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Samson Pascal François naît le 18 mai 1924 à Francfort sur le Main, en Allemagne. Fils d'un employé du consulat de France, l'enfant s'initie au piano dès l'âge de deux ans et prend ses premières leçons en Italie avec Mascagni. Du conservatoire aux tournées mondialesLe prodige donne son premier concert à six ans avant d'émigrer avec sa famille à Belgrade, où il découvre Bela Bartok et décroche un premier prix de conservatoire dans la classe de Cyril Licar puis à Nice en 1932 et enfin à Paris en 1935. Le brillant élève recommandé par Alfred Cortot poursuit ses études à l'École Normale de Musique avec Yvonne Lefébure et Nadia Boulanger pour les cours d'harmonie. En 1940, il passe avec brio l'examen du conservatoire de Paris préparé avec Marguerite Long. Trois ans après, il est lauréat du concours Long-Thibaud.
La carrière professionnelle de Samson François commence véritablement après la Seconde Guerre mondiale. Lors de son premier récital donné en la salle Pleyel, il interprète le Concerto pour piano n°1 de Liszt. Le pianiste pris en main par le producteur et organisateur de concerts Walter Legge entame une tournée avec les Jeunesses Musicales de France et donne son premier concert américain en 1947 dans l'interprétation du Concerto pour piano n°5 de Prokofiev sous la baguette de Leonard Bernstein. La presse locale fait un accueil triomphal au pianiste français qui poursuit sa tournée par l'Angleterre où il se produit dans des usines, le Japon et même l'Union soviétique qui l'accueille en 1956. En 1964, il est le premier artiste à jouer dans la Chine de l'ère Mao Tsé Toung.Pianiste excentrique et impérialPianiste adulé à son époque, Samson François consacre la majeure partie de son activité aux tournées et ne vient que tardivement et parcimonieusement au disque. Apparu au même moment que le disque, il ne prendra pas l'habitude d'alterner les récitals aux séances en studio comme c'est actuellement le cas et ses enregistrements pour rares qu'ils soient restent légendaires. L'élève préféré d'Alfred Cortot qui passait plus de temps avec lui qu'avec n'importe quel autre jeune pianiste dégage une aura particulière et fascine l'assistance partout où il se produit. Ses interprétations, aujourd'hui regardées comme des modèles, divisèrent en leur temps la critique qui trouvait son style trop excentrique comme il en sera pour Glenn Gould.
Spécialisé dans le répertoire de piano romantique ou post-romantique des Chopin, Liszt, Schumann, Ravel, Debussy et Prokofiev, Samson François surnommé « Scarbo » (titre de la biographie de Jérôme Spycket) reste un maître au corpus d'oeuvres délimité mais dont chaque enregistrement a valeur de référence. Impérial dans Chopin (Études, Nocturnes, Préludes) ou les Études symphoniques de Schumann, il a transmis des versions intouchables de Gaspard de la nuit, du Concerto en sol ou du Concerto pour la main gauche de Ravel qui inspireront nombre de ses successeurs, de Claudio Arrau à Maurizio Pollini. Son unique rival contemporain reste l'immense Arturo Benedetti Michelangeli.
La concentration qu'exige son art n'empêche pas le pianiste de mener une existence turbulente faite de soirées, de fêtes et de conquêtes amoureuses. Le mariage avec Josette Bahvsar et la naissance de son fils Maximilien en 1955 assagit à peine le pianiste qui, au moment de jouer, donne le meilleur de lui-même. Son jeu qualifié de romantique, passionné et instinctif, donne lieu à des enregistrements mémorables comme le Concerto pour piano n°1 de Chopin avec l'Orchestre national de Monte-Carlo dirigé par Louis Frémeaux, distingué à sa sortie par un Diapason d'or ou les concertos de Ravel sous la baguette d'André Cluytens et son Gaspard de la nuit illuminé, récompensé par un Grand Prix de l'Académie du disque.
La mort du pianiste météorite le 22 octobre 1970 à seulement 46 ans prive les mélomanes de l'intégrale Chopin qu'il était sur le point d'achever et à laquelle ne manque que le premier Livre des Études. Après une alerte sous la forme d'un infarctus sur scène deux ans auparavant, une crise cardiaque laisse le piano français orphelin de sa plus grande figure. Son fils Maximilien Samson-François qui n'a alors que quinze ans écrira une biographie très documentée parue en 1985.
Pianiste au rayonnement intact, Samson François était aussi un compositeur toujours méconnu. Il a notamment composé un créé en 1951 à Besançon, le recueil Magies noires et la musique du film Ballade pour un voyou (1963) de Claude-Jean Bonnardot. Plus étonnant, ce grand amateur de jazz a aussi fait quelques musiques pour les chansons de Peggy Lee. Nul ne sait quelle aurait été l'évolution de celui qu'on surnommait le « poète du piano » mais une chose est sûre : son oeuvre aussi réduite soit-elle est encore illustre.