C'est le 10 juin 1942 que Chantal de Guerre voit le jour à Shole, près de Saïgon, en Indochine française, au sein d'une famille installée en Asie depuis les années 1920. La future chanteuse connaît une petite enfance heureuse au sein d'une nature magnifique. Mais la vie de sa famille est perturbée, tout d'abord par l'invasion japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, puis par le début de la guerre d'Indochine. En 1946, sa famille est évacuée comme d'autres colons français et traverse les mers d'Asie en bateau avant de débarquer à Marseille : c'est ce qui amènera plus tard la chanteuse à considérer l'année 1946 comme sa « seconde naissance ».
La famille s'installe à Paris, où Chantal grandit. À douze ans, sa mère étant tombée malade, elle doit s'occuper de son frère et de ses trois s?urs : la future Chantal Goya prend déjà goût à amuser les enfants. En 1962, elle est jeune fille au pair en Angleterre, chez le duc et la duchesse de Bedford, et assiste à des réceptions fastueuses où sont notamment reçues des vedettes comme le groupe The Beatles. Projetant de devenir journaliste, elle est finalement détournée de sa vocation initiale par la rencontre de son futur mari-manager et époux : Jean-Jacques Debout.
Celui-ci, compositeur pour Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, mais également chanteur lui-même (il a remporté un joli succès avec le titre « Les Boutons dorés »), fait partie des étoiles montantes de la scène française. Rencontrant Chantal Goya à une fête chez Eddie Barclay, il la demande aussitôt en mariage et lui prédit un avenir dans la chanson. Ne prenant pas très au sérieux ce garçon un peu fantasque et n'imaginant pas devenir chanteuse, elle lui laisse quand même son numéro de téléphone. Elle passe à nouveau quelques mois en Angleterre, avant de tomber à nouveau sur Jean-Jacques Debout, qui a composé en pensant à elle la chanson « Nos doigts se sont croisés » : le titre lui vaut de remporter le premier prix au festival de la Rose d'or à Antibes.
Une idylle naît entre les deux jeunes gens. Grâce à des relations, Chantal Goya entre en contact avec l'éditeur de presse Daniel Filipacchi, qui fait d'elle une sorte d' « égérie » de son nouveau magazine, Mademoiselle âge tendre. Celle qui désire toujours devenir journaliste intègre la rédaction, mais essentiellement en qualité de mannequin, apparaissant régulièrement en photo, voire en couverture. Lui trouvant un air de famille avec un petite fille représentée sur un tableau de Goya, Jean-Jacques Debout rebaptise sa fiancée du nom de scène de Chantal Goya, qui ne tarde pas à débuter dans la chanson, sous la férule de son ami et du guitariste américain Mickey Baker : en décembre 1964 sort son premier disque, « C'est bien Bernard ». Chantal Goya devient l'une des icônes yé-yé promues par le magazine Salut les copains et ses disques s'exportent jusqu'au Japon, où la jeune brunette fait figure d'archétype de la petite française.
Un passage télévisé lui vaut même l'attention du cinéaste Jean-Luc Godard, alors l'une des gloires de la Nouvelle Vague : Chantal Goya se voit engagée pour tenir l'un des rôles principaux du film Masculin, féminin (1966), où elle donne la réplique à Jean-Pierre Léaud et Marlène Jobert. Elle interprète en outre les chansons du film et connaît un surcroît de publicité grâce aux soucis du film avec la censure. S'intéressant désormais davantage au métier de comédienne qu'à sa carrière de chanteuse, elle tente les castings, mais ne décroche pas de rôles majeurs. Chantal Goya met alors ses ambitions artistiques sous le boisseau pour se consacrer à ses deux enfants, nés respectivement en 1966 et 1968. Elle revient de temps à autre sur les plateaux de tournages, notamment dans L'amour c'est gai, l'amour c'est triste (1968) de Jean-Daniel Pollet, mais le temps de la gloire et de la fortune semble déjà loin pour le couple de jeunes trentenaires, désormais retirés à la campagne. Après une première comédie musicale, Jean-Jacques Debout rebondit en composant des musiques et des numéros musicaux pour les émissions de télévision de Maritie et Gilbert Carpentier. De son côté, Chantal Goya se remet à la chanson en enregistrant le disque « Les Boules de neige ».
