Né le 12 mars 1979 à Hexham, dans le Northumberland, Peter Doherty a grandi au sein d'une famille de militaires de carrière et rien ne semble le prédisposer à devenir l'une des icônes trash du début du début du XXIème siècle.
Suivant son père dans ses déplacements professionnels, le jeune Pete Doherty connaît l'enfance d'un expatrié entre l'Irlande, l'Allemagne et Chypre accompagné de ses deux s?urs aînées et de sa nurse. Dans son entourage, il laisse l'image d'un garçon surdoué mais peu travailleur ne se passionnant guère que pour la littérature et la poésie, domaines dans lesquels il excelle. Cette attirance pour l'art ainsi que les prémices d'une sexualité assez trouble provoquent un sentiment de rejet chez ses compagnons de classe. Adolescent solitaire, Doherty arrête sa scolarité à seize ans et multiplie dès lors les petits boulots pour survivre tout en grattant les cordes de sa guitare.
En 1996, sa s?ur Amy, toute aussi trash que lui, lui présente un camarade de squat, vaguement étudiant dans une école d'art dramatique, Carl Barât. Entre les deux garçons commence une relation passionnelle et ambiguë qui aboutit à la formation de The Libertines quelques temps plus tard en compagnie de Gary Powell, John Hassall et Anthony Rossomando, mais dont Barât et Doherty constituent à la fois l'âme et le c?ur.
Amateurs de littérature classique, les deux jeunes gens créent un univers imaginaire, Albion, inspiré de l'Arcadie mythologique mais revue version pudding et sauce à la menthe. Ce background constitue la pierre angulaire de l'univers créatifs de The Libertines qui commencent à tourner dans tout le pays avec leurs sonorités inspirées tantôt par le punk, tantôt par le Ska, mais s'inscrivant dans une tradition de britpop qui remonte aux Sex Pistols, aux Smiths et à The Jam. Dignes descendants de leurs vénérables ancêtres à la fois rebelles et dandys, The Libertines gagnent l'estime des rédacteurs du magazine New Musical Express qui voient en eux le renouveau du rock britannique. Up The Bracket, en 2002, est le premier album de ce groupe turbulent et qui alimente déjà les rubriques « scandale » des tabloïds britanniques. Il faut dire qu'entre Barât et Doherty, les relations sont loin d'être simples : lorsqu'ils ne se tombent pas dans les bras, les deux amis ont une fâcheuse tendance à détruire le mobilier environnant en se l'envoyant régulièrement au visage. Outre leur trouble relation intime, la drogue - dont les deux usent et abusent - n'est pas étrangère à ces colères homériques qui rythment le quotidien de The Libertines.
Dès 2003, les premiers heurts sérieux commencent à se produire entre Doherty et le reste du groupe qui supporte de moins en moins le scandale sur pattes, camé jusqu'à la moelle, qu'est devenu leur leader. Si la tournée européenne se fait sans lui, au plus grand désarroi des fans qui ne comprennent pas l'absence de Doherty, celui-ci commence à se produire en solo dans quelques bars américains. La même année, le divorce est consommé lorsque Doherty entre en cure de désintoxication afin de régler ses nombreux problèmes de santé. Sorti avant la date prévue, il peut désormais exhiber fièrement devant les caméras son certificat de soins intensifs prouvant sa guérison... avant de créer le scandale à nouveau en ravageant une chambre d'hôtel sous l'effet du crack et en cambriolant l'appartement de Barât, ce qui lui vaut deux mois de prison.
Ayant créé le groupe Babyshambles quelques mois plus tôt sur les conseils de l'ex The Clash Mick Jones, Doherty semble prêt à mettre fin à l'aventure Libertines mais son incarcération lui permet de renouer, via parloir interposé, avec Barât et ses anciens compagnons de route. Tout en poursuivant à tourner au sein de Babyshambles, Doherty redevient le chanteur de The Libertines pour les besoins de l'album du même nom qui s'offre une publicité inespérée en 2004 grâce aux frasques du leader vocal décidemment pas assagi pour un penny. Pendant l'enregistrement de l'album, la sécurité du studio doit, à plusieurs reprises, empêcher les deux hommes de se retrouver trop souvent dans la même pièce sous peine de les voir s'étriper mutuellement. L'album est un succès, mais au terme de la tournée de promotion, Barât annonce la fin de The Libertines. Lui-même forme par la suite un autre groupe, Dirty Pretty Things.
