C'est Harlem, quartier traditionnellement associé à la musique noire de la côte est des États-Unis, qui voit naître Richard Melville Hall le 11 septembre 1965, au sein d'un foyer porté davantage sur la science et la médecine que sur la musique. Sa lointaine ascendance avec l'auteur de Moby Dick lui vaut très rapidement le surnom sous lequel il fera plus tard carrière. Son père décède lors d'un accident de voiture alors que l'enfant n'a que deux ans ; sa mère décide de quitter New York et la famille part s'installer auprès des grands-parents du garçon, dans le Connecticut.
Bientôt, Richard Hall se lance dans la musique punk en créant le groupe The Vatican Commandos au début des années 1980, qui s'inspire deThe Clash et autres Sex Pistols. Il est par ailleurs membre d'un groupe de post-punk nommé AWOL. Les deux formations enregistrent un disque, l'EP de Vatican Commandos (Housewives on Valium) étant d'ailleurs réalisé grâce à son premier enregistreur quatre-pistes. Ses premiers contrats dans quelques clubs du Connecticut, puis de l'état de New York, ne lui permettent cependant pas de vivre correctement et Moby connaît très rapidement la réalité des squats, des colocations virant à la promiscuité et des plans à deux sous pour trouver un logement dans une Big Apple subissant déjà la crise immobilière. Des contrats de DJ le tirent un peu de l'embarras, mais n'améliorent que peu son ordinaire.
La décennie 1990 sera très différente de celle que vient de traverser l'artiste. Le jeune homme entre dans les bonnes grâces du collectif The Brotherhood, qui l'invite à mixer sur son album Time's Up, lequel rencontre un vrai succès dans les clubs d'autant que le personnage au crâne lisse et à lunettes s'y entend en matière de mise en scène et de recyclage de thèmes connus : Erasure, Twin Peaks sont autant d'inspirations pour le DJ qui évolue sous une multitude de pseudonymes pour jongler entre les labels (Barracuda, Voodoo Child, DJ Cake...). Ainsi de l'album Instinct Dance, présenté comme une « compilation » des sets de plusieurs DJ derrière lesquels se cache en réalité le seul Moby (le marché des compilations battant son plein dans le milieu de la house, le jeune homme a dû quelque peu feinter pour produire son propre disque sous plusieurs identités différentes).
En 1992, l'album Moby connaît un petit succès local et se trouve salué par la critique spécialisée, mais ne s'écoule guère en dehors du petit monde des clubs. De fait, le compositeur enquille les albums qui ne recueillent, au mieux, que les bonnes notes des initiés. Le travail de l'artiste n'est guère à remettre en cause (les rééditions d'album dues à son succès, quelques années plus tard, le prouvent), mais le public, lui, n'est pas au rendez-vous. Trop élitiste, trop segmentante, difficile à appréhender à la première écoute et surtout, pas assez « grand public », la musique de Moby ne se vend guère, d'autant que le petit monde de l'electro est alors trusté par les grosses machines commerciales allant de l'euro-dance au phénomène des boys bands, qui laissent les créateurs authentiques loin derrière.
La tentative de faire un disque entièrement lounge pour coller à l'esprit du temps (Ambient) est un échec et Moby, énervé, se décide à revenir à ses premières amours : le punk rock avec, en 1995, un très furieux Animal Rights qui subit les foudres de la critique et déstabilise le public de l'artiste, trop surpris par ce disque. Qu'importe, Moby est désormais perçu comme un électron libre dans le milieu des DJ et la critique commence à suivre avec attention la carrière de ce petit prodige qui ne paye pas de mine. I Like to Score est son premier véritable carton. Pourtant, en soi, l'album n'est pas d'une originalité étouffante, Moby s'étant contenté de remixer quelques airs connus et de les ciseler façon electro. La formule est éprouvée mais elle fonctionne. Désormais lancée, la fusée Moby est en route vers les étoiles. En 1999, Play obtient enfin la consécration que l'artiste attendait depuis des années. Succès en club, triomphe public, l'artiste fait désormais partie des incontournables de l'electro alors qu'il entame son trente-sixième anniversaire en regardant, tétanisé et en état de choc, les tours du World Trade Center s'effondrer.