En 1974, Chantal Goya fait un retour impromptu sur le devant de la scène à l'occasion d'une émission de variétés dont Sylvie Vartan est la vedette : Brigitte Bardot, qui devait chanter avec elle « Les Petites filles modèles », interprète finalement ce duo avec Chantal Goya, au pied levé. L'année suivante, elle participe à une émission consacrée à Carlos et interprète le titre « Adieu les jolis foulards », accompagnée par les enfants de son village. La prestation de Chantal Goya charme les spectateurs, dont beaucoup écrivent à la télévision pour demander son retour : Jean-Jacques Debout et son épouse décident alors d'enregistrer la chanson sur disque. Après plusieurs refus, c'est le label RCA qui se lance dans l'aventure, pour écouler à l'arrivée un million de disques. La carrière de Chantal Goya est relancée et son registre d' « amie des enfants » définitivement trouvé.
Si elle enregistre encore quelques titres non destinés au jeune public (« Prends une rose » en duo avec Guy Mardel ; « Notre chagrin d'amour »), Chantal Goya est désormais essentiellement une chanteuse pour enfants. C'est le temps de « Le Lapin » (et son célèbre refrain « Ce matin un lapin a tué un chasseur »), de « Allons chanter avec Mickey », qui la voit poser en photo avec le personnage de Disney et de « Voulez-vous danser, grand-mère ? » : Chantal Goya est partout sur les ondes et ses disques se vendent comme des petits pains, en France et dans plusieurs pays européens.
À partir de 1976, Jean-Jacques Debout et son complice Roger Dumas conçoivent des saynètes télévisées, puis des spectacles où Chantal Goya incarne le personnage de Marie-Rose, mélange de gentille grande s?ur et de Mary Poppins, qui emporte les enfants dans des voyages et des aventures tendres et féériques. Les titres de Chantal Goya mettent régulièrement en scène des personnages populaires de récits pour enfants : ont droit à ces honneurs Guignol, Tintin, Babar, le Chat Botté, Snoopy et surtout Bécassine, que la chanteuse remet à la mode avec son fameux refrain « Bécassine, c'est ma cousine ».
Omniprésente à la radio et à la télévision, Chantal Goya s'exporte désormais sur scène avec des spectacles destinés aux enfants. En décembre 1979, la comédie musicale La Forêt magique est jouée à l'Olympia à guichets fermés avant de partir en tournée. Deux ans plus tard, Le Soulier qui vole remplit le Palais des Congrès. S'inspirant des recettes des shows américains, Jean-Jacques Debout s'emploie à créer un monde féérique dont son épouse est la vedette et l'ornement. Nouveau triomphe en 1982 avec La Planète merveilleuse, qui attire plus d'un million de spectateurs.
Dans la première moitié des années 1980, Chantal Goya enchaîne les tubes (en 1984, « Snoopy » est disque de diamant et de platine), anime des émissions de télévision (le spectacle La Poupée en sucre, sur TF1) et se voit très régulièrement invitée sur le plateau des émissions pour enfants (Récré A2, Vitamine, etc.). Fin 1984, le couple Debout-Goya lance son nouveau spectacle, Le Mystérieux voyage de Marie-Rose, énorme spectacle avec six décors gigantesques, des dizaines de danseurs et un gros budget. De ce fait, l'?uvre est tout juste rentable mais n'en attire pas moins un public nombreux. Le spectacle débute au Palais des Congrès puis tourne partout en France - ainsi qu'en Belgique où il est vu par 50 000 spectateurs en une semaine - durant toute l'année 1985. Ce gigantesque show est l'apogée de la carrière de Chantal Goya.
