosceptiques, favorables à l’AfD, le parti allemand d’extrême droite. Dernier épisode de cette campagne coordonnée, la diffusion d’une vidéo mettant en scène des électeurs qui se plaignent de ne pas trouver le nom du candidat de l’AfD sur les bulletins du vote par correspondance. Une manœuvre informationnelle similaire à celle enregistrée avant la présidentielle aux États-Unis fin 2024. L'infox vise particulièrement le processus électoral en Saxe. Dans cette région, l'extrême droite a connu une forte poussée lors des dernières élections. L'infox prend la forme d’une vidéo rassemblant plusieurs faux témoignages de prétendus électeurs ou électrices qui s’étonnent de ne pas trouver le nom du représentant de l’AfD sur les bulletins de la circonscription de Leipzig, qu’ils viennent de recevoir par la poste. À l’image, on ne voit que leurs mains, et on les entend s’interroger sur l’ordre d'apparition des candidats et l’absence des têtes de listes de l’alternative pour l’Allemagne. Les commentaires évoquent : « une tentative destinée à faire perdre l’AfD et un sabotage du processus démocratique ».Un faux bulletin pour induire en erreur le public En faisant un arrêt sur image, on distingue bien un papier à en-tête sur lequel est inscrit « Stimmzetell » ce qui signifie « bulletin ». On peut aussi lire « Leipzig » et ensuite un peu plus bas, il y a des cases à remplir pour cocher la liste et le candidat de son choix. Effectivement sur la vidéo trompeuse, pas de trace de l’AfD, alors qu’on trouve les emplacements réservés à la CDU, les chrétiens démocrates ou le SPD les sociaux-démocrates par exemple.Une simple recherche sur le site de la mairie de cette ville permet de savoir exactement à quoi ressemble le bulletin de vote par correspondance de dimanche. On peut récupérer un fichier Pdf du modèle de bulletin. De toute évidence, il est différent du papier brandit par les pseudos électeurs mécontents. Sur ce bulletin officiel apparaît bien le nom du candidat de l’AfD tout en haut de la colonne. Un mode opératoire déjà connuCela rappelle une autre tentative de déstabilisation, survenue aux États-Unis il y a quelques mois : une vidéo qui laissait penser à tort à la destruction de bulletins par correspondance en Pennsylvanie. Depuis jeudi, une vidéo identique circule pour accréditer l’idée de fraudes, cette fois-ci en Allemagne, dans la région de Hambourg. Tous les regards convergent vers le réseau de Mark Dougan. Il aurait produit cette fausse information afin de saper la confiance des électeurs allemands. Précisément, la même méthode avait été employée à l’approche de l’élection américaine, nous l'avions détaillée ici au mois de novembre dernier.Mark Dougan et la désinformation russeMark Dougan est un influenceur américain, ancien Shérif de Floride exilée en Russie pour échapper à des poursuites dans son pays, mais c’est surtout un « troll » qui sert la propagande du Kremlin via les services de renseignements russes. Selon l’organisation américaine Newsguard et le média allemand Correctiv, on leur doit une campagne de désinformations basée sur de faux reportages diffusés avant les élections en Allemagne. Une série d'infox destinées à discréditer la classe politique de ce pays via des mises en scène outrancières dans desvidéos faisant souvent appel à des outils d'intelligence artificielle générative. Des contenus relayant des narratifs similaires ont également fait leur apparition sur des sites « miroirs » de médias allemands. D’anciens journaux en ligne dont l’identité a été usurpée pour faire croire à des articles authentiques.
21/02/2025 • 03:48
En Égypte, la tension monte avec les États-Unis au sujet de l’avenir de la Bande de Gaza. Le Caire refuse catégoriquement le plan de Donald Trump qui souhaite déplacer les Gazaouis en Jordanie et en Égypte. En conséquence, le président américain menace d’arrêter les aides versées aux deux pays. Sur les réseaux sociaux, certains diffusent des infox pour semer la confusion et alimenter ces tensions. Ces derniers jours, une vidéo montrant le président tunisien au côté de son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, est devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans ce qui ressemble à une conférence de presse, Kaïs Saïed s’exprime durant vingt-secondes derrière son pupitre, dans un luxueux palace. On croit alors l’entendre dire, en arabe, « Je suis venu en Égypte pour soutenir mon frère, le président Abdel Aziz al-Sisi, et je dis à Trump : n'essayez pas de jouer avec le président Abdel Aziz ». Un bandeau textuel apposé sur ces images, semblable à ceux utilisés par les chaînes d’information en continu, affirme que « le président tunisien soutient Sissi et menace Trump ». En réalité, le président tunisien n’a jamais tenu de tels propos. Cette déclaration a été inventée de toutes pièces grâce à l’intelligence artificielle.Les ressorts de la manipulationUne rapide analyse visuelle montre que le mouvement de ses lèvres ne correspond pas avec les mots qu’il prononce. Les détecteurs d’intelligence artificielle que nous avons utilisés confirment également qu’il s’agit d’un deepfake, un hypertrucage synthétique.Grâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), on sait que la vidéo originale qui a été manipulée date du 10 avril 2021. C’était la première visite officielle du président tunisien en Égypte. Les deux chefs d’État avaient discuté de leur coopération économique, culturelle et sécuritaire, mais à aucun moment Kaïs Saïed n’évoque la Bande de Gaza ni ne menace Donald Trump.Si on ne sait pas qui est à l’origine de cette manipulation, ce deepfake est poussé par différents comptes très populaires dans le monde arabe. Certains cumulent plus de 690 000 abonnés. Résultat, l’infox a rapidement dépassé le million de vues, rien que sur X (ex-Twitter).Kim Jong-un ciblé par les infoxLe président tunisien n’est pas le seul dirigeant ciblé par les fausses informations. Une rumeur populaire prétend que Kim Jong-un aurait apporté son soutien à l’Égypte face aux pressions de Washington. Cette infox repose sur une vidéo dans laquelle un journaliste semble affirmer, en arabe, que « si l'Égypte est attaquée, cette attaque sera considérée comme une déclaration de guerre à la Corée du Nord ».Vérification faite, cette déclaration est sortie de son contexte. Cet extrait d’une vingtaine de secondes est bien réel, mais il est trompeur. En faisant une recherche par mots-clés, on retrouve la vidéo dans son intégralité sur YouTube. Il s’agit d’une chronique de fact-checking publiée par la chaîne de télé Al Araby, le 18 janvier 2020. Durant près de trois minutes, le journaliste présente et vérifie cette fausse information : quelqu’un a simplement isolé le moment où il lisait la déclaration qu’il allait démentir, pour faire croire, à tort, que c’était vrai.Cette manipulation est un classique de la désinformation, mais reste malheureusement toujours aussi efficace.
