Carl Orff

Carl Orff doit sa postérité à la célèbre cantate Carmina Burana, une œuvre complètement anachronique en plein XXe siècle. Il naît dans une famille de militaires, à Munich, le 10 juillet 1895. Ses parents, tous deux musiciens, favorisent son apprentissage musical au piano dès l'âge de cinq ans, puis du violoncelle et de l'orgue. Davantage attiré par l'art lyrique que par le formalisme désuet des cours de l'Académie de musique, il assiste à l'opéra de Wagner Die Fliegende Holländer en 1909, à la première de Das Lied von der Erde de Mahler en 1911 et à une représentation d'Elektra dirigée par Richard Strauss en 1914, l'année de son diplôme couronnant ses études dans la classe d'Anton Beer-Walbrunn. Après la composition de lieder sur des textes de poètes allemands et de la pièce lyrique Zarathustra (1912), il s'attelle à un opéra inspiré d'une pièce japonaise, Gisei, sous la double influence de Claude Debussy et Arnold Schönberg, qui sera portée à la scène en 2010. Il poursuit sa formation par des cours de piano avec Hermann Zilcher et se prépare à la direction d'orchestre. Il est nommé directeur musical de la Münchner Kammerspiele quand arrive l'ordre de mobilisation pour la guerre, mais une blessure entraînant une paralysie partielle le libère de ses obligations militaires. Il retrouve de nouvelles fonctions dans les théâtres de Mannheim et de Darmstadt (1918-1919), avant d'en démissionner pour se consacrer à la composition. En 1920, il épouse Alice Solscher dont il aura une fille prénommée Godela, avant de se séparer six mois après et de divorcer en 1927. Ses premières recherches dans le spectacle global le conduisent à dresser le concept de « musique élémentaire », réunissant à la manière antique musique, poésie, théâtre et arts visuels. Il fonde à ce titre la Günther-Schule avec la gymnaste Dorothee Günther en 1924 et s'intéresse à la pédagogie musicale à destination de la jeunesse, ce dont témoigne sa méthode Schulwerk (1930), servant de base à la création d'écoles réunies sous l'appellation Orff-Schulwerk à travers le monde. Cette période le voit aussi travailler sur l'adaptation en allemand de l'opéra de Monteverdi, Orfeo (1607), devenu Orpheus et créé sur instruments d'époque à Mannheim en 1925, bien avant que ce soit l'usage des décennies plus tard, mais Orff ne rencontre alors que des critiques lors d'une seconde mise en scène à Munich en 1929. En 1930, il entame la composition d'une série de cinq cantates, Werkbuch I et Werkbuch II, sur des livrets de Franz Werfel et Bertolt Brecht. En 1935, Orff s'attelle à la composition de l'œuvre qui le fera connaître dans le monde, une cantate en latin, allemand du moyen-âge et ancien français basée sur vingt-quatre poèmes extraits d'un ouvrage du XIIIe siècle, Carmina Burana (« Chants  de Beuren »), provenant de l'abbaye de Benediktbeuern, en Bavière. Inspiré par des compositeurs de la Renaissance et le ballet Les Noces de Stravinsky, il choisit délibérément de lui adjoindre une musique accessible, éloignée des complexités contemporaines, à l'exemple du chœur d'introduction O Fortuna, repris dans des versions pop, rap, metal ou électro. Depuis sa création à l'Opéra de Francfort, le 8 juillet 1937, l'œuvre a connu un très grand succès et des mises en scène spectaculaires, occultant tout le reste de la production du compositeur et notamment des deux autres volets du triptyque Trionfi dont elle fait partie, Catulli Carmina (1943) et Trionfo di Afrodite (1953). Entre temps, Orff adapte pour la scène deux contes de fées des frères Grimm, Der Mond (1938) et Die Kluge (1942) et une version allemande du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, Ein Sommernachtstraum (1939), sans cesse retravaillée jusqu'à la version finale de 1962. Durant la période du régime nazi,  l'œuvre de Carl Orff fait l'objet d'un intérêt particulier en Allemagne, d'abord rejetée en raison de l'emploi récurrent de percussions jugées trop exotiques et des passages érotiques de Carmina Burana, avant d'être adoptée au point d'en faire un exemple de compositeur aryen. Ainsi lui est-il confié la composition d'un hymne pour les Jeux Olympiques de Berlin en 1936, ouvrant le débat sur son engagement ou sa complaisance envers le pouvoir en place. Bien que n'ayant pas adhéré au Parti nazi ni occupé de poste officiel, il a dû s'inscrire au Reichmusikkammer, comme tout musicien sous le IIIe Reich. Lors de la dénazification, il a fait savoir qu'il était avec son ami le professeur et folkloriste Kurt Huber, arrêté et exécuté en 1943, très impliqué dans le mouvement de résistance la Rose Blanche (Weiß Rose), sans en être un membre actif. Il fut finalement classé dans la catégorie « Gris C, acceptable », par les instances en 1946, mais le débat n'a cessé de se développer parmi les historiens. Après la guerre, Orff compose la pièce lyrique Die Bernauerin (1947), ayant pour sujet la vie d'Agnes Bernauer, la maîtresse du duc de Bavière Albrecht III, puis la comédie bavaroise Atustuli (1953). Il concentre aussi son travail sur l'adaptation musicale de pièces antiques à travers Antigonae, d'après Sophocle, créée lors du festival de Salzbourg le 9 août 1949 sous la direction de Ferenc Fricsay ; puis Oedipus der Tyrann d'après le même auteur grec, créée à Stuttgart le 11 décembre 1959 par Ferdinand Leitner ; l'opéra Prometheus d'après Eschyle, créé dans la même ville et avec le même chef d'orchestre le 24 mars 1968 ; puis De temporum fine comoedia, entre l'opéra choral et l'oratorio, qui a nécessité entre 1960 et 1971 dix années de compilation des textes et deux années de composition, enregistré par Herbert von Karajan en juillet 1973 avant sa création au festival de Salzbourg le 20 août de la même année. Dans le cadre de son travail pédagogique a été créé en 1961 l'Institut Orff, dépendant du Mozarteum de Salzbourg. Après sa première union, Carl Orff s'est remarié trois fois, avec son élève Gertrud Willert en 1939 dont il divorcera en 1953, avec l'auteure Luise Rinser de 1954 à 1959, puis avec sa secrétaire Liselotte Schmitz, de 1960 jusqu'à la mort du compositeur, d'un cancer, le 29 mars 1982 à l'âge de 86 ans.