À l'image de l'Amérique et d'une grande partie du monde, Moby est profondément marqué par l'événement et le traumatisme s'en ressent dans ses compositions ultérieures, que ce soit à l'occasion de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques d'Hiver de 2002 ou dans les morceaux de 18, son album sorti la même année. Dans un registre plus léger, le soudain succès de Moby et sa médiatisation rapide lui valent les foudres d'un des plus grands provocateurs de la scène hip-hop : Eminem. En effet, entre le petit intello à lunettes végétalien proche du milieu gay new-yorkais et l'insolent bad boy de Detroit, au personnage homophobe et misogyne, le courant ne passe pas. Moby reprochant à Marshall Mathers son homophobie et se voit « clashé » par ce dernier dans la chanson « Withouth Me » se moquant des amateurs de techno. Mais en dépit des piques d'Eminem, il ne donne pas suite, se contentant de reconnaître le talent d'auteur et de provocateur du rappeur du Michigan.
Un combat qui s'achève faute de combattants, car Moby et Eminem se retrouvent sur une même ligne de vue électorale dès 2003 : faire battre George W. Bush en soutenant massivement John Kerry. À ce jeu, Moby est clairement plus efficace qu'Eminem, créant un réseau de blogs, de sites internet et de forums de discussions à travers toute la toile, essayant de remuer le camp démocrate et payant même des spots de publicité de sa poche sur le thème de la guerre en Irak, avec le slogan « He Lied, They Died » (« Il a menti, ils sont morts »). En vain, puisqu'en 2004, « Double U » s'installe à nouveau dans le bureau ovale.Se remettant de la défaite de John Kerry et des « quatre années de plus » triomphalement annoncées par le camp républicain, le musicien s'attelle à nouveau à la composition, aboutissant à l'album Hotel, disque électro-acoustique dans la veine de 18 (qui le voyait, sur scène, courir partout, guitare à la main, comme un hard-rockeur). Une tournée mondiale s'ensuit au cours de laquelle le compositeur en profite pour sensibiliser son public aux thèmes sociaux qui lui sont chers : pacifisme chrétien, végétalisme et protection des animaux.
S'il reprend occasionnellement sa casquette de Voodoo Child pour quelques albums expérimentaux, Moby évolue surtout dans un domaine à la fois electro et acoustique, mêlant les ambiances pop, rock et country aux samples habituels. En 2006, contacté par Mylène Farmer, il accompagne la rouquine volcanique en duo sur une reprise de « Slipping Away » au moment où sort Go: The Very Best of Moby, une compilation assez complète de ses meilleurs titres (n'oubliant pas de piocher dans ses tout premiers albums, restés confinés au milieu de l'electro à l'époque).
En mars 2008, Moby s'essaie à un style plus dance dans Last Night, qui ne parvient pas à convaincre totalement. Il revient à sa marque de fabrique avec l'album Wait for Me (juin 2009) et ses ballades electro mélancoliques. Au printemps 2010 sort la séquelle Wait for Me Remixes, livrant son récent opus de tendance pop aux mains de remixeurs comme Laurent Wolf, Chaps, Chuckie ou Carl Cox. L'année suivante, le successeur Destroyed marque un certain retour aux sources dans un style plus expérimental. L'album est le pendant musical d'un recueil de photos de l'artiste.
Deux ans plus tard, en 2013, l'album Innocents fait pour la première fois appel à des voix contemporaines extérieures, celles de Wayne Coyne (The Flaming Lips), Damien Jurado, Skylar Grey, Mark Lanegan et Cold Specks. En juin 2016, la sortie de son autobiographie Porcelain, d'après l'un de ses titres, sert de prétexte au double album de compilation Music from Porcelain, partagé entre ses morceaux les plus connus et ses préférences chez d'autres artistes. En octobre 2016, Moby renoue avec ses racines punk rock en publiant l'albumThese System Are Falling, mêlant sa passion pour Joy Division avec des synthétiseurs crasseux, dans l'esprit des groupes originaires de Sheffield et de Manchester dans les années 1980. Deux ans après, son successeur Everything Was Beautiful, And Nothing Hurt, qui tire son nom d'un recueil de science-fiction signé Kurt Vonnegut, s'inscrit à nouveau dans la ligne electronica et comprend la participation vocale de Raquel Rodriguez.