14/02/2025 • 03:10
Alors que les outils d’IA génératives se perfectionnent de jour en jour, les images synthétiques ciblant des personnalités politiques de premier plan se multiplient, au point, parfois, de tromper la vigilance de certains médias. Ces derniers jours, deux fausses photos ciblant Donald Trump et le premier ministre britannique, Keir Starmer, ont ainsi semé le trouble sur les réseaux sociaux. Si vous suivez l’actualité américaine, vous avez probablement vu passer cette image montrant le président américain aux côtés du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et du patron de X, Elon Musk. Les trois hommes, en costume, prennent la pose, debout, tout sourire, dans ce qui ressemble à un salon de la Maison Blanche ou à un luxueux palace. À en croire ceux qui la partagent sur les réseaux sociaux, cette « photo » aurait été prise au moment de la visite de Benyamin Netanyahu à Washington, ce mardi 4 février 2025.Vérification faîte, cette photo n’est pas réelle. Elle a été générée via un outil d’intelligence artificielle générative. En remontant à la source de cette image, grâce à plusieurs recherches par image inversée (voir ici comment faire), on retrouve son auteur qui précise bien en commentaire « image créée à l'aide de l'IA ». Cela confirme les résultats des différents détecteurs d’IA que nous avons utilisés.Des incohérences visuellesPlusieurs éléments visuels permettent aussi de repérer des incohérences caractéristiques de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Comme souvent, l’IA pêche au niveau des mains. Les doigts des trois hommes sont déformés avec plein de bourrelets. En arrière-plan, un homme semble également ne pas avoir de visage.Malgré ça, l’image reste très crédible et il est facile de tomber dans le panneau. Plusieurs médias italiens l’ont d’ailleurs publié telle quelle, en Une de leur site internet, pour illustrer la rencontre entre le président américain et le Premier ministre israélien.Si Benyamin Netanyahu a bien rencontré Elon Musk et Donald Trump, aucune photo ne les montre ensemble dans la même pièce.Keir Starmer ciblé par des images manipuléesLe Premier ministre britannique a pareillement été ciblé par des images artificielles. Une image le montrant en train de déguster un homard dans un restaurant luxueux cumule actuellement des millions de vues sur les réseaux sociaux, X en tête. Des internautes s’en servent pour s’attaquer à la politique sociale menée par cet homme politique de gauche.Sauf que là encore, cette image a, en réalité, été générée par l’intelligence artificielle. Plusieurs éléments le prouvent, à commencer par le logo de Grok, l’outil de génération d’images de X, visible en bas à droite de l’image. Ce tampon atteste de l’utilisation de l’IA. Pour le repérer, il est nécessaire d’ouvrir l’image en intégralité puis, parfois, de zoomer dans la zone concernée.Un poison lentSi elles peuvent paraître anodines, voire comiques pour certaines, ces images artificielles sont nocives pour nos sociétés puisqu'elles brouillent le débat public. L’analyse des échanges sur les réseaux sociaux montre que certains s’appuient sur ces fausses images, pour se forger une opinion. La frontière entre le vrai et le faux devient de plus en plus poreuse. Sur le long terme, ces infox laissent toujours des traces. Cela aboutit à installer un doute permanent, mais aussi à faire émerger des réalités alternatives, dangereuses pour les démocraties.
