« Buddy Guy est le meilleur guitariste du monde ». Eric Clapton
C'est dans la petite ville de Lettsworth (Louisiane), que vit le jour George « Buddy » Guy, le 30 juillet 1936. Il grandit dans une famille d'agriculteurs, dans le grand dénuement d'une maison privée d'électricité et d'eau courante.
C'est à 16 ans que son père lui offre son premier vrai instrument à deux cordes et deux dollars. Buddy Guy joue alors simplement pour passer le temps. La légende veut qu'un admirateur anonyme, séduit par son jeu, lui offre une vraie guitare. À peine a t-il, sur le chemin de la maturité, le temps de recevoir comme une aubaine l'influence décisive de Guitar Slim (Eddie Jones), durant les années 1950, le plus impérial guitariste de la Louisiane au Texas.
Il fait ses premières armes à Baton Rouge dans l'orchestre de « Big Poppa » John Tilley, puis avec Slim Harpo, Lightnin' Slim et Leslie « Lazy Lester » Johnson. Il rejoint le groupe de l'harmoniciste Rafus Neal, où il s'adonne au swamp blues (blues du marécage), très influencé par Little Walter. Parti à Chicago, Buddy Guy s'emploie à faire ses preuves sur scène en se produisant aux côtés d'Otis Rush, Earl Hooker ou Freddie King. Il séduit entre autres par une impériale interprétation de « The Things I Used To Do ». Il croise également dans les bars, clubs et autres lieux de perdition un certain Muddy Waters, qui lui apprend beaucoup sur le blues. Son sens du silence aura une influence décisive sur le jeu d'Eric Clapton. Mais le personnage le plus charismatique croisé à cette époque par Guy reste B.B. King, qui représente une influence durable tout au long de sa carrière.
Le jeune guitariste enregistre au mois d'août 1958 deux 45-tours, très influencés par Guitar Slim et B.B. King, tous deux produits par Willie Dixon . Buddy Guy, sur les conseils d'Otis Rush, rejoint l'écurie du label Chess. Dès son premier 45-tours enregistré le 2 mars 1960 (« First Time I Met The Blues »), il est clair que le Louisianais ne doit plus rien à personne sinon à Harmony, sa fidèle Fender Stratocaster. Le 16 mars 1960, Buddy Guy enregistre pour la première fois avec celui qui restera longtemps un partenaire et ami, l'harmoniciste Junior Wells.
En 1961, Guy grave son quatrième single, « Stone Crazy », qui restera son titre le plus emblématique. Les sept années passées chez Chess ont produit le meilleur de la carrière de Guy. La compilation Complete Chess Studio Recordings publiée en 1992 en témoigne. D'autant que ce dernier participe à d'innombrables séances éminemment formatrices aux côtés de Sonny Boy Williamson II, Ike Turner, Jesse Fortune, Robert Nighthawk et Howlin' Wolf.
Au mois de février 1965, il se produit en Grande-Bretagne, partageant la scène avec Rod Stewart et les Yardbirds, puis s'envole pour des concerts en Asie et en Afrique.
En 1967, il enregistre l'album live Blues from Big Bill's, saisi au Copacabana Club de Chicago, en compagnie d'Howlin' Wolf et de Muddy Waters. La même année, Guy quitte Chess pour Vanguard : jusqu'en 1970, il y gravera des albums de bonne qualité, dont Man and the Blues (1968). C'est alors qu'il retrouve Junior Wells, et que, sous le nom de Buddy and the Juniors, il fournit un album de remise en selle en 1970. Puis, Eric Clapton produit, aux côtés de Tom Dowd et d'Ahmet Ertegun, et en compagnie du J. Geils Band, le disque référence Buddy Guy & Junior Wells Play The Blues (avril 1972). Le 28 juillet 1974, Guy est sur la scène du festival de Montreux : c'est à l'occasion de ce concert qu'est enregistré l'album Drinkin 'TNT' - Smokin' Dynamite, sur lequel se retrouve Bill Wyman, alors en vacances de The Rolling Stones.
