Le groupe I Muvrini (« Les petits mouflons », en corse) est né du projet de deux frères originaires de la région de Bastia, Jean-François et Alain Bernardini. Leur père, Jules (dit Ghjuliu) est menuisier, mais également poète corsophone réputé et musicien : c'est avec lui que les frères découvrent les musiques traditionnelles de la Corse et apprennent l'art de la polyphonie. Dès le début des années 1970, les deux fils de Jules Bernardini l'accompagnent lors de concours de chant. En 1979 (Jean-François a alors dix-neuf ans et Alain, dix-sept) sort leur premier disque, Ti Ringrazianu, dans lequel ils rendent hommage à leur père disparu deux ans plus tôt.
Si les débuts du duo sont difficiles, leurs premiers 45-tours étant quasi-autoproduits, le succès ne vient qu'au cours des années 1980 : attachés à la défense de la langue et de la culture corses, les deux frères sont également engagés sur le terrain politique et le titre de leur disque Anu da Vulta (« Ils reviendront ») fait explicitement référence aux « prisonniers politiques » de l'époque. Mal vus à l'époque par les autorités, le groupe est victime d'arrêtés lui interdisant de se produire dans certains villages corses.
Les frères Bernardini ne se découragent pas : en 1981, l'album E Campa Qui bénéficie du soutien des radios libres, alors en pleine expansion. C'est avec Lacrime, en 1984, que le groupe décolle vraiment : portés par le succès de l'album, les frères Bernardini créent une petite structure de production afin de garantir leur indépendance de création. Le passage d'I Muvrini au Printemps de Bourges, en 1985, contribue à élargir leur audience.
Se produisant en concert à Paris, les chanteurs de Bastia acquièrent progressivement une notoriété européenne. Le groupe s'élargit bientôt : outre Stéphane Mangiantini, qui assure les choeurs, les frères Bernardini sont rejoints par un ensemble de musiciens très variés, choristes et instrumentistes, qui contribuent à la richesse artistique de leur production. En 1988, l'album Pe l'Amore di Te est un triomphe, s'écoulant à plus de 300 000 exemplaires.
Les membres d'I Muvrini bénéficient dans l'Île de Beauté d'une popularité impériale, que confirme leur tournée de 1993, qui rassemble en Corse plus de 80 000 personnes, soit l'équivalent du tiers de la population insulaire. En 1995, l'album Curagiu atteint le statut de Disque d'or. A la même époque, Jean-François Bernardini et son groupe élargissent leur horizon et glissent insensiblement vers le créneau de la world music : en 1998, leur album Leia comprend un duo avec Sting, « Fields of Gold ».
Tout en continuant de se positionner fièrement sur le créneau de la culture corse et à participer à de nombreux évènements liés au patrimoine insulaire, les Muvrini multiplient les collaborations avec des musiciens que l'on n'attendait pas du côté de Bastia ou d'Ajaccio, comme Anggun ou Cheb Mami et pratiquent volontiers le métissage musical.
L'année 2003 vient couronner le chemin parcouru par I Muvrini, quand le groupe remporte une Victoire de la musique dans la catégorie « Album reggae, ragga, world de l'année » pour l'album Umani (ex-aequo avec Françafrique de Tiken Jah Fakoly) et remplit le Zénith de Paris dans la foulée. En 2005, à l'occasion de l'album Alma, l'évolution musicale du groupe se fait encore plus sensible avec l'arrivée au sein du groupe du guitariste ivoirien César Anot, qui assure également choeurs et arrangements.
Bien que parfois critiqués pour leur parcours, certains traditionalistes de la musique corse les considérant désormais comme trop intégrés au système et au modèle artistique dominant, les membres d'I Muvrini n'en demeurent pas moins des défenseurs ardents de leur île natale, dont ils s'emploient à faire valoir le patrimoine. Ce dont témoigne l'album Gioia publié en 2010 et venant célébrer trente ans de carrière. Enregistré dans le studio du groupe à Tagliu Isulaccia, Gioia (« joie ») comporte le duo « Una Terranova » avec Grand Corps Malade et accueille Thomas Dutronc. Les frères Bernardini se produisent le 27 mars au Zénith de Paris avant de partir en tournée.
Célébrant toujours son île avec autant d'ardeur, I Muvrini voit Imagina en 2012 comme un train d'union entre la Corse et le reste du monde. Le groupe qui chante la paix et la fraternité depuis ses débuts enchaîne avec Invicta (2015) et Pianetta (2016). Ce dernier, agrémenté d'un livre pour enfants, est consacré au sort en danger de la planète bleue.