Miraculé ou génie mésestimé, c'est au choix selon que l'on retiendra que Ken Boothe a sombré dans la dépendance à la drogue et a frôlé la mort ou qu'il n'a pas connu le succès mérité. Né le 22 mars 1946 à Denham Town, un quartier défavorisé de Kingston en Jamaïque, Ken Boothe s'initie très jeune à la musique grâceà une mère chanteuse de gospel et une soeur qui fait partie d'ungroupe assez populaire.
Dès l'école primaire, il participe régulièrement à des concours de chant au cours desquels il croise le chemin de Wilburn « Stranger » Cole avec qui il collabore et signe son premier morceau en duo, « Mo Sen Wa »,en 1962. A 14 ans, il passe dans la cours des grands. « Stranger » Cole l'emmène passer une audition chez Duke Reid qui le fait directement entrer en studio : sa carrière est lancée. S'ensuit un nouveau changement de producteur pour rejoindre Coxsone Dodd, et met fin des duos avec « Stranger » Cole. Cette nouvelle collaboration chez Studio One débouche sur deux tubes somptueux, tout d'abord en 1966 avec « The Train Is Coming » (avec les Wailers aux choeurs) et en 1967, avec la reprise de « Hold Them » de Roy Shirley sous le titre « F eel Good ».
Nous sommes alors en pleine période rocksteady en Jamaïque, sorte de soul tendre et positive très populaire et particulièrement adaptée à la voix langoureuse du futur crooner de Kingston. Les goûts musicaux évoluent, le ska à la rythmique plus rapide est concurrencé par le rocksteady, en directe filiation du rythm'n'blues américain qu'affectionne particulièrement Ken Boothe, notamment Otis Redding ou The Supremes. Premier coup du sort, Ken Boothe est très sévèrement blessé lors d'une bagarre avec des policiers et passe presque toute l'année 1965 àl'hôpital. Cela ne l'empêche pas de reprendre le chemin des studios à la fin de sa convalescence et de multiplier les tubes, les concerts et les collaborations. Passionné, il lui arrive parfois d'enchainer trois concerts le même soir, dans des salles différentes, ou encore de passer ses nuits à dormir au Studio One pour poser des voix tôt le matin.
La reconnaissance internationale arrive en 1974 avec la sortie de son album Everything I Own sorti chez Trojan Records, label anglais spécialisé dans les musiques jamaïcaines. Le single se place trois semaines en tête des charts anglais. Boothe enchaîne les passages télévisés. Mais alors que son premier tube vient de sortir et devrait lui permettre de devenir une star internationale, Ken Boothe est victime d'un deuxième coup du sort avec la faillite de son label, Trojan Records. « Dieu m'a tout donné et ensuite il a dit, non, ce ne sera pas lui » affirme-t-il dans une interview en 2004. Après la sortie de l'excellent album Freedom Street , le chanteur fait une pause de presque trois ans avant de reprendre les enregistrements. Son addiction à la drogue devient incontrôlable et avec ses problèmes de contrat, c'est la fin de carrière qui s'annonce. Mais c'était sans compter l'amour du chanteur anglais Boy George pour le reggae et plus particulièrement le titre « Everything I Own » . Avec sa reprise, une version très club du classique de Boothe, l'ex leader de Culture Club relance l'intérêt pour le chanteur jamaïcain.
Trois ans plus tard, c'est au tour du groupe UB40 de réarranger à sa sauce le titre « Just Another Girl » , puis « Train Is Coming » ou encore « Crying Over You » , également piochés dans l'immense catalogue de Ken Boothe. Rebelote en 1995, dans un style plus « roots » : le chanteur est invité à poser sa voix sur le titre « Train Is Coming » repris par Shaggy pour son album culte Bombastic . Le DJ jamaïcain est au sommet de son art et prend d'assaut les charts internationaux avec sa voix lascive et ses textes très chaud. Le titre fait partie de la bande originale du film Money Train avec Wesley Snipes.
Ainsi remis sur le devant de la scène, il reçoit en 1999 le Reggae Living Legend Award récompensant l'ensemble de sa carrière et son engagement dans la musique. Point d'orgue de sa discographie et première pour Ken Boothe : ledouble concert évènement en 2004 au Cabaret Sauvage qui donne lieu à un disque live d'anthologie, Ken Boothe Live In Paris . Il devient ainsi l'une des seules légendes du reggae, aux cotés de Burning Spear, à avoir immortalisé le concept de l'album capté live dans une salle parisienne.