07/02/2025 • 03:14
En République démocratique du Congo, les membres du groupe M23 soutenus par le Rwanda ont pris le contrôle de nombreux quartiers de Goma cette semaine. Face à cette situation jugée préoccupante, la Communauté de développement de l’Afrique australe se réunit ce vendredi 31 janvier, à Harare au Zimbabwe. Ces affrontements s’accompagnent d’une guerre informationnelle sur les réseaux sociaux. Les infox se multiplient notamment à propos de l’implication de puissances étrangères dans le conflit. Alors que le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, est arrivé à Kigali après s’être rendu à Kinshasa, plusieurs publications mensongères affirment que la France aurait décidé de « soutenir militairement le Rwanda face à la RDC ». À en croire ce message activement relayé sur Facebook et TikTok, « trois avions militaires français, chargés de munitions, seraient en route vers Kigali et certains auraient déjà atterri ». Leur objectif serait de « faire tomber Goma coûte que coûte ». La photo qui accompagne ce post montre un A-400M Atlas, un avion de transport français, au sol, sur le tarmac d’un aéroport.Vérification faite, cette fausse information a été fabriquée de toutes pièces. La rumeur ne s’appuie sur rien de factuel puisqu’aucun avion militaire français n’a été vu à Kigali. De plus, la photo partagée sur les réseaux sociaux n’a rien à voir avec la situation en RDC. Grâce à une recherche par image inversée, on retrouve sa trace dans plusieurs articles de presse publiés en 2022. Elle a été prise sur la base de Calvi en Corse, et non au Rwanda. Ni l’armée française, ni l’armée rwandaise n’a d’ailleurs communiqué sur une quelconque livraison de munitions.« Aucun avion français ne transporte des munitions vers Kigali »Contacté par la rédaction de Balobaki, un média de fact-checking congolais, le porte-parole du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a démenti ces allégations. « Aucun avion français ne transporte des munitions vers Kigali », a assuré Christophe Lemoine. La France a d’ailleurs fermement condamné l’offensive menée par le M23 et appelé les forces rwandaises a « quitté instamment » la RDC.Ces fausses accusations d’implications militaires visent également d’autres pays, à commencer par l’Afrique du Sud. Plusieurs publications, cumulant plus d’un million de vues, affirment notamment que les Forces de défense nationales sud-africaines auraient envoyé « quatre avions de combat en RDC pour soutenir l’armée congolaise ». Sauf qu’une nouvelle fois, c’est faux. Aucun chasseur sud-africain n’a été aperçu à Goma.Si la photo publiée sur les réseaux sociaux montre bien un escadron de Gripen, des avions de combat suédois que possède Pretoria, le cliché a été pris il y a plus de dix ans.Face à la viralité de cette fausse information, l’armée sud-africaine a publié un démenti sur ses réseaux sociaux.Un contexte propice à la désinformationCes deux infox sont loin d’être les seules à circuler sur les réseaux sociaux. La situation en cours dans l’est de la RDC est particulièrement propice à la désinformation. Énormément d’images circulent, dont beaucoup sont sorties de leur contexte. Certains n’hésitent pas également à détourner l’image de certains médias, comme RFI, pour diffuser de fausses informations. Raison pour laquelle il faut rester prudent et penser à remonter à la source en cas de doute.
31/01/2025 • 03:12
Serait-il dangereux d’utiliser son téléphone portable à côté d’une bouteille de gaz ? Cette croyance populaire, très ancrée en Afrique et ailleurs dans le monde, réapparaît régulièrement au gré des différents faits divers. Ces derniers jours, une vidéo partagée sur des groupes WhatsApp affirme montrer, à tort, une famille victime d’une explosion de gaz liée à l’utilisation d’un smartphone. C'est un auditeur tchadien qui nous a alerté sur la circulation de ces images choquantes. On y voit plusieurs adultes et des enfants, gravement brûlés, arriver dans la salle d’attente d’un hôpital. L’un d’entre eux, le corps ensanglanté, s’effondre sur le sol, inconscient. Le message qui accompagne cette vidéo l’assure : « Évitons le téléphone à côté de la bouteille de gaz. Regardez cette famille en sang jusqu’aux enfants ». À en croire le drapeau présent dans cette légende, la scène se passerait au Cameroun.Pour savoir ce que montre réellement cette vidéo, nous avons d’abord cherché à la géolocaliser en s’appuyant sur une plaque d’immatriculation visible sur l’un des véhicules stationnés devant l’hôpital. La combinaison des chiffres et des lettres ainsi que les éléments graphiques correspondent aux plaques de l’état de Rivers, dans le sud du Nigeria.Les causes réelles de l'explosionPour confirmer cette piste, nous avons effectué plusieurs recherches avec les mots-clés, « gas », « explosion » et « Rivers ». Cela nous a permis de retrouver la trace de cette vidéo dans la presse nigériane et de confirmer notre géolocalisation. En croisant plusieurs articles provenant de médias nigérians fiables, on apprend que ces images font suite à une explosion mortelle chez un vendeur de gaz, à Port Harcourt, dans le quartier d’Oroazi, ce que nous a confirmé la rédaction de RFI en Hausa, à Lagos.En réalité, cette explosion n’est pas liée à l’utilisation d’un téléphone portable. Selon plusieurs témoignages, un homme aurait tenté de souder une bouteille de gaz qui fuyait, provoquant involontairement une explosion en chaîne. Le dernier bilan fait état de cinq morts et plus d’une dizaine de blessés. La légende qui circule sur WhatsApp est donc mensongère.Des risques minimesSur le fond, est-il dangereux d’utiliser son téléphone portable à côté d’une bouteille de gaz ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord préciser comment se produit une explosion. « Concrètement, pour qu’il y ait une atmosphère explosive, ce que nous appelons une atex, il faut un combustible, un gaz par exemple comme l’hydrogène, le butane ou le propane, et un comburant, l’oxygène de l’air. Si on a suffisamment de combustible et de comburant, on va avoir un mélange explosif. Pour que l’explosion se produise, il ne manque plus qu’une source d’inflammation. Cela peut être une étincelle électrique, une chaleur excessive ou une flamme par exemple », explique Olivier Cottin, responsable de l’unité Atex, au sein de la direction Incendies, dispersions, et explosions (IDE) de l'Ineris, l’institut national de l'environnement industriel et des risques.« Si les conditions d’utilisation sont normales, c'est-à-dire que la bouteille de gaz est en bon état et qu’il n’y a pas de fuite, alors il n’y a pas de danger immédiat à utiliser son téléphone portable à côté de cette bouteille, précise Olivier Cottin. Pour qu’il ait un risque, il faudrait une fuite dans un milieu confiné. Mais de la même façon, un téléphone en fonctionnement normal ne présente pas de risques. Il ne provoque ni étincelles ni chaleur excessive pouvant faire exploser une atmosphère explosive. Il faudrait donc également que le téléphone dysfonctionne pour enflammer une atex ».En conclusion, le risque zéro n’existe pas, mais si votre bouteille de gaz ne fuit pas et que votre téléphone fonctionne correctement, vous n’avez pas de souci à vous faire.