Le 13 décembre 1985, la chanteuse est l'invitée de l'émission de télévision Le Jeu de la vérité, présentée par Patrick Sabatier, où une vedette est censée répondre en direct aux questions des téléspectateurs. Recevant les caméras dans son costume de Marie-Rose, au milieu des décors du spectacle, Chantal Goya est surprise, puis déboussolée par l'agressivité des questions, le standard passant essentiellement à l'antenne des appels d'adultes excédés par des chansons qu'ils jugent abêtissantes. La chanteuse tente de donner le change en amusant les enfants présents dans le studio - et invisibles à l'image, ce qui donne l'impression que Chantal Goya fait des singeries dans le vide - avant de perdre définitivement son sang-froid face aux questions d'une institutrice. Le lendemain, les médias se font largement l'écho du « pétage de plombs » de Chantal Goya, dont la « stupidité » lui vaut de se faire brocarder par des humoristes comme un symbole de stupidité et de niaiserie. La tournée continue, mais les ventes de billets baissent (bien qu'il n'y ait pas eu de vague d'annulations), entraînant une fin prématurée pour le spectacle.
Chantal Goya dira plus tard avoir été victime d'un traquenard de la part de l'émission, qui ne lui aurait délibérément passé que des appels hostiles : quoi qu'il en soit, la chanteuse se fait pour un temps rare à la télévision, préférant s'occuper de son mari, sérieusement déprimé par l'affaire. En 1986, elle reprend Le Mystérieux voyage de Marie-Rose. Le public est toujours là bien que le nombre de représentations ait diminué, mais les ventes de disques baissent sérieusement. L'album Bravo Popeye (1986) ne se vend guère. À la même époque, les goûts du jeune public évoluent peu à peu, Chantal Goya subissant la concurrence de Dorothée.
Chantal Goya remonte la pente, revient sur les ondes avec de nouvelles chansons et, en 1988, anime les mercredis après-midi d'Antenne 2 avec l'émission Le Monde magique, où elle reprend les personnages de ses spectacles, en vain face à sa concurrente sur TF1. L'année suivante, la chanteuse revient sur scène avec un nouveau spectacle au Palais des Congrès, L'étrange histoire du château hanté, qui rencontre son public malgré un budget sans rapport avec celui des années fastes. Mais la chanteuse s'éloigne de son répertoire habituel en 1990 avec l'album Rythme et Couleur, qui s'avère un échec commercial. Les années qui suivent ne sont pas davantage faciles pour le couple, en dépit d'un certain succès à l'étranger : Chantal Goya est la première artiste étrangère à se produire au Liban après la fin de la guerre et dans les DOM-TOM. On la revoit sur scène en France métropolitaine, grâce à un partenariat avec le groupe AB. Elle reprend ensuite Le Soulier qui vole, sans proportion avec les entrées d'antan.
C'est finalement en 1997 que Chantal Goya ressurgit avec Le Grenier aux trésors, qui reste cinq semaines à l'affiche du Casino de Paris. À la même époque, la génération de ses premiers fans, désormais adulte, est saisie du vertige de la nostalgie : l'ex-Marie-Rose se voit conviée à des prestations dans des boîtes branchées, interprète des remixes et des medley de ses anciens succès - dont une version techno de « Bécassine », faisant des apparitions à des évènements tels que La Nuit des publivores et devenant même une icône de la communauté homosexuelle. En 2001, elle renoue avec le cinéma pour le film Absolument fabuleux de Gabriel Aghion, relookée par le couturier Jean-Paul Gaultier.
Publiant ses Mémoires en 2004, la chanteuse redevient une habituée des plateaux de télévision. En 2006, elle repart en tournée. Sa carrière est définitivement relancée. Effet de nostalgie ou pas, Chantal Goya retrouve une place dans le c?ur du public. L'année 2008 voit la reprise du spectacle Le Mystérieux voyage de Marie-Rose et, après des albums studio comme Au Pays des Étoiles (2006) et Chantons Les Fables de La Fontaine (2010), l'héroïne est de retour en 2015 dans le doublé album-spectacle Les Aventures fantastiques de Marie-Rose.