Eric Shrody, né en août 1969 dans la banlieue de New York, est d'origine irlandaise. Ce n'est pas forcément un bon point quand on prétend faire carrière dans le rap, sauf si on a du talent. Ice T est le premier à remarquer le talent de ce blanc-bec, émigré à Los Angeles, et l'intègre dans son crew, le Rhyme Syndicate.
Parmi la trentaine de MC's qui transiteront par ce collectif, en dehors du patron Ice T, Everlast est le plus identifié, comme quoi la couleur de peau importe peu. Mais nous sommes au début des années 90, Eminem est encore connu de son seul quartier, et le premier album d'Everlast, Forever Everlasting, est un flop, malgré la présence d'Ice T sur un morceau.
Pas découragé, Everlast décide de former un groupe avec DJ Lethal, qui a travaillé sur son album, et Danny Boy, un ami d'enfance de ce dernier. House Of Pain est né, signe sur Tommy Boy Records, et sous le patronage de Cypress Hill, et son DJ Muggs (blanc lui aussi), va exploser les charts. « Jump Around », irrésistible hymne à sauter sur place, est un tube planétaire, et le premier album éponyme de House Of Pain (sous-titré Fine Malt Lyrics, pour renforcer l'image irlandaise de ses membres) est certifié platine en 1992. « Jump Around », sur une production de DJ Muggs, reste un hymne dans les enceintes sportives, dans les films, et partout où l'on nécessite une chanson apte à déchaîner l'enthousiasme des foules.
Devenus immédiatement populaires, Everlast est même invité à participer à un remix de Madonna. En 1994, House Of Pain sort un deuxième album, Same As It Ever Was, qui sera lui disque d'or, mais le succès se délite et le troisième album, Truth Crushed To Earth Shall Rise Again, en 1996, se vend si peu qu'Everlast annonce dans la foulée son retour à des activités en solo.Mais son retour aux affaires est perturbé par une crise cardiaque qui manque de peu de lui être fatale, il faut donc attendre 1998 pour que sorte son premier album post House Of Pain : Whitey Ford Sings The Blues. Le single « What It's Like » est un hit majeur, et l'album s'écoule à près de trois millions d'exemplaires, recueillant un double disque de platine. Everlast y invente un mariage inédit de cultures, qui mêle le rap, les guitares électriques et acoustique, la culture white trash, et des réminiscences country. Quelque chose comme un héritage de Johnny Cash revisité par la culture urbaine, avec des paroles qui narrent le quotidien des ouvriers, et un univers visuel assorti.En 1999, le EP Today est mis sur le marché, huit titres, dans l'édition courante, incluant nombre de versions live de son ancien album et quelques autres de celui à venir. En 2000, Everlast creuse cette veine avec Eat At Whitey's, qui se vend moins (« seulement » disque d'or aux USA, ce qui à l'époque équivaut encore à plus de cinq cent milles copies), mais bénéficie de la présence, sur deux chansons, de Carlos Santana. Si le succès populaire est moins présent, les critiques néanmoins vantent les qualités de ce disque.
En cette année 2000, il sacrifie également au sport national du rap américain, le « beef », en l'occurrence avec Eminem, qui s'est senti visé par un vers d'Everlast dans un remix du groupe Dilated People. Il s'ensuit une série d'enregistrements où chacun insulte l'autre et le menace de mort, jusqu'à ce que les choses se tassent, tout ayant été dit. Dans les années qui suivent, Everlast est bloqué par la situation de quasi-faillite de son label, Tommy Boy, qui devient exclusivement un label de dance musique, avant d'être vendu à la major Warner.
Finalement libéré de son contrat, il signe chez Island / Def Jam, où il sort en 2004 l'album White Trash Beautiful, aux accents plus country encore, et qui ne marche pas. En 2006, Everlast renoue avec ses anciens séides, DJ Lethal et Dany Boy, pour former le super groupe hip hop La Coka Nostra, avec d'autres rappeurs et une série de membres associés. Mais le groupe ne sort finalement qu'un titre, « A Brand You Can Trust », en 2008, et quelques titres variés sur différentes mix-tapes, en attendant de réaliser un album.
Cette même année 2008, après la production et le featuring sur un titre de l'album de Snoop Dogg, Ego Trippin', voit la sortie du cinquième album solo d'Everlast, Love, War and the Ghost of Whitey Ford, sur son propre label, Martyr Inc. La boucle est bouclée puisque le deuxième single à en être extrait est une reprise du « Folsom Prison Blues » de Johnny Cash, retravaillée avec DJ Muggs de Cypress Hill. Trois ans plus tard, l'album Songs of the Ungrateful Living voit les collaborations de DJ Lethal, Fredwreck et Darius Holbert. En 2013, The Life Acoustic le voit reprendre « Jump Around », « Black Jesus » et d'autres de ses compositions dans un style dénué d'électricité. Un long silence s'ensuit jusqu'au retour, en 2018, de Whitey Ford dans l'album Whitey Ford's House of Pain, qui compte les participations de Slug et Aloe Blacc.
Artiste à part, reconnu par ses pairs dans un milieu où, malgré tout, les Caucasiens ne sont guère représentés, Everlast a réussi à se singulariser et à proposer une musique personnelle, montrant que les frontières du rap sont extensibles, celle du blues et du rock aussi.