24/01/2025 • 02:58
À Los Angeles, les pompiers essayent toujours de contenir les flammes, plus d’une semaine après le début des incendies. Selon le dernier bilan, au moins 24 personnes ont trouvé la mort. Une catastrophe historique, marquée par un flot d'infox d’une rare intensité sur les réseaux. L’origine de ces incendies, le travail des pompiers, les rescapés, rien n’échappe à la désinformation, à tel point que certaines des images les plus partagées en ligne sont irréelles ou sorties de leur contexte. Si vous avez passé du temps sur les réseaux sociaux ces derniers jours, vous avez probablement été confronté à l’une de ces deux images aériennes, montrant une maison au toit rouge, prétendument épargnée par les flammes à Los Angeles. Tout le quartier semble avoir été détruit, sauf ces luxueuses résidences. Si les deux maisons se ressemblent, ce ne sont pas les mêmes. L’une est en bord de mer, l’autre en pleine ville.Les internautes qui partagent ces photos affirment qu’elles montreraient « la maison d’un croyant de Los Angeles, miraculeusement protégée par Dieu ». Un récit sur lequel plusieurs auditeurs nous ont alertés.Image détournée et générée par IAVérification faîte, ces deux images n’ont rien à voir avec les incendies en cours à Los Angeles. La première photo est bien authentique, mais elle n’a pas été prise dans la cité des anges. Une recherche par image inversée permet de retrouver sa trace dans la banque d’images de l’Agence France Presse (AFP). On y apprend en légende qu’elle montre une maison dans le quartier de Lahaina, à la suite des incendies mortels à Hawaï, en août 2023. La résidence avait été épargnée notamment grâce à sa toiture en tôle épaisse et à l’absence de végétation à proximité.Concernant le deuxième cliché, si visuellement tout semble réel, l’image a en réalité été générée par une intelligence artificielle. Le seul moyen de s’en rendre compte consiste à faire une recherche par image inversée sur Google, puis d’aller dans l’onglet « À propos de l’image ». Un message apparaît alors indiquant « image créée avec l’IA de Google ».Comment Google sait-il que quelqu’un a généré cette image avec son intelligence artificielle ? Pour son outil de génération d’image, baptisé Imagen, la firme américaine utilise ce que l’on appelle des watermarks, des filigranes, invisibles à l’œil nu, mais identifiables par un logiciel. Ce tatouage numérique atteste donc de l’utilisation de l’intelligence artificielle, mais sans faire cette démarche de vérification, il est impossible de s’en rendre compte.Instrumentalisation complotiste et religieuseCette image synthétique fait l’objet de nombreuses instrumentalisations. Religieuse d’abord, avec plusieurs messages parlant d’une intervention divine. Certains affirment, à tort, que cette maison appartenait à une famille chrétienne, d’autres à une famille musulmane.Et puis certains complotistes ont aussi diffusé cette image, assurant que l’incendie était volontaire et ne ciblait que certaines habitations. Deux récits trompeurs vus des dizaines de millions de fois sur les réseaux sociaux. Résultat, cette infox figure aujourd’hui parmi les images les plus vues concernant les incendies de Los Angeles. On est donc là face à un énième exemple de détournement de l’IA qui perturbe les perceptions d’un événement mondial et invisibilise les vraies images de la catastrophe.
