C'est à Dakar que Claude Honoré M'Barali voit le jour, le 5 mars 1969. Enfant de parents tchadiens installés au Sénégal, il ne reste cependant pas très longtemps sur le continent africain puisque quelques mois à peine après sa naissance, la famille M'Barali s'installe en banlieue nord de Paris. Tout en entamant une scolarité sans histoires, l'adolescent découvre au contact des clansde Villeneuve-Saint-Georges les concepts de hip-hop, de Zulu Nation et les grands principes énoncés par Afrika Bambaataa (« peace, respect and having fun »).
Se prenant d'affection pour ce genre de musicalité suburbaine, il commence à développer son sens du freestyle, à scratcher, à sampler, à smurfer et à écouter les quelques émissions de hip-hop sur les radios périphériques - notamment Radio Nova. Dans les années 1980, si le rap raconte déjà le ghetto et la violence sociale, il le fait de manière calme, appelant à la tolérance, au respect et à la fraternité. À l'époque, ceux qui « niquaient la police » étaient peu nombreux et le mouvement « zulu » se voulait avant tout festif et joyeux. S'étant vu proposer d'intervenir régulièrement dans une émission de radio animée par Dee Nasty, celui qui a d'ores et déjà adopté le pseudonyme de MC Solaar teste ses propres compositions à l'antenne et acquiert une petite notoriété dans le petit milieu hip-hop, ce qui suffit à quelques producteurs pour repérer l'un de ses titres, « Bouge de là », clé de voûte d'un futur album, Qui Sème Le Vent Récolte Le Tempo ».
En 1990, ce premier titre connaît un tel succès qu'il obtient un disque de platine et vaut une importante couverture médiatique au phénomène hip-hop. D'autres morceaux tirés de l'album s'imposent également comme des standards, de « Caroline » à « Victime de la mode » en passant par « Quartier nord ». Paroles recherchées, jeux de mots, samples aisément reconnaissables et paroles poétiques sont les marques de fabrique de l'artiste qui, en dépit de son succès, essuie de vives critiques de la communauté hip-hop : il serait un « bounty », un traître qui « fait du rap pour les petits blancs ».
Les années suivantes voient le « gentil » MC Solaar quelque peu relégué au profit de groupes plus « méchants » comme NTM ou Assassin, alors même qu'à l'instar des rappeurs américains, la France du hip-hop se sépare en deux clans géographiquement et culturellement distincts, les « Marseillais » (dont IAM constitue le fer de lance) et les « Parisiens » (dont NTM, Assassin et le Ministère A.M.E.R constituent les principaux porte-parole). MC Solaar, pour sa part se voit un peu oublié jusqu'en 1994, date de sortie de son deuxième album Prose Combat, porté par le titre « Nouveau western », basé sur un sample de Serge Gainsbourg (« Bonnie & Clyde »). S'il s'avère nettement plus sombre et moins léger que son prédécesseur, Prose Combat n'en reste pas moins « solaarien » dans l'esprit : textes fouillés, références culturelles en forme de clin d'?il et samples malins. L'album rencontre lui aussi le succès, mais classe désormais son auteur totalement à part du mouvement hip-hop, qu'il ne côtoie d'ailleurs que de loin.
En 1997, il résumera dans le magazine Zoo son opinion sur la nouvelle génération de rappeurs : « Ce sont de petits cons qui veulent ressembler aux Américains ». À cette époque, MC Solaar est devenu une personnalité : son aventure avec Ophélie Winter fait la « une » de la presse people et on le voit régulièrement aux concerts des Enfoirés. La même année, l'album Paradisiaque confirme la tendance « harmonique » prise par MC Solaar, qui oscille toujours entre tendresse (« Paradisiaque », « Les Temps Changent ») et ironie mordante (« Les Boys bandent »).
Tandis que l'américanisation du rap français bat son plein, MC Solaar se désolidarise complètement de ce milieu en s'affichant ouvertement dans des émissions de variétés. En 1998, l'album MC Solaar, plus intimiste, dévoile une grande partie de la vie et de l'intimité du rappeur. Il est suivi de près par Le Tour de la Question. En 2001, Cinquième As, même s'il n'est pas le succès escompté malgré une campagne de lancement pharaonique, confirme le tournant de la carrière de MC Solaar qui, s'il rappe toujours, ne le fait plus sur des sons hip-hop.
Mais, au milieu des années 2000, un nouveau phénomène intervient dans l'univers artistique : celui du développement des logiciels de partage et de téléchargements illégaux. Alors que les majors du disque s'indignent de la gratuité possible de la musique, MC Solaar se veut pédagogique. Il s'oppose au téléchargement gratuit mais contourne les méthodes des pirates en composant spécialement pour l'occasion un morceau inédit dans lequel il explique les conséquences du téléchargement sur la créativité des artistes. Ce morceau se retrouve ainsi téléchargé à des milliers d'exemplaires peu avant la sortie de Mach 6 et, en sus de l'avertissement aux fraudeurs, permet aux amateurs de disposer d'un titre inédit de MC Solaar, ce qui contente tout le monde, l'artiste et ses fidèles.
Album thématique et afro-centré, Mach 6 décrit une Afrique magnifiée, sorte de paradis perdu au rythme de sons résolument nostalgiques. Album-concept basé sur une thématique géographique et culturelle, il précède de quatre ans Chapitre 7, consacré cette fois à New York et porté à bout de bras par le titre « Da Vinci Claude », morceau ironique parodiant le best-seller de Dan Brown et faisant un condensé des différentes légendes urbaines. Avec cet album, MC Solaar adopte un ton très léger, résolument pop - même si son phrasé reste inspiré par le rap - et laisse à libre disposition un titre qui n'est au final qu'un sample tournant en boucle.
Auteur, compositeur et interprète totalement à part du milieu rap, MC Solaar, s'il n'est plus totalement intégré au milieu rap, a eu le mérite de faire la jonction entre le rap traditionnel à base de flow et de samples et la chanson française à textes traditionnelle. Auteur doué, même s'il cède parfois à la tentation du jeu de mots facile, il fait figure de vétéran et de parrain de la scène rap française.