Durant les années 1970, Buddy Guy tourne énormément, dont des premières parties pour The Rolling Stones. Il participe également aux documentaires The Blues is Alive and Well in Chicago, Chicago Blues et Supershow (1970), Le Blues dans la peau et En Remontant le Mississippi (1972), et Soundstage (1974). En décembre 1981 sort DJ Play My Blues. C'est son dernier disque avant neuf années de mutisme. Les années 1980 son synonymes de disette, il devient propriétaire d'un club, le Buddy Guy's Legend à Chicago, et végète tandis que moult musiciens ont fait fortune grâce à son style.
Dans les années 1990 et grâce à Eric Clapton, il se produit de nouveau sur les scènes de Grande-Bretagne, et en particulier au Royal Albert Hall de Londres. L'Américain retrouve alors un label et enregistre trois albums majeurs du blues de cette décennie. Et se paie le luxe de recueillir trois Grammy Awards à l'occasion de ces trois parutions. Le 19 octobre 1991, Damn Right, I've Got the Blues (enregistré avec Mark Knopfler et Jeff Beck) rompt par conséquent un silence discographique de près de dix ans. Le disque se vend à plus de 500.000 copies. De nouveau, ses concerts affichent complet, de nouveau on peut le voir dans des émissions musicales télévisées. Le 27 mars 1993 sort Feels Like Rain, discutable tentative d'élargir son public.
En 1994, Guy opère un retour aux choses sérieuses grâce à un Slippin' In où l'on retrouve le guitariste prodige Jonny Lang, et la section rythmique au complet de Double Trouble, groupe de Stevie Ray Vaughan. L'album est produit par Eddie Kramer, fameux pour son travail auprès de Kiss, mais également de Led Zeppelin. Le 26 mars 1996 est édité un nouvel album live, The Real Deal, enregistré à Chicago et à New York en compagnie de Johnnie Johnson (en son temps, pianiste et humble serviteur de Chuck Berry), d'une section de cuivres et du guitariste G. E. Smith. En 1997, il propose un trop produit Heavy Love.
En 1998, Guy retrouve son ami Junior Wells pour Last Time Around: Live at Legends (donc enregistré dans le club dont il est propriétaire). En 2001, un pélerinage dans le Mississippi de ses racines lui permet de graver le fruste, rustre, âpre, basique, vibratile et formidable Sweet Tea. En 2003, un autre bel effort acoustique, Blues Singer, emporte un nouveau Grammy Award. Il y reprend « I Live the Life I Love », chanson emblématique de sa carrière, signée Muddy Waters. En 2005, Bring 'Em In accueille quelques invités prestigieux comme Tracy Chapman, Carlos Santana et Keith Richards.
Buddy Guy est une nouvelle fois invité par The Rolling Stones à partager leur scène le 1er novembre 2006. Il grave un splendide duo en leur compagnie, historique version de « Champagne & Refeer ». Cette participation constituera l'un des éclairs de Shine a Light, documentaire de Martin Scorsese consacré au groupe anglais, sorti en 2008. Et, donc, que ce soit dans la célébration ou l'émotion, Buddy Guy reste comme l'un des derniers géants du blues encore en activité. À 77 ans, le guitariste est encore debout pour livrer une double ration de blues incandescent sur Rhythm & Blues (2013) et partager son trône avec Beth Hart, Gary Clark Jr., Keith Urban, Kid Rock et trois membres du groupe Aerosmith (Steven Tyler, Joe Perry et Brad Whitford).
En juillet 2015, quelques semaines après la disparition de B.B. King, sort Born to Play Guitar, dont le titre résonne comme un testament, ou un manifeste à l'image de l'enregistrement suivant The Blues Is Alive and Well (2018), où il pose fièrement devant le panneau de sa ville natale, Lettsworth. Réalisé entre deux tournées, l'album accueille les participations des guitaristes Jeff Beck, James Bay, Keith Richards et Mick Jagger, à l'harmonica.