17/01/2025 • 03:07
« Nous allons nous débarrasser des fact-checkers ». Cette déclaration du patron de Meta, Mark Zuckerberg, ce mardi 7 janvier, a suscité beaucoup d’inquiétude chez les spécialistes de la lutte contre la désinformation. Pendant que certains veulent faire disparaître le fact-checking sur les réseaux, d’autres essayent au contraire de faciliter l’accès à des informations vérifiées. C’est le cas de l'ONG La Réponse Tech qui a récemment lancé, Vera, un bot conversationnel de vérification. Utiliser l’intelligence artificielle pour permettre à tout un chacun de vérifier une information en temps réel. C’est la mission que s’est lancée le collectif citoyen La Réponse Tech en développant Vera, un agent conversationnel numérique, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Concrètement, il suffit d’appeler le numéro de téléphone de Vera, +33 9 74 99 12 95 ou bien de lui envoyer un message sur WhatsApp, en lui demandant si telle information est vraie ou fausse.Pour cet exemple, nous avons volontairement posé une question sur une infox vérifiée par la cellule Info Vérif de RFI. Mais cette intelligence artificielle se base sur le travail de plusieurs centaines de sources fiables, sélectionnées par un comité d’experts et librement consultables.« À partir de la question posée par l’utilisateur, Vera va d’abord chercher si des rédactions de fact-checking ont traité le sujet. Si ce n’est pas le cas, elle va chercher la réponse auprès de 300 sites de médias reconnus comme fiables, avant d’en faire une synthèse et de la proposer en temps réel », explique son fondateur, Florian Gauthier. Techniquement parlant, Vera se base sur le modèle de langage GPT-4, développé par la société américaine Open AI.Aujourd’hui, Vera est utilisée par environ 700 utilisateurs uniques chaque semaine.Une IA modelée pour éviter les erreursComme tout outil basé sur l’intelligence artificielle, Vera n’est pas infaillible. Le risque d’erreur ou de réponse incomplète existe. Mais contrairement à des chatbots comme ChatGPT, Perplexity ou Claude, Vera n’a pas été pensée pour répondre coûte que coûte à la question posée. « Vera a l’interdiction totale, d’imaginer quoi que ce soit. Dès qu’elle va formuler une réponse, c’est que cette réponse a été donnée par une source fiable qui est toujours citée. Si Vera ne trouve pas la réponse dans sa base de données, ce qui arrive par moment, elle ne va pas chercher à inventer. Elle se contentera alors de préciser qu’elle n’a pas trouvé la réponse à cette question », détaille Florian Gauthier.Autre limite, la base de données ne peut pas être exhaustive. Il est donc possible que Vera vous réponde qu’elle ne sait pas même si le sujet a déjà été vérifié. Mais d’après nos essais, Vera est aujourd’hui le bot conversationnel le plus efficace pour vérifier une information en temps réel. À l’avenir, ses créateurs envisagent de rendre Vera multilingue, et de proposer gratuitement le service sur d’autres plateformes et réseaux sociaux.Lutter contre les discours complotistesAu-delà de permettre ce processus de vérification en temps réel, ce genre d’agent conversationnel pourrait également permettre de limiter, chez certains utilisateurs, l'adhésion aux théories complotistes. C’est ce que montre une étude récente publiée dans la revue scientifique Nature. « De nombreuses personnes qui croient fermement à des théories du complot apparemment infondées peuvent changer d’avis lorsqu’on leur présente des preuves convaincantes. (...) Les dialogues avec l’IA réduisent durablement les croyances complotistes, même parmi les plus fervents croyants », concluent les chercheurs.Pour Florian Gauthier, « l’intelligence artificielle est un super outil pour propager des fausses informations. Mais l’IA peut aussi être, au contraire, une véritable piste de réponse pour combattre la désinformation ».
10/01/2025 • 03:59
De plus en plus simples et performants, les modèles de synthèse d'image permettent la diffusion massive de contenus artificiels, relayés comme tels mais pas seulement. Ils participent aussi à la confusion dans des conflits difficiles à couvrir pour les journalistes, menacés dans l’exercice de leur métier. À côté des véritables clichés témoignant des atrocités commises à Gaza, l’IA vient perturber la perception de la réalité factuelle. L’image suscite l’indignation. Elle montre - au premier plan - un homme âgé sous perfusion, pieds et torse nus, debout au milieu des gravas, avec - à l'arrière-plan - un char de combat se détachant sur fond de bâtiments détruits un peu flous. Les comptes qui partagent cette image sur plusieurs réseaux sociaux, Instagram, Facebook et X indiquent qu’il s’agit d’un vieillard sorti de force par les soldats israéliens lors de l’assaut mené il y a une semaine tout juste contre l’hôpital Kamal Adwan, dernier grand hôpital du nord de Gaza. Relayée dès lundi par une influenceuse et activiste pro-palestinienne suivie par plus de 300 000 comptes sur X, le cliché suscite de nombreuses réactions contre une opération militaire israélienne qui a brutalement mis hors d’état de fonctionner l’un des derniers hôpitaux de Gaza. Pourtant, cette image censée représenter une situation réelle, ne l’est pas. Création numérique trompeuseUne recherche d’image inversée permet de retrouver la première occurrence de cette image. Elle provient du compte Instagram d’un militant pro-palestinien, qui se présente comme un artiste de design numérique. Il ne s’en cache pas, ses images portent toutes la même signature, mentionnant une création d’art visuel. On découvre d’ailleurs une autre version de la scène. Le vieil homme est vu de dos, toujours devant le même char. Sur le bitume devant lui sont peints en rouge les mots « Dirty World » et la photo est barrée d’un slogan : « forced extermination », on voit aussi la signature du concepteur de l’image, en haut à droite et en bas à gauche. Il ne s’agit donc pas d’une photo à proprement parler. L’homme que l’on voit n’existe pas, c’est une composition numérique avec des éléments de décor fictifs. Le char est placé là, comme un élément du décor. Mais nombre de publications ont relayé cette image d’un réseau social à l’autre, en réduisant le cadre et du coup, en escamotant la signature. De toute façon, avec ou sans logo, en lisant les commentaires, on s’aperçoit que beaucoup d’internautes pensent avoir affaire à une image authentique, alors qu’il n’en est rien. Altération du réelLe concepteur de l’image publie sur Instagram un résumé de la situation plutôt factuel sans