Sa simplicité émeut. Ses chansons, aussi. Elles lui ressemblent. Vianney a l'élan et l'allant généreux. Itinéraire sans faille et sans frasque depuis les débuts tambour- battant d'Idées blanches en 2014. Rafleur de tubes et de tournures marquantes (Pas là, Veronica, Je te déteste), premiers pas scéniques solo et assurés, capital sympathie immédiat, valeurs solides et fidèles. Lui garde la tête froide, ne court pas derrière le succès, trimballe inlassablement un enthousiasme communicatif, laissant aux autres le créneau des existences tapageuses. Rien ne filtre jamais de son nuage privé, sauf en musique. Cette intégrité ne trompe pas. De bonnes vibrations et une adhésion du grand public. Vianney est une météorite : une réussite aussi brillante que fulgurante. Qui s'installe, dans la durée. Quelques mois après un sacre de meilleur interprète masculin aux Victoires de la musique 2016 et une première tournée joliment bouclée, le Parisien ne descendra pas des cimes avec un album éponyme, plus produit et tracté par la ballade attrape-cœur Je m'en vais – nouvelle statuette dans sa besace comme meilleure chanson – les titres chaloupés Moi aimer toi et Dumbo et un Fils à Papa qui remet quelques pendules à l'heure. 850 000 exemplaires vendus du disque, difficile d'appeler ça autrement qu'un carton.
Il a des fidèles de toutes les générations, le chanteur francophone le plus diffusé sur les ondes au cours de l'année 2017 (Je m’en vais), 2018 (La même) et 2019 (Allez reste). Ses chansons sont pourvues d'une nature résolument fédératrice. Simples, profondes, uniques, universelles, légères, rassurantes. Un style, une patte. Il y a la dynamique irrésistible de ses concerts, leur chaleur. Aussi à l'aise dans un Bercy rempli deux soirs d'affilée que dans des écrins intimistes. Ou capable de rendre la pareille à Foé, son camarade de maison de disques, en assurant sa première partie lors de sa date parisienne au Café de la Danse. Seul à la guitare, en toutes circonstances. Chez Vianney, une force de conduire sa propre carrière, une affirmation de son désir. Lorsqu'il enclenche la touche pause pour se mettre à distance de son « moi », ce n'est pas pour faire l'école buissonnière. La liberté comme moteur de choix, il écrit pour Kendji Girac, Patrick Bruel, s'invite sur un titre de Boulevard des airs (Allez reste). Et pète tous les plafonds dans un duo avec Gims (La même), qui squatte durant dix semaines la tête des ventes tout en cumulant 175 millions de vues sur YouTube. Choix toujours de s'ériger en pygmalion de la petite pépite Erza Muquoli, pour laquelle il cisèle un album sur-mesure.
« On n'a pas le temps de se lasser/On n'a pas le temps de se tasser/On n'a pas le temps de languir/On n'a pas le temps mais des années/On n'a pas le temps mais la paix/On n'a pas le temps de languir/ N'attendons pas de vivre ». Carpe diem groovy et chœurs amazones en guise de retour, en adéquation avec son état d'esprit épicurien, écrit initialement pour Johnny Hallyday et marqué par l'ardeur contagieuse de la voix. Pour Vianney, la chanson n'est pas question de testostérone, de muscles, de frime mais juste un abandon intime, exigeant, minutieux jusqu'à l'obsession. Ce troisième album, organique et enregistré dans son propre studio de la banlieue nord-ouest parisienne, perpétue donc ces noces ferventes entre l'artisanat et la chanson. Unique commandant à bord, le chanteur ne se repose sur aucune béquille, gérant même cette fois-ci les arrangements de cordes. « Il n'y a qu'une seule idée qui m'obnubile, c'est celle de progresser. La maîtrise de mon travail et de ce que j'ai tête, je ne pense qu'à ça tout le temps. C'est dans l'adversité que j'ai le sentiment d'être vivant », assure-t-il.
Les voyants sont au vert côté cœur à l'image de ce Pour de vrai, ballade up-tempo qui prône, à rebours de l'époque et dans une ambiance coin du feu, l'engagement sur le long terme. Ou cette Fille du Sud, alliance essentielle à son équilibre. Ou encore Beau-papa, merveille affective au sujet de sa paternité par procuration. Vianney, décidément brillant pour faire vibrer la corde sensible, glisse également deux missives à la fois pudiques et émotionnelles : l'une adressée à son grand-père disparu il y a trois ans (Tout nu dans la neige), l'autre à un ami sans-abri (Merci pour ça). Elle ne déborde jamais cette plume racée qui convoque également la beauté de l'échec (J'ai essayé) et l'offrande humaniste (Pardonnez-moi). Mais ne se prive pas, non plus, de griffer pour effectuer quelques mises au point (Les imbéciles, Mode). « Mode ne parle pas que de l'époque, ça évoque aussi le métier et sa manière de penser. Il se trouve aussi que faire de la chanson française aujourd'hui, cela devient un contre-courant, il n'y en a que pour le rap ou a la trap. Le streaming ne rémunère que l'urbain et les mecs comme moi. Donc tous les autres meurent ? C'est ce genre de scandale qui provoque des modes ».
Lui continue de traverser le temps sans jamais se plier aux dictatures des modes ni aux servitudes volontaires acceptées par beaucoup de ces contemporains. Un homme définitivement libre, désormais prêt à s'ouvrir à d'autres forces vives pour les scènes à venir.