Fille d'un père argentin - qu'elle n'a jamais connu - et d'une mère française, Keny Arkana (de son vrai prénom Victoria) naît par hasard à Boulogne-Billancourt le 20/12/1983. Peu après sa naissance, sa mère s'installe à Marseille, où l'enfant grandit. Dès l'âge de neuf ans, Keny Arkana commence à fuguer. A onze ans, un juge pour enfants la fait placer en foyer ; elle y découvre notamment les méfaits de la « camisole chimique » et le mépris social d'un directeur de foyer qui ne lui donnait aucun avenir (ce qu'elle rapporte dans le vindicatif « Eh Connard », sur l'album Entre Ciment et Belle Etoile). L'expérience s'avère décisive pour la fillette : « C'est là que j'ai compris l'hypocrisie du système. On te parle de droits de l'homme alors qu'on ne respecte pas les droits de l'enfance », dira-t-elle plus tard (Libération, 23 novembre 2007). Déscolarisée à douze ans, elle commence à rapper à treize. Son adolescence, tout aussi mouvementée, est faite de séjours en foyer et de fugues (ce qu'évoque le morceau « Je me barre »), parcourant notamment l'Espagne, l'Italie et l'Argentine (« Souvent chez les métis, on a tendance à se retourner vers la racine qu'on connaît le moins », déclare-t-elle d'ailleurs).
C'est donc en Argentine, pays dévasté par la grave crise économique d'après 2001, conséquence de la politique néolibérale du président Carlos Menem (1989-1999), que Keny Arkana se forge une conscience politique à sensibilité altermondialiste. C'est également durant ces années d'adolescence qu'elle se lance sérieusement dans le rap. En 1998, elle participe aux ateliers de la Friche de la Belle de Mai, s'inscrivant alors avec d'autres jeunes dans une dynamique active de création et de recherche de scènes. Dans la foulée, se créent successivement les collectifs Mars Patrie et Etat-Major, grâce auxquels elle se fait peu à peu connaître dans le milieu rap underground de la cité phocéenne. Avec Etat-Major, collectif de 13 personnes, elle enregistre en 2003 un premier maxi vinyle, Volume 1 (elle avait déjà participé auparavant à la compilation Face Cachée de Mars en 1999 et à la « street tape » Guerilla Psychik, Volume 2 en 2002).
L'aventure solo commence
Puis, Keny Arkana se lance dans une carrière solo, avec le CD-2-titres Le Missile est Lancé, qui sort en 2003. Les deux années qui suivent, elle apparaît sur diverses compilations, enregistrant notamment « Les Murs de ma ville », hommage à Marseille figurant sur la compilation OM All Stars, aux côtés d'autres représentants de la scène locale (IAM, Bouga, 3ème oeil, Faf Larage, Psy4 de la Rime...). Parallèlement, pour donner un prolongement à ses convictions altermondialistes et anti-colonialistes (dans la lignée d'un mouvement comme les Indigènes de la République), elle fonde, après les émeutes de l'hiver 2005, le collectif La Rage du Peuple.
Sur un terrain plus strictement musical, la jeune femme crée avec son manager LTK une société de production, La Callita, qui édite en 2005 son premier album, la « street tape » L'Esquisse. Elle signe l'année suivante avec le label Because Music. Le premier album de Keny Arkana, dont les titres ont été enregistrés sur un laps de temps de trois années, paraît en octobre 2006. Le propos est tour à tour politique (« Jeunesse du monde », « La Rage »...) et autobiographique (« Je me barre », qui rappelle ses fugues, ou « Eh Connard »). L'album révèle le flow imparable et insolent de ce nouvel espoir du hip-hop français, férocement épris de liberté (« Ils ont peur de la liberté », « Je me barre »). Il s'écoule si bien qu'il vaut à l'artiste un Disque d'or.
Rap engagé, rap enragé
Au printemps 2007, la chanteuse annule sa tournée, estimant défaillante l'organisation. A la place, elle participe à des débats citoyens, ayant lancé dès février l'Appel aux Sans Voix, série de forums dans tout l'Hexagone. Durant l'été, Keny Arkana se produit dans divers festivals, puis se lance à l'automne - après la réédition en octobre de L'Esquisse - dans la tournée La Tête Dans La Lutte, se produisant notamment à l'Olympia.
En novembre, elle interprète, lors de la cérémonie du Prix Constantin, « Nettoyage au Kärcher » (« Sortez les dossiers du placard : c'est à l'Elysée que se cache la plus grande des racailles », scande-t-elle dans le refrain). Julien Bordier rapporte, dans les colonnes de L'Express : « Keny Arkana lance les hostilités. La rappeuse déboule tel un pitbull : "Elle est où la plus grande racaille ? À l'Élysée !" Ses partenaires sortent des Kärcher et font mine de nettoyer un acolyte affublé d'un masque de Nicolas Sarkozy. On cherche en vain du regard la ministre de la Culture. On découvrira le lendemain, dans les colonnes du Parisien, qu'il fut sagement conseillé à Christine Albanel de s'installer dans la salle après la prestation de Keny Arkana ».
Cette prise de position contre le président de la République Nicolas Sarkozy - laquelle s'inscrit dans un engagement antilibéral de longue date - se retrouve dans le maxi La Désobéissance, une façon d'édito rapologique au contenu exclusivement politique et social, qui paraît en avril 2008. A la fin de ce même mois, elle apparaît sur un morceau écrit avec le groupe angevin La Phaze, intitulé « La Cause », mis en téléchargement libre sur le site du groupe.
Début juin, elle se lance dans une tournée, qu'elle entame en première partie de Manu Chao - qui partage avec elle des convictions politiques altermondialistes - pour une série de six dates, puis prolonge dans une tournée personnelle qui passe notamment par divers festivals européens durant l'été.
Six ans après son premier volume L'Esquisse paru en 2005, la rappeuse marseillaise livre une suite avec L'Esquisse 2, un album fleuve de vingt morceaux dont certains durent plus de sept minutes. L'opus édité en mai 2011 comprend notamment le duo « Marseille » avec Kalash L'Afro et RPZ, et se termine sur l'autobiographique « Odyssée d'une incomprise ». Une des voix les plus libres et cinglantes du rap français sort son deuxième album Tout Tourne Autour du Soleil en décembre 2012. Elle fait à nouveau la démonstration de sa liberté d'expression en 2016 avec un EP virulent, Etat d'Urgence, qui sonne comme un commentaire virulent sur la situation sociale dans l'Hexagone et sur le traumatisme post-attentat. Il est proposé sur son site internet à prix libre.