dire que l’illustration choisie, elle, ne l’est pas. L’intention vise manifestement à alerter l’opinion, à la suite de ce raid de l’armée israélienne qui a bel et bien eu lieu et qui a abouti à ce que les patients de l’hôpital - certains dans un état critique - soient sortis du bâtiment sous la contrainte. Or, à part quelques images du personnel soignant et du docteur Abou Safiya arrêtés par l’armée israélienne, on n’a quasiment pas vu ce qui était advenu des patients. À l'exception d’une vidéo diffusée sur la chaîne de télévision Al Jazeera, montrant des femmes et des enfants assis dans des ambulances lors de leur transfert vers l’hôpital indonésien. Leur situation est réellement dramatique, car le système de santé à Gaza est véritablement en ruine, mais l’image du vieil homme à la perfusion, seul face à un char ne rend pas compte de la situation réelle. À lire aussiGuerre Israël-Gaza: «Un système sanitaire anéanti», la santé des Gazaouis en périlQuand l’image artificielle sert la propagande israélienneLe paradoxe, c’est qu’en publiant et en relayant des images non authentiques même lorsqu’elles témoignent d’une réalité, on favorise la mise en doute des véritables photos, qui - elles - sont prises dans des conditions extrêmement difficiles. L’image du vieillard à la perfusion n’a pas circulé de façon virale. Elle a vite été retirée de X par l’influenceuse qui avait contribué dans un premier temps à sa diffusion. Mais d’autres internautes s’en sont emparés. Dont un militant pro-israélien, profitant de l’occasion pour alimenter le doute sur le sort des gazaouis. Immanquablement, sur les réseaux sociaux, la création échappe vite à son créateur. Le factuel relégué au second plan, la désinformation s’insinue. La nécessité de « documenter » le conflitLa manœuvre éclipse une autre réalité de ce conflit. À Gaza, les journalistes sont empêchés de travailler, victimes des bombardements quand ils ne sont pas volontairement ciblés et interdits sur le terrain. Cette difficulté ne justifie pas cependant l’emploi de fausses images dans la mesure où de nombreux clichés authentiques permettent, eux, de témoigner des souffrances de populations soumises aux bombardements intensifs, au froid, au manque d’eau, de nourriture et de médicaments. L’image créée à l’aide de modèles de synthèse ou IA génératives, en créant la suspicion ne fait que brouiller l’information. Un modèle économique pour les plateformesOr, cette pratique est en constante augmentation. Elle profite aux influenceurs - raison pour laquelle nous ne relayons pas ici le contenu en question - et aux plateformes. Pour Meta, TikTok, X et les autres, c’est la prime au contenu artificiel. La maison mère de Facebook et Instagram envisage pour sa part de pousser à la création de profils générés par l’IA et de contenus tout aussi artificiels, afin de rajeunir son audience. Les plateformes rivalisent d’ingéniosité pour produire leurs propres modèles d’IA générative et capter le maximum d’attention sur leurs réseaux. Ces mêmes acteurs du numérique ne déploient pas le même zèle pour permettre aux internautes de faire la part du vrai et du faux. Il va falloir redoubler d’attention contre les manipulations de l’information.
03/01/2025 • 03:20
En Égypte, de fausses rumeurs de soulèvement populaire sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Après la chute du dictateur syrien Bachar el-Assad, certains affirment, à tort, que le peuple égyptien serait en train de renverser Abdel Fattah al-Sissi. En réalité, aucune manifestation anti-régime n’a eu lieu ces derniers jours en Égypte. Les images partagées sont sorties de leur contexte. La vidéo la plus populaire a été vue plusieurs millions de fois ces dernières heures. On y voit des manifestants réunis de nuit, dans une rue commerçante. Certains tentent de bloquer la circulation, d’autres scandent : « le peuple veut faire tomber le système », un slogan emblématique des révolutions arabes de 2011. Les comptes qui partagent ces images parlent de « manifestations en cours au Caire pour demander le renversement du régime d'Abdel Fattah al-Sissi ».Vérification faîte, ces images sont datées. Grâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), nous avons retrouvé un reportage de la chaîne de télévision arabe, Al Araby, publié sur Facebook en 2019. On y retrouve plusieurs extraits de manifestations filmés dans toute l’Égypte, dont ces images présentées, à tort, comme étant récentes.Cette vidéo remonte donc au mouvement de contestation anti-régime qui avait éclaté dans le pays en septembre 2019. À l’époque, l'homme d’affaires exilé en Espagne Mohamed Aly avait appelé à manifester, accusant Abdel Fattah al-Sissi de corruption. Ces derniers jours, aucune manifestation anti-régime n’a eu lieu en Égypte.Détournement de la contestation de 2019Une autre vidéo virale montre des manifestants en train de déchirer un portrait d’Abdel Fattah al-Sissi, en pleine rue. La légende évoque « des manifestations antigouvernementales au Caire, en Égypte ». Mais contrairement à ce que veut faire croire l’auteur de ce tweet, ces images vues des centaines de milliers de fois ne sont pas récentes.En faisant une recherche par mots clés, nous les avons retrouvées dans un article publié cette fois par Al Jazeera, le 21 septembre 2019. Le média évoque des manifestations dans les villes de Damiette et de Mansoura.On retrouve donc le même mode opératoire. Des utilisateurs rediffusent des vidéos datées de cette période de contestation en septembre 2019 et les publient telles quelles, avec une légende mensongère ou volontairement imprécise. Au total, la cellule Info Vérif de RFI a repéré près d’une dizaine de vidéos ainsi sorties de leur contexte.Désinformer pour modifier les comportementsSi on ne sait pas précisément qui est derrière cette campagne de désinformation, l’analyse des comptes à l’origine de ces infox met en lumière des profils variés. Nous avons identifié des comptes égyptiens opposés au régime en place, des comptes pro-russes habitués à désinformer au Moyen-Orient, ainsi que des comptes pro-palestiniens. Quand on regarde les chiffres, on peut dire que cette campagne est relativement efficace puisque ces fausses informations ont cumulé des millions de vues en seulement quelques jours sur X, Facebook et TikTok.Ces comptes cherchent à raviver artificiellement la flamme de la contestation en Égypte. Une chose est sûre, leurs infox parviennent au moins à semer le trouble, comme le montrent les commentaires d’internautes qui tombent dans le piège.