Doherty, quant à lui, continue à évoluer au sein du combo Babyshambles, mais c'est surtout sa relation houleuse avec le top model Kate Moss qui fait couler autant d'encre que de crack dans les veines du chanteur. Malgré une annonce de mariage entre les deux tourtereaux, une photo volée par un paparazzi du Daily Mirror et publiée en une de ce journal montre le mannequin en train de...se repoudrer le nez à la cocaïne. Fin des haricots pour le couple dont la cohérence commence à battre de l'aile suite à la pression de l'opinion et à la crainte de Kate Moss de perdre ses contrats avec les grandes marques dont elle est l'égérie.
Si cela assure une promotion certaine à l'album Down in Albion des Babyshambles, Doherty, lui, s'enfonce encore un peu plus dans la drogue et la dépression, d'autant que malgré son jeune âge, il est déjà père de famille depuis quelques années et que sa précédente relation avec la chanteuse Lisa Moorsih s'est elle aussi conclue par un échec cuisant. Un « rockumentaire » consacré au chanteur par le journaliste Max Carlish vaut à nouveau à Doherty de finir dans le panier à salades, ce dernier s'étant violemment battu avec le documentariste (qui, il est vrai, n'a pas fait montre de particulièrement d'élégance en revendant quelques photos de tournage compromettantes à la presse). S'il évite la prison, Doherty doit cependant verser de colossaux dommages - intérêts à Carlish pour éviter de retourner quelques temps derrière les barreaux.
Musicalement, la tournée des Babyshambles est un véritable succès, alimenté par les innombrables polémiques autour du chanteur qui, par ailleurs, se produit parallèlement en solo à plusieurs reprises (dans un cinéma porno, en Autriche, mais aussi au Royal Albert Hall de Londres... avec plusieurs semaines de retard sur le planning, Doherty ayant passé quelques temps en prison entre-temps pour une sombre affaire de cambriolage raté). S'il profite de ce concert pour annoncer officiellement ses fiançailles avec Kate Moss à son public, il doit déchanter lorsque celle-ci lui déclare leur rupture quelques mois plus tard à un mois de leur mariage. L'album Shotter's Nation des Babyshambles sort en octobre 2007, alors que Doherty accuse encore le coup de l'une des ruptures les plus médiatisées de Grande-Bretagne (Doherty constituant, aux côtés de la famille royale, l'un des clients récurrents les plus croustillants pour les tabloïds grand-bretons).
Si on le revoit aux côtés de Barât lors de quelques prestations en public (laissant planer le doute sur une éventuelle reformation de The Libertines), Doherty consacre le début de l'année 2008 à l'écriture de son propre album solo... dont l'enregistrement est repoussé pour cause d'incarcération (Doherty n'ayant pas respecté sa précédente liberté sous caution). Un séjour à l'ombre qui se passe d'ailleurs très mal, contraignant ses avocats à exiger sa mise en sécurité dans une autre maison d'arrêt, dans laquelle ses codétenus n'essayeraient pas de le lyncher à tout bout de champ.
Finalement libéré sur parole en mai 2008, Doherty, après avoir paradé devant la presse en exhibant un certificat établissant sa non-prise de drogues pendant son séjour carcéral) s'attelle sérieusement à l'enregistrement de son album solo à l'automne. Grace/Wastelands est finalement achevé pour paraître le 16 mars 2009. C'est dans un tout autre contexte que le chanteur se présente en 2016 pour l'album suivant, Hamburg Demonstrations. Exilé à Paris et profondément marqué par le décès de son amie Amy Winehouse, il s'éloigne de ses démons, participe à la reformation des Libertines et se donne le temps de concevoir un album d'une sage élégance. Conçu en Allemagne avec le producteur Johann Scheerer, il s'appuie sur des titres sensibles comme « I Don't Love Anyone (But You're Not Just Anyone) » ou « Flags of the Old Regime ».