27/12/2024 • 03:18
Au Mali, l’armée et ses supplétifs russes de Wagner ont fait une quinzaine de prisonniers lors d’une opération à la frontière mauritanienne, le 10 décembre 2024. Des Mauritaniens ont été arrêtés sur le sol malien, à Laghdaf, près de Fassala, avant d’être libérés. Ce nouvel incident dans une zone frontalière parfois disputée n’a pas tardé à être instrumentalisé. Dans un contexte déjà tendu entre les deux voisins, la désinformation attise encore davantage les tensions. Ce mardi 17 décembre, notre rédaction à Dakar nous alerte. Une vidéo publiée sur TikTok, affirme, à tort, que l’armée mauritanienne aurait réagi à ces arrestations en « bombardant un poste militaire malien à Laghdaf ». Selon cette infox, l’attaque aurait causé « la mort de 69 soldats maliens et mercenaires russes ». À l’image, on voit une explosion avec des flammes de plusieurs dizaines de mètres. Cette scène, impressionnante, a été filmée de nuit, par un témoin situé à une vingtaine de mètres de l’incendie. En réalité, ce récit a été fabriqué de toutes pièces. L’armée mauritanienne n’a pas attaqué le Mali. Il n’y a eu aucun bombardement, ni aucun mort. Il n’y a d’ailleurs pas de poste militaire malien dans la zone. Du côté des images aussi, il y a manipulation. La vidéo n’a pas été tournée à la frontière entre les deux voisins, mais dans la capitale, Bamako. La scène se passe dans le quartier Faladié, juste en face de l’école de la gendarmerie, bien loin de la Mauritanie.On sait que plusieurs camions citernes ont déjà pris feu à cet endroit, notamment le 30 octobre 2024. Cette vidéo est donc liée à un accident sans le secteur.Géolocalisation des imagesPour savoir ce que montre réellement cette vidéo, nous avons commencé par la géolocaliser. Pour ça, nous nous sommes appuyés sur plusieurs commentaires évoquant une scène possiblement filmée à Bamako, avant d’identifier les éléments visuels les plus marquants : un panneau publicitaire, une route bitumée de deux voies et des arbres visibles en arrière-plan.Sur des logiciels de cartographie satellite, comme Google Maps ou Yandex Maps, nous avons cherché ces éléments, sans succès. Nous avons donc fini par utiliser Mappilary, une plateforme collaborative qui permet à n’importe qui de prendre des photos d’une route, ou d’un centre-ville et de les rendre accessibles gratuitement au monde entier. Grâce à ça, nous avons pu arpenter les grands axes de la capitale. Au bout de quelques heures, nous avons fini par retrouver notre panneau et nos arbres, sur la RN7, après la Tour de l’Afrique. Désinformer pour attiser les tensionsÀ l’origine de cette infox, on retrouve un mystérieux compte TikTok suivi par plus de 250 000 personnes. Il publie presque quotidiennement des vidéos sorties de leur contexte, en affirmant, à tort, que la Mauritanie attaquerait ou envahirait le Mali. Des infox souvent virales puisque ses 31 vidéos cumulent plus de 25 millions de vues.Cette désinformation est particulièrement nocive au vu des relations déjà tendues entre les deux voisins. Les journalistes locaux sont quotidiennement confrontés à cette réalité. « La manipulation de l’information expose les populations à des risques, souligne Kissima Diagana, directeur du site InitiativeNews, présent lors du dernier webinaire du Timbuktu Institute. D’autant plus dans un pays comme la Mauritanie où il y a différentes communautés face à un pays en crise au Mali, également exposé à des tensions communautaires. C’est donc facile de créer des tensions entre les deux pays. »Ces tensions entre les deux voisins sont déjà largement palpables sur les réseaux sociaux.À lire aussiNon, cette vidéo ne montre pas la Mauritanie sur le point d’attaquer le Mali
20/12/2024 • 03:33
Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie, chassé par une coalition de rebelles islamistes, de nombreuses fausses informations circulent à son propos. Ces rumeurs cumulent des millions de vues et sèment le trouble sur la fuite de l’ex-dictateur syrien. L’une des dernières infox en date affirme que Bachar el-Assad aurait officiellement démissionné, exprimant des regrets avant de fuir son pays. Cette affirmation repose sur une bande son diffusée sur les réseaux sociaux. On pense y entendre l’ex-dictateur déclarer « Chers citoyens, dans les circonstances difficiles que traverse le pays, et en raison de l'état du peuple syrien, moi, Bachar el-Assad, après avoir pleinement reconnu ma responsabilité dans ce qui s'est passé dans le pays au cours des dernières années, j'ai décidé de renoncer à la fonction de président de la République. (...) J'ai signé des décrets récents exigeant le retrait des forces étrangères et des milices, et j'appelle ces forces à se retirer du territoire syrien. Enfin, je présente mes excuses au grand peuple syrien pour mes actions ».En réalité, cet enregistrement écouté des millions de fois n’est pas réel. Bachar el-Assad n’a ni annoncé sa démission, ni présenté ses excuses. En scriptant la bande son et en faisant des recherches par mots clés, nous avons identifié une vidéo publiée sur YouTube, le 2 septembre 2023. On y retrouve exactement le même audio de 56 secondes.En légende, il est indiqué que cet audio a été généré via l’intelligence artificielle « à des fins de divertissement », ce que confirment les détecteurs d’IA que nous avons utilisés.L’avion de Bachar el-Assad victime d’un crash ?Une autre infox qui revient avec insistance avance que l'ex-dictateur syrien serait mort durant sa fuite en avion. Selon les internautes à l’origine de cette rumeur, un avion-cargo russe, transportant Bachar el-Assad, se serait crashé au nord de la Syrie. Certains assurent, images à l’appui, que l’appareil aurait été abattu par les rebelles islamistes. En réalité, tous les clichés présentés comme des preuves sont sortis de leur contexte. Nous avons identifié des images provenant des États-Unis, d’Inde, mais jamais de Syrie.Si les données de vol étrange d’un Iliouchine-76 en partance de Damas ont bien semé le doute, rien ne permet de dire qu’un avion s’est crashé, ni que Bachar el-Assad figurait parmi les passagers. Entre l’ancienneté de l’appareil et le brouillage GPS dans la zone, les données du transpondeur sont à prendre avec précautions, comme le rappelle la plateforme de tracking en ligne, FlightRadar24. Enfin, aucune carcasse d’avion n’a aujourd’hui été retrouvée sur les prétendus lieux du crash.Des découvertes farfelues dans sa résidence ?Un flot de fausses informations vise aussi les découvertes réalisées dans l’ancienne résidence de Bachar el-Assad, pillée par des civils et des rebelles. Les images authentiques montrant des dizaines de voitures de luxe, des œuvres d’art, des écrans géants, ont fait le tour du monde. Dans ce contexte, certains ont saisi l’occasion pour désinformer et faire du clic. À en croire leurs publications, le parchemin d’une torah vieille de plus de 500 ans, une collection de films pour adultes et des milliers de lingots d’or auraient aussi été retrouvés.Vérifications faîtes, l’exemplaire de la Torah a été filmé en Tunisie en 2017. La collection de films X date d’une vente aux enchères en 2021, en Australie. Quant aux lingots d’or, ils ont été générés par intelligence artificielle. Ces trois infox ont été vues des millions de fois ces dernières heures.
13/12/2024 • 02:54
En Syrie, la coalition conduite par le groupe islamiste radical, Hayat Tahrir Al-Sham, poursuit son offensive contre l’armée de Bachar el-Assad. Après leur prise d’Alep, les rebelles ont capturé la ville d’Hama. Dans ce contexte, tout et son contraire circule sur les réseaux sociaux. Certains affirment notamment, à tort, que le chef du mouvement islamiste HTS, Abou Mohammed al-Jolani, aurait été tué dans un bombardement russe. La photo a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours. On y voit le cadavre d’un homme barbu, vêtu d’une chemise de camouflage, les yeux et la bouche entrouverts. Son corps est mis en scène sur un canapé, devant un mur criblé d’impacts. En légende, les internautes parlent d'une « frappe aérienne russe contre le quartier général opérationnel dans lequel le chef du groupe HTS, Abu Muhammad al-Julani, se trouvait et aurait été tué ». D’autres évoquent aussi, sans preuve, la présence « de hauts responsables des services de renseignements ukrainiens et turcs ».Vérification faite, cette photo n’a rien à voir avec les combats en cours en Syrie. En faisant une recherche par image inversée, on retrouve ce même cliché dans un article publié sur un site d’information libanais, le 5 septembre 2015. Le média évoque, en arabe, la mort du terroriste jordanien, membre de l’état islamique, Abu Al-Qaqa, en Syrie, lors d’un bombardement en 2015.Cette version est confirmée par une publication Facebook de la 105ᵉ brigade électronique de la Garde républicaine syrienne, également datée du 5 septembre 2015.Une photo manipuléeUne comparaison minutieuse entre cette photo de 2015 et celle qui circule ces derniers jours, montre que l’image a été manipulée. Sur le cliché de 2015, l’homme ne ressemble pas à Abou Mohammed al-Jolani. Il a du sang sur le nez et sur les lèvres. Son regard est vide.Au contraire, sur l’image partagée ces derniers jours, l’homme ressemble fortement au leader de Hayat Tahrir Al-Sham. Il n’a pas le même nez, ni les mêmes yeux. Quelqu’un a donc pris une vieille photo d’un terroriste tué en 2015, et a visiblement modifié son visage pour le faire passer, à tort, pour Abou Mohammed al-Jolani.Contrairement à ce qu’affirme cette infox, Abou Mohammed al-Jolani est apparu vivant ce mercredi 4 décembre 2024. Le chef du groupe islamiste a été vu, déambulant dans la citadelle d’Alep. Plusieurs vidéos amateurs le montrent en chemise et pantalon kaki, entouré par des dizaines de personnes.Des comptes pro-Bachar el-Assad à la manœuvre ?Si on ne sait pas précisément qui est à l’origine de cette infox, on sait qu’elle a notamment été poussée par des influenceurs pro-Bachar el-Assad ainsi que par des comptes pro-russes désireux de glorifier l’action de leur armée en Syrie. Des agences de presse en Afghanistan et au Yémen ont aussi relayé cette fausse information.Résultat, cette image manipulée et sortie de son contexte cumule actuellement plusieurs millions de vues sur les réseaux sociaux. Des dizaines d’infox de ce genre circulent présentement. Ce bruit de fond sème le trouble sur le véritable déroulement de ce conflit en cours en Syrie.
06/12/